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tombera plus sous les peines de l'art. 259 C. pénal, lequel est abrogé en tant qu'il vise le costume ecclésiastique.

CHAPITRE III.

Protection de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes.

Les art. 31 et 32 (1) répriment les attentats contre ces deux libertés.

§ I.

Attentats contre la liberté de conscience.

L'art. 31 consacre pour toute personne le droit que lui reconnait l'art. 1er (p. 2), d'exercer le culte qu'elle aura librement choisi (ou même de n'en exercer aucun); il punit, d'une part, le fait d'avoir déterminé ou d'avoir voulu déterminer cette personne à s'abstenir d'exercer un culte et, en sens contraire, le fait de peser sur sa détermination pour l'amener à exercer ou à subventionner un culte.

- «

En conséquence il édicte des peines contre ceux qui.... » c'est-à-dire toute personne, notamment le patron qui exercerait une pression religieuse ou antireligieuse. contre ses ouvriers (2):

« soit par voies de fait, violences ou menaces... » Voies de fait et violences faits matériels constituant une agression directe contre la personne physique ou lui causant, sans l'atteindre matériellement, une impression morale de nature à troubler sa volonté. Menaces: violences morales de nature

(1) Ils remplacent les art. 260 et 261 du C. Pénal abrogé par l'art. 44 de la L. de 1905. - Sont abrogés également, mais sans être remplacés par des dispositions analogues, les art. 262 et 263 qui édictaient des peines spéciales contre les outrages envers les objets du culte et contre les outrages et violences à l'adresse de ministres du culte dans l'exercice de leurs fonctions. « Les pénalités de droit commun, « écrit M. Briand dans son rapport, suffiront à défaut de pénalités exceptionnelles... » Enfin l'art. 264, bien qu'abrogé par l'art. 44, est reproduit textuellement dans l'art. 33 de la Loi.

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(2) Déclarations du Rapporteur (Ch. des D., 28 juin : J. off., p. 2567) L'art. 31 ne particularise pas.

à faire craindre pour la sécurité matérielle ou la sécurité morale de l'individu.

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« contre un individu... » ou une collectivité (1);

- soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune... » Cette énumération est simplement énonciative. Il faut dans tous les cas une contrainte morale sérieuse (2);

« l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un « culte... » Les Tribunaux auront à apprécier ce qui constitue un culte;

- « à faire partie ou à cesser de faire partie d'une Associa«tion cultuelle... »

« à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un « culte... >>

§ II.

Attentats contre le libre exercice des cultes.

L'art. 32 applique les mêmes peines que celles édictées par l'art. 31 pour le fait précédent :

- à ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les « exercices d'un culte... » d'un culte quelconque, pourvu que les Tribunaux jugent qu'il y a réellement exercice du culte;

(1) « le mot individu n'est nullement exclusif des mêmes faits « délictueux dont pourrait être victime une collectivité. » (Briand, Ch. des D., 26 juin : J. off., p. 2566).

(2) Ch. des D., 26 juin (J. off., p. 2566) « M Ribot: Avec de pareilles « formules nous pouvons aller extrêmement loin! Si un commerçant

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a se figure qu'il ne pourra plus vendre à une personne pieuse parce qu'il ne va pas à la messe, un procès sera-t-il possible? · Le Rap« porteur: Mais non ! — M. Ribot: Cependant il pourra craindre d'être « atteint dans sa fortune? - Le Rapporteur : Encore faudra-t-il prou« ver, par exemple, que le Président de l'A. C. ou le prêtre a menacé «ce commerçant de l'atteindre dans ses intérêts, s'il ne consent pas à « faire partie de l'Association. - M. Ribot : C'est une menace. Alors vous « exigez qu'il y ait une menace? - A gauche : C'est évident. - Le Rap« porteur : l'art. dit : « soit en lui faisant craindre... » C'est assez clair. M. Ribot: Eh bien ! l'inverse pourra également se présenter. « Si des associations de libres-penseurs décident qu'on ne s'approvi«sionnera plus chez ceux qui vont à la messe, il y aura donc un délit? « Le Prés. de la Com. : Toutes les intolérances se valent. - M. Ribot: « Et si des personnes dénoncent des fonctionnaires publics comme allant à la messe, elles tomberont également sous le coup de l'art. « 31 c'est bien là votre pensée ? »

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« par des troubles ou désordres... » Sur ce point on consultera la jurisprudence antérieure;

« causés dans le local servant à ces exercices. »

Les exercices du culte ne sont donc protégés que dans le local même servant à ces exercices (1), et non quand ils s'accomplissent sur la voie publique par application de l'art. 27, § 1, ou dans les cimetières (2).

Mais pourvu que les troubles ou désordres se produisent à l'intérieur de l'église, peu importe que les faits qui les causent aient lieu à l'extérieur ou à l'intérieur. Puisque, en effet, c'est le libre et paisible exercice du culte dans les locaux à ce destinés que le législateur a voulu protéger, on ne voit pas le moindre motif de distinguer entre les divers faits générateurs du trouble et susceptibles d'y porter atteinte. Cette interprétation de l'art. 32 est conforme au texte et rien dans la discussion ne la contredit (3).

(1) L'art. 261, C. Pénal, visait au contraire les troubles au culte dans tout lieu servant, accidentellement comme habituellement, aux exercices religieux, ainsi que le tapage fait au dehors du sanctuaire et produisant du trouble à l'intérieur.

(2) Rejet d'un amendement Boucher (Ch. des D., 28 juin : J. off., p. 2568).

