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des conséquences encore plus graves que le retrait de jouissance, c'est-à-dire la dissolution de l'Association elle-même et des peines correctionnelles contre les auteurs de l'infraction (Art. 23). Mais il n'y a pas connexité absolue entre ces diverses mesures. La dissolution entraînera fatalement le retrait de jouissance, tandis que la réciproque n'est pas forcée; de même, les actes rentrant dans la catégorie de ceux qui nous occupent peuvent motiver de simples pénalités sans retrait de jouissance, ou inversement le retrait de jouissance sans pénalités (1).

5me CAUSE : « Si elle ne satisfait pas soit aux obligations a de l'article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, « soit aux prescriptions relatives aux monuments histori« ques. »

Ce texte parait conçu en termes trop généraux, car, si on le prenait à la lettre, il autoriserait le retrait de jouissance des édifices du culte même à raison d'infractions n'ayant pas un rapport direct avec ces édifices. Or, bien que les travaux préparatoires ne fournissent aucune indication à cet égard, nous croyons que, dans ce cas comme dans les précédents, la loi a voulu frapper d'une déchéance l'Association qui néglige ses obligations légales en ce qui concerne spécialement les édifices et objets dont elle n'a que la jouissance (2).

En partant de cette idée, il faudra décider que notre paragraphe prévoit les infractions aux règles concernant :

(1) « On ne saurait, sans détourner les mots de leur sens littéral et << rationnel, considérer cette disposition comme une pénalité supplé«mentaire des infractions à la police des cultes prévues au Titre V. « Il ne suffira pas que l'assoc. et encore moins l'un de ses membres « ait contrevenu, d'une façon quelconque, à la loi pour que cette asso«ciation soit réputée avoir cessé de remplir son objet; il faudra qu'elle << ait cessé de subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public « du culte (Art. 18). Il ne suffira pas qu'un ministre du culte se soit ac«cidentellement écarté de la réserve qui lui est imposée par les art. a 34 et 35, pour que l'église soit détournée de sa destination; il faudra « que l'édifice ait reçu une affectation étrangère à l'exercice du culte, « qu'on y ait par exemple tenu des réunions profanes ou installé une « école.» (Biré, op. cit. p. 75).

(2) Cf. Biré, op. cit. p. 75. — Jénouvrier, p. 133 et 134. - Contrà Lhopiteau et Thibault, n° 192.

1o le paiement du passif laissé, relativement aux édifices du culte, par l'établissement dissous (Art. 6);

2o le paiement des frais d'assurance et autres charges afférents à ces mêmes édifices (Art. 13, § 6). Le défaut d'exécution des « réparations de toute nature » que ce dernier texte impose à l'A. C. trouve sa sanction dans la 3me cause de retrait de jouissance (Suprà, p. 128) (1);

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3o L'entretien des monuments classés, même si leur conservation n'est pas compromise, et l'inaliénabilité de ces mêmes monuments (Art. 16 et 17, p. 145 et 146).

Il serait intéressant d'établir un rapprochement entre notre texte et les art. 8 et 9, § 2: entre les cas où l'A. C. peut se voir retirer la jouissance des édifices du culte et ceux où elle est exposée à perdre la propriété des biens transmis par les établissements ecclésiastiques. Les deux théories présentent une grande analogie entre elles aussi eut-il été à souhaiter que le législateur les fit concorder. Il n'a pas pris ce soin, en sorte que,· sauf en cas de dissolution de l'A. C. ou d'infraction à son objet statutaire, qui sont des causes de déchéances communes aux deux situations, on est en droit de se demander si la reprise des biens transmis suffira pour motiver ipso facto et dans tous les cas un décret de retrait des édifices du culte. Cette question a déjà été étudiée et tranchée dans le sens de la négative (p. 116).

B.

DÉCRET.

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Règles de formes du retrait de jouissance.

L'art. 13, § 2, décide que « la cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert, seront prononcés « par décret. »

Cette règle est générale et s'applique même au cas où le retrait est la conséquence de la dissolution de l'Association bénéficiaire. Le tribunal qui prononcera la dissolution n'a pas, en effet, compétence pour statuer sur la jouissance des édifices du culte, pas plus d'ailleurs que sur l'attribution des biens ecclésiastiques détenus par l'A. C. dissoute.

(1) D'après Lhopiteau, no 193, et Réville, p. 181, le 5° ne ferait pas double emploi avec le 3o, mais autoriserait le retrait si l'A. C. négligeait d'effectuer des réparations nécessaires, alors même que la conservation de l'édifice n'en serait pas compromise. Cette opinion est inadmis sible, car elle rend le 3° absolument inutile.

La loi n'indique pas à la requête de qui le décret en question sera rendu; toute latitude est donc laissée sur ce point au Gouvernement.

DOUBLE OBJET DU DÉCRET. Le décret aura pour objet, non seulement de reprendre le ou les édifices du culte à l'Association attributaire mais aussi, s'il y a lieu, de les transférer à une autre Association cultuelle.

D'autre part, nous allons voir bientôt qu'aux termes du § 3 de ce même art. 13, l'édifice du culte enlevé par voie de retrait de jouissance à une A. C. « pourra » être désaffecté par décret en Conseil d'Etat. Comment concilier entre eux ces divers textes? Quand faudra-t-il transférer et quand désaffecter? Pour répondre à cette question, que la loi a négligé de trancher, distinguons deux hypothèses.

Si, au moment du retrait, une nouvelle A. C. déjà constituée et remplissant les conditions voulues, se présente pour recueillir la jouissance des édifices, ce qui arrivera notamment si cette Association a déjà été désignée, conformément à l'art. 9, § 2, pour recueillir le patrimoine ecclésiastique de la première Association dissoute, le décret prononçant le retrait de jouissance transférera, à son profit, les édifices du culte.

