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l'étranger, et lui rendre son indépendance et son antique liberté.

<< Italiens! leur dit-il, le moment est venu où de grandes destinées doivent s'accomplir. La Providence vous appelle enfin à devenir un peuple indépendant; un seul cri retentit des Alpes jusqu'au détroit de Scilla, l'indépendance de l'Italie. De quel droit les étrangers veulent-ils vous ravir votre indépendance, le premier droit et le premier bienfait de tous les peuples?

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Jadis, maîtres du monde, vous avez expié celle funeste gloire par une oppression de vingt siècles. Qu'aujourd'hui votre gloire soit de n'avoir plus de maîtres.

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Quatre-vingt mille Italiens accourent à vous sous le commandement de leur Roi. Ils jurent de ne pas se reposer que l'Italie ne soit libre. Italiens de toutes les contrées! secondez leurs efforts magnanimes... que ceux qui ont porté les armes les reprennent, que la jeunesse inaccoutumée s'exerce à les manier, que tous les amis de la patrie élèvent une voix généreuse pour la liberté.

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L'Angleterre pourrait-elle vous refuser son suffrage, elle, dont le plus beau titre de gloire est de répandre ses trésors et son sang pour l'indépendance et la liberté des peuples?

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« Je fais un appel à tous les braves, pour qu'ils vien

nent combattre avec moi; je fais un appel à tous les hommes éclairés pour que, dans le silence des passions, ils préparent la constitution et les lois qui désormais, doivent régir l'heureuse et indépendante Italie. »

Cette proclamation, au grand étonnement de l'Italie et de la France, ne prononça point seulement le nom de Napoléon. Elle garda le plus profond silence sur son retour, sur ses intelligences avec Joachim, el sur les espérances que leurs efforts combinés devaient inspirer.

Cependant Joachim n'ignorait point l'ascendant que le nom de Napoléon exerçait sur l'esprit et le courage des Italiens. Mais il savait aussi, que ce nom était odieux aux Anglais, et il n'osa point l'invoquer dans la crainte de leur déplaire. Il crut qu'il était assez puissant par lui-même pour s'isoler de l'Empereur, et qu'il lui suffirait de se montrer en armes à la nation italienne et de lui offrir l'indépendance pour la soulever à son gré. Il se trompa; c'était de Napoléon qu'il empruntait toute sa force; personnellement il ne jouissait en Italie d'aucune influence, d'aucune considération. On ne pouvait lui pardonner d'avoir trahi en 1814 son beau-frère et son bienfaiteur, et révélé en 1815 à l'Autriche la conjuration patriotique de Milan*.

Les Italiens prévenus n'osèrent point se confier en lui, ses intentions leur parurent louches, ses promesses vagues, ses ressources incertaines, et ils restèrent paisibles spectateurs du combat.

*

J'ignore si le fait est vrai; mais vrai ou faux, il produisit le même effet sur l'esprit des Italiens.

MÉMOIRES.

I

19*

Ce n'est point en effet avec des réticences qu'on séduit et qu'on entraîne les peuples: il faut, pour les subjuguer, convaincre leur raison et leurs cœurs; et le cœur et la raison ne comprennent point d'autre langage que celui de la droiture et de la vérité. Malheureusement, ce langage n'était plus connu de Murat; depuis son avènement au trône, il avait adopté le système de dissimulation et de duplicité qui caractérise assez généralement la politique italienne. Cette politique rétrécie, qui se nourrit d'astuce et de temporisation, était incompatible avec le sang français qu'il portait dans ses veines, et les combats continuels que se livraient ses nouveaux penchants, et la pétulance nalurelle de son caractère, mettaient sans cesse en contradiction ses paroles et ses actions, et l'entraînaient dans de fausses routes, où il devait finir par s'égarer et se perdre.

Néanmoins, telle est la puissance magique de ces mots sacrés de liberté et de patrie, que Murat ne les prononça pas en vain. Bologne et quelques villes se déclarèrent pour lui; et une foule de jeunes Italiens accoururent se ranger sous ses drapeaux. La victoire favorisa leurs premiers pas Napoléon ne s'abusa point; le moment avait été mal choisi, il prévit la défection ou la perte de Murat, et ce qui se passa au-delà des Alpes ne lui inspira plus que du dégoût. Dès lors, il s'occupa avec plus d'ardeur que jamais, des moyens de lutter seul contre ses adversaires, dont les démonstrations commençaient à devenir menaçantes.

Le gouvernement royal, par crainte et par économie, avait désorganisé l'armée, réduit à moitié les régi

ments, changé leurs dénominations, et disséminé les soldats dans de nouveaux bataillons.

Napoléon rétablit les régiments sur l'ancien pied; il leur rendit ces glorieux surnoms d'Invincible, d'Incomparable, de Terrible, d'Un contre Dix, etc., etc., qu'ils avaient acquis, mérités sur le champ de bataille. Il rappela sous leurs drapeaux les braves qui en avaient été exilés, et l'armée, forte à.peine de quatrevingt mille hommes, compta bientôt dans ses cadres près de deux cent mille combattants.

Les marins et les gardes-côtes, dont le courage s'était signalé si brillamment dans les plaines de Lutzen et de Bautzen, furent réunis sous le commandement de leurs officiers, et formèrent une masse de quinze à dix-huit mille hommes destinés à protéger nos établissements maritimes, ou à renforcer, en cas de besoin, l'armée active.

La cavalerie de la garde impériale et les vieux grenadiers ouvrirent leurs rangs à dix mille soldats d'élite; l'artillerie légère fut réorganisée, et la jeune garde augmentée de plusieurs régiments.

Mais il ne suffisait point de rendre à l'armée les forces qu'on lui avait ôtées; il fallait encore réparer son dénuement les fantassins manquaient d'armes et d'habillements; les cavaliers n'avaient ni selles ni chevaux.

:

L'Empereur y pourvut.

Des achats et des levées de chevaux s'opérèrent à la fois dans tous les départements.

La gendarmerie, en cédant les dix mille chevaux qu'elle possédait, et qu'elle remplaça sur-le-champ,

fournit à la grosse cavalerie des chevaux tout dressés, qui en dix jours de temps portèrent au complet ses nombreux escadrons.

De vastes ateliers d'habillement, de fabriques d'armes, de construction s'ouvrirent à la fois et de toutes parts.

L'Empereur, chaque matin, se faisait rendre compte du nombre des ouvriers, et du produit de leur travail ; il savait combien il fallait de temps à un tailleur pour confectionner un habillement, à un charron pour construire un affût, à un armurier pour monter un fusil. Il connaissait la quantité des armes en bon ou en mauvais état que renfermaient les arsenaux. « Vous trouverez, écrivait-il au ministre de la guerre, dans tel arsenal tant de vieux fusils et tant de démolitions. Mettez-y cent ouvriers, et dans huit jours armez-moi cinq cents hommes. » Telle était l'étendue et la variété du génie de Napoléon, qu'il s'élevait sans effort aux plus hautes abstractions de l'art de gouverner, et descendait avec la même facilité aux plus minces détails de l'administration.

Des commissions extraordinaires furent chargées en même temps de faire réparer et fortifier les places frontières. Elles s'occupaient nuit et jour de cette importante opération. Mais le plus léger retard paraissait à l'Empereur un siècle d'attente, et fréquemment il mettait lui-même la main à l'ouvrage. Il connaissait parfaitement la nature des fortifications de chaque place, le nombre d'hommes qu'elle devait contenir, les approches qu'il fallait défendre; et en quelques heures il déterminait ce que l'ingénieur le plus expérimenté

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