(3:) En sens contraire Lhopiteau et Thibault, op. cit., p. 297. Ils invoquent en leur faveur la réponse suivante faite par le Rapporteur du Sénat à M. Delahaye qui, afin d'étendre le bénéfice de l'article à toutes les cérémonies et à tous les troubles, soit extérieurs, soit intérieurs, demandait la suppression de ce membre de phrase: « causé dans le « local servant à ces exercices ». La Commission, a dit M. Lecomte, << maintient son texte parce que ce texte introduit une dérogation « au droit commun en faveur des ministres du culte. Nous avons tenu, « avec le régime de séparation, à les protéger dans les édifices con« sacrés au culte que nous abandonnons aux A. C.; mais en dehors de « ces édifices, c'est le droit commun qui reprend tout son empire. » (Sénat, 4 décembre : J. off., p. 1681). Comme on le voit, le Rapporteur a visé uniquement la partie de l'amendement en vertu de laquelle les cérémonies extérieures auraient été traitées comme les cérémonies intérieures. Mais pour que la loi « protège les ministres du culte dans les édifices consacrés au culte » il faut qu'elle puisse réprimer des faits tels que cris chants, injures, jets de pierres, etc., qui, bien que partis du dehors, viendraient entraver ou interrompre les céré monies accomplies dans l'église même.

CHAPITRE IV.

Protection des autorités et de l'ordre public contre les attaques des ministres du culte.

La Loi, dans les articles 34 et 35 (1), vise uniquement les ministres du culte, coupables d'avoir, dans l'exercice de leurs fonctions sacerdotales, outragé ou diffamé un citoyen chargé d'un service public, ou provoqué à la résistance aux lois ou à un acte de l'autorité publique.

I.

-

Outrages et diffamation envers un citoyen chargé d'un service public.

ELEMENTS CONSTITUTIFS. L'art. 34 (2), s'applique à « Tout ministre d'un culte qui, dans les lieux où s'exerce «ce culte... » Nous ajouterons... et dans l'exercice de ses fonctions. Cette dernière condition, non inscrite dans la loi, est une conséquence de la précédente et résulte de l'esprit du texte, ainsi que des commentaires du législateur (3);

aura publiquement... » Il faut que la diffamation ait pu arriver aux oreilles ou aux yeux d'une collectivité de fidèles réunie dans l'église;

par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits

(1) Remplacent les articles 201 à 206 du C. Pénal, abrogés par l'art. 44 et qui avaient une portée plus générale.

(2) Ce texte renferme des dérogations au droit commun sur les points suivants : Assimilation de l'outrage et de la diffamation (Cf. art. 224 C. pénal, art. 30 et 31, L. de 1881); - peines de la diffamation applicables aux deux délits avec élévation du minimum ; - juridiction correctionnelle admise pour la diffamation contre un fonctionnaire public à l'occasion de ses fonctions (Art. 45, L. de 1881); dans le même cas, admission de la preuve du fait allégué devant le tribunal correctionnel.

(3) Cf. rap. Briand qui justifie les dispositions exceptionnelles de l'art. 34 par l'autorité toute particulière attachée à la parole du prêtre, surtout lorsqu'il parle du haut de la chaire. L'argument ne porterait pas, s'il s'agissait d'un ecclésiastique venu simplement pour assister à la cérémonie. En ce sens Lhopiteau et Thibault, p. 301 et 303.

« distribués ou des affiches apposées... » Enumération limitative;

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« outragé ou diffamé... » La diffamation est « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur « ou à la considération d'une personne ou du corps auquel « le fait est imputé » (L. 1881 sur la presse), sans distinguer si le fait est relatif à la vie privée ou à la vie publique du diffamé. L'outrage ou l'injure est « tout terme de mépris, étran « ger même à l'imputation d'un vice ou d'un fait déterminé, « mais de nature à paralyser l'autorité morale, à affaiblir la « considération d'un fonctionnaire public » (de Castelnau, Ch. des D., 29 juin, J. off., p. 2594);

« un citoyen chargé d'un service public..

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>> Ce sont des expressions empruntées à l'art. 224 C. pénal, qui désigne ainsi tous les agents investis dans une mesure quelconque d'une portion de l'autorité publique. La jurisprudence en a précisé le sens et il faudra s'y référer (1).

JURIDICTION COMPÉTENTE. C'est, dans tous les cas, la juridiction correctionnelle, qu'il y ait diffamation ou simple outrage que le citoyen chargé d'un service public ait été diffamé ou outragé à raison de ses fonctions ou de sa qualité » (L. de 1881) ou en dehors de ses fonctions ou qualité.

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Les complices et A. C. civilement responsables seront soumis aux mêmes règles de compétence.

La prescription est, en vertu de l'art. 34 in fine, celle de trois mois établie par l'art. 65 de la L. de 1881.

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PREUVE DU FAIT DIFFAMATOIRE. La loi autorise le prévenu à prouver la vérité du fait diffamatoire, mais seulement, par application de l'art. 35, § 1er, L. de 1881, si ce fait est relatif aux fonctions. Cette preuve sera faite dans les formes prescrites par l'art. 52 de la même loi.

(1) Le Ministre et le Rapporteur à la Ch. des D., 29 juin : J. off., p. 2600). Des explications données (ibid., p. 2599), il semble résulter que ce texte protégerait même les instituteurs et les employés de services monopolisés par l'Etat, en un mot des fonctionnaires qui ne sont à aucun degré détenteurs d'une portion de l'autorité publique. Le mieux sera de s'en rapporter aux solutions antérieures de la jurisprudence. Par contre l'art. 34 ne peut être invoqué par un citoyen chargé d'un simple mandat public (député, sénateur, etc.).

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