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Les entreprises de Grégoire VII contre l'autorité civile sont-elles des modèles à suivre ? N'en trouverait-on pas de plus édifians dans plusieurs illustres personnages dont on a désiré et même sollicité la canonisation, tels que le roi Alfredle-Grand; Robert-Grosse-Tête, évêque de Lincoln; le cardinal martyr Jean Fischer; Gerson, Jean-Michel, évêque d'Angers; Las-Casas, évêque de Chiappa; Palafox, évêque de la Puebla de los Angelos; Gault, évêque de Marseille, dont la piété et les vertus étaient relevées par des talens éminens, qu'ils ont consacrés avec un entier dévouement à la gloire de Dieu et au bonheur de leurs frères.

En résumant ce chapitre concernant la légende de Grégoire VII, on voit faiblesse et abandon des principes de la part du Gouvernement; lâcheté et duplicité dans la grande majorité du clergé; noblesse et fermeté dans la plupart des parlemens, dans quelques évêques, les curés de Paris et d'autres ecclésiastiques attachés à Port-Royal, qu'on traïtait de séditieux, et qui étaient les véritables défenseurs de l'Église et de l'État. A quelques modifications près, tous les temps se ressemblent.

CHAPITRE VII.

Suite de l'Histoire des Libertés gallicanes, jusqu'à l'an 1789.

UN

N savant étranger (Mosheim) imprimait, en 1743, que la cour de France, versatile dans sa marche, parcourait les extrêmes. Aujourd'hui, disait-il, timide et superstitieuse, demain audacieuse et impie; aujourd'hui amie demain ennemie du pape (1). Tels avaient été le cardinal de Lorraine et Catherine de Médicis, voltigeant d'un systême de conduite à un autre, au gré de leurs intérêts. Les effets de la ligue avaient prouvé, combien la cour de Rome était redoutable; mais Marie de Médicis, arrêtée par le cardinal Duperron, favorisa les usurpations en ne s'y opposant pas, et beaucoup de théologiens, entraînés par l'exemple, adoptèrent les préjugés anti-gallicans. Richelieu se servait, pour ses vues, de l'autorité excessive de la cour de Rome, et celle-ci, profondément versée dans les ruses diplomatiques, escamotait à son tour quelque chance favorable, car l'art de négocier est une espèce de jeu, où presque tous les dés sont pipés.

(1) V. Mosheim, Dissertationum ad Historiam ecclesiasticam, etc. 1745; in-12. Altonaviæ; t. 2, p. 342.

Le remède aux grands maux est communément dans leurs excès, et c'est ce qui valut à la France la déclaration des quatre articles; mais bientôt après le but se trouva en contradiction avec les moyens, parce que le Gouvernement n'ayant pas une marche réglée et fixe, multiplia les inconséquences, et fournit des ruiner la déclaration qui était son ouvrage et celui du clergé. Dans l'espace d'un siècle, à peine on cite quelques actes du Gouvernement pour maintenir nos libertés, excepté un arrêt du conseil d'état, du 24 mai 1766, qui réitère aux universités, séminaires et corps enseignans, l'injonction d'observer et soutenir la déclaration de 1682 (1).

armes pour

Les membres du grand conseil étant créatures de la cour, en suivirent toujours l'impulsion. Ce tribunal se chargea de rendre inutile le zèle des parlemens, en favorisant les atteintes données à la loi nationale de la pragmatique sanction et à l'ancienne discipline de l'Eglise. Il avait une jurisprudence hétérogène, et reconnaissait l'inquisition comme tribunal de justice en France.

Il tolérait, dans les rescrits de Rome, la clause de propre mouvement et de plénitude de puissance apostolique, et par conséquent l'infaillibilité personnelle.

(1) V. cet arrêt, dans Durand de Maillane, t. 5, p. 154 et suiv.

Ces torts sont amplement exposés dans l'ouvrage anonyme de Goesman, intitulé: La Jurisprudence du Grand Conseil examinée dans les maximes du Royaume (1). Telles furent la négligence et la faiblesse du Gouvernement, que, sous ses yeux, la bulle monstrueuse in cæna Domini eut force de loi dans le Roussillon, jusqu'en 1762, époque à laquelle elle fut enfin supprimée, par un arrêt du conseil supérieur de cette province.

Cette tiédeur, pour la défense des quatre articles, encourageait l'audace de tous ceux qui voulaient les combattre : dans le nombre de ceux qui leur livrèrent de nouvelles attaques, on rencontre sur-tout des moines mendians et des Jésuites.

Le P. d'Avrigny prétend que l'infaillibilité du pape et sa supériorité sur le concile, sont encore des problêmes indécis (2). Il veut bien cependant qu'on se soumette aux lois de son pays et aux édits du prince qui, chargé de maintenir la paix, doit non-seulement bannir les doctrines suspectes, mais défendre d'enseigner celles qu'il croit préjudiciables à son autorité, dès qu'elles ne sont pas autorisées par le consentement de l'Eglise.

(1) 2 vol. in-8°. Avignon, 1775.

(2) V. d'Avrigny, Mémoires chronologiques et dogmatiques, t. 3, p. 236.

Son confrère, le P. Longueval, fut moins réservé dans son Traité du Schisme (1), vanté par certain parti, qui n'a garde de citer la réfutation de cet ouvrage (2).

Le P. Longueval déclare que les vraies libertés de l'Eglise gallicane sont saintes, que cependant la difficulté de dire en quoi elles consistent, en facilite l'abus (3). Et de quoi n'abuse-t-on pas? La religion étant l'objet le plus sacré, court, dans l'ordre moral, les mêmes dangers que l'or qui, étant le plus précieux des métaux, est plus exposé aux tentatives des falsificateurs; mais si nos libertés sont si difficiles à connaître, comment sait-il qu'elles sont saintes?

Avant le treizième siècle, dit Longueval, on ne trouve dans aucun auteur le nom de libertés gallicanes. Supposons que cela fût, qu'importe le nom, si on y trouve la chose? Le mot transubstantiation n'a pas toujours été employé, mais toujours on a cru à la présence réelle. Saint Ambroise, le premier, s'est servì du mot missa pour désigner le saint-sacrifice, cependant on le célébrait avant lui; mais nous dire qu'au treizième siècle seulement il est ques

(1) Traité du Schisme, par le P. Longueval; in-8% réimprimé à Bruxelles, 1791.

(2) La Réfutation est attribuée à Megank.

(3) Ibid, p. 77 et 79.

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