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Si, à ce même moment, il ne se présente aucune Association apte à prendre possession des édifices du culte, le Gouvernement devra les garder par devers lui pendant un certain délai, par exemple pendant deux ans (arg. d'analogie du § 4 de l'art. 13, p. 135) sans en modifier la destination, de façon à pouvoir les remettre, dans les formes prescrites par l'art. 27 du Règl., à toute A. C. qui les réclamerait.

Si le délai en question s'écoule sans réclamation de cette nature, le Gouvernement pourra alors recourir à la désaffectation par décret en C. d'Etat, qu'autorise le § 3 de l'art. 13.

Le décret de retrait de jouissance est susceptible d'un recours devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux (art. 13, § 2), recours qui pourra être introduit par toutes les personnes intéressées, au premier rang desquelles se place évidemment l'A. C. atteinte par le retrait : « Conformément << au droit commun, le recours... ne sera pas suspensif. Mais «le C. d'Etat a toujours le droit d'ordonner la suspension

« de l'exécution d'un acte administratif attaqué devant lui. » (Le Ministre au Sénat: 29 nov., J. off., p. 1605).

§ III. Désaffectation.

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La désaffectation mesure administrative qui enlève l'édifice à sa destination cultuelle, pour le mettre à la disposition de l'Etat, du département ou de la commune propriétaire, aura pour conséquence forcée de mettre fin à la jouissance qui en avait été concédée, en vertu de la loi, à l'Association cultuelle.

SOUS LE RÉGIME CONCORDATAIRE, la désaffectation était le correctif presque indispensable de l'abandon perpétuel consenti à l'Eglise catholique sur les édifices du culte. Par ce moyen, l'Etat, les départements ou les communes pouvaient, quand l'intérêt public était en jeu, reprendre celui des immeubles ecclésiastiques qui leur était nécessaire, à charge de le remplacer par un autre ou par une indemnité équivalente, lorsque le titre ou la circonscription ecclésiastique dont il dépendait n'était pas supprimé.

Les désaffectations ne pouvaient être prononcées que par décret; parfois même une loi était nécessaire si l'affectation elle-même résultait d'une loi (1). L'autorité religieuse devait être consultée sur cette mesure, qui n'était d'ailleurs possible qu'en vue de travaux dont l'utilité publique avait été préalablement déclarée.

En outre, la commune pouvait obtenir, mais uniquement pour un service public, la distraction des parties superflues du presbytère, sans indemnité aucune à la fabrique ou au curé dépossédé.

Bien que, par le fait des dispositions étudiées sous le précédent paragraphe, la jouissance accordée aux A. C. sur les édifices du culte soit loin d'avoir le caractère de stabilité qui caractérisait la détention de ces mêmes édifices par les établissements concordataires, la loi de 1905 a cru devoir conserver le principe de la désaffectation, mais elle a soumis

(1) Par exception, les Conseils municipaux avaient le droit de désaffecter un édifice, consacré au culte en dehors des prescriptions du Concordat (L. de 1884, art. 167)

cette mesure à des règles nouvelles, qui vont être étudiées séparément, en ce qui concerne les édifices religieux, d'une part, et les logements ecclésiastiques, de l'autre.

A. Désaffectation des édifice religieux.

Les nombreux cas de désaffectation prévus par l'art. 13, §§ 3, 4 et 5, peuvent être classés en trois catégories :

1° DÉSAFFECTATION PAR SUITE DE RETRAIT DE JOUISSANCE. « La désaffectation pourra, dans les cas ci-dessus, être « prononcée par décret rendu en Conseil d'Etat... » (§ 3). Les cas ci-dessus » sont ceux du retrait de jouissance. Donc, quand cette dernière mesure aura été prise contre une A. C., si aucune autre Association n'obtient l'attribution, à son profit, de l'édifice du culte, celui-ci pourra être désaffecté, ce qui permettra à l'Etat ou à la commune d'en disposer librement (infrà p. 140).

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2o DÉSAFFECTATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE. ..... En dehors de ces cas, elle ne pourra l'être que par « une loi » (§ 3). Dans quelles hypothèses cette loi de désaffectation devra-t-elle intervenir? C'est ce que le législateur a négligé de préciser, et les travaux préparatoires, particulièrement confus dans cette partie, ne nous apportent à cet égard aucun éclaircissement (1).

(1) V. Ch. des D., 9 juin, et en particulier l'échange d'observations entre M. Ribot, d'une part, MM. Augagneur, Bepmale, Briand, de l'autre. M. Augagneur a fait notamment la déclaration suivante : « On « nous a demandé quelles sont les conditions dans lesquelles la désaf«fectation pourra être rendue nécessaire dans l'avenir. Il y a tous les « projets que j'appellerai d'utilité publique ouverture de places pu«bliques, passage de voie ferrée, etc. ; on pourrait les énumérer et les « multiplier à l'infini. A ce moment on pourra prononcer la désaffecta«tion et celle-ci sera, en fait, le résultat de la loi qui déclarera l'entreprise d'utilité publique.

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M. Ribot à la Ch. des D. et M. Ollivier au Sénat (29 nov.) avaient proposé de n'autoriser la désaffectation qu'en cas de retrait de jouissance ou d'expropriation pour cause d'utilité publique. Leurs amendements ont été rejetés sur l'affirmation des deux rapporteurs que la nécessité d'une loi offrait des garanties suffisantes contre l'arbitraire; mais c'est la procédure préalable de l'expropriation, plutôt que la condition d'utilité publique, que le législateur semble avoir eu l'intention d'écarter (Cf. Lhopiteau et Thibault, op. cit., p. 234).

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