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Newton, déclarent qu'ils n'admettent point, comme le philosophe anglais, le mouvement de la terre autour du soleil. Pourra-t-on croire que, le 5 novembre 1795, un M. Prévost, prêtre français émigré, écrivant de Fano, à un cardinal, voulait lui dédier un gros livre contre le systême de Copernic. Il a fait, dit-il, cet ouvrage par zèle pour la religion, attendu que. Paul V a condamné ce systême comme étant contraire à la sainte écriture, et défendu, sous peine d'excommunication, la lecture des livres qui le soutiennent (1).

Ailleurs, il sera question des entreprises directes contre l'autorité civile et le domaine temporel. Obligée par la force des événemens à renoncer au pouvoir direct, Rome défendant pas à pas le terrain, s'est retranchée à regret sur le pouvoir indiscret qu'il est facile de ramener au premier par des arguties. J'ai dit à regret, Barclay nous assure que Sixte-Quint fut indigné contre Bellarmin parce qu'il ne lui accordait qu'un pouvoir indirect sur le temporel (2). Alors Rome a laissé aux chefs des états, à titre de concession, ce qu'elle n'avait plus la force de leur ravir. Souvent aux actes

(1) Extrait du tom. XVIII du recueil in-4°. des pièces intitulées De caritate summi pontificis erga sacerdotes Gallos exules.

(2) V. Barclay, de potestate Papæ, chap. 15.

qui blessaient ses prétentions, elle opposa des protestations publiques. On peut lire, dans les historiens d'Allemagne, celle qu'elle publia contre le traité de Westphalie, qui sécularisant des abbayes et des évêchés en faveur de prince protestant, était bien autre chose que les décrets de l'assemblée constituante, bien autre chose que les articles 93 et 94 de la constitution française de l'an 8, contre lesquels Rome s'est récriée. Cependant elle n'excommunia jamais l'empereur d'Allemagne, ni les autres princes qui s'étaient rendus garans de ce

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Quand elle voyait du danger à des protestations patentes, elle en consignait d'ocultes, pugno, c'est-à-dire écrites de la main du pape, dans ses archives, qui, transportées à Paris, ont été ouvertes aux recherches des curieux; là se trouve la protestation secrète d'Alexandre VII contre le traité de Pise, et celle de Clément XIII, du 3 septembre 1764, qui casse l'arrêt par lequel le parlement expulsait les Jésuites (1).

C'est seulement en 1787 que Pie VI voulut bien reconnaître comme roi de Prusse, l'électeur de Brandebourg.

(1) Tirée de la correspondance de Pie VI aux archives secrètes. Voy. ces deux pièces dans l'Essai historique sur la Puissance temporelle des Papes, 3°. édition in-8°. Paris, 1811, tom. 2, p. 175 et suiv. et p. 209 et suiv.

Dans une allocution en consistoire secret, le 29 mars 1790, sur les affaires de France, le même pape se récrie contre l'assemblée constituante, qu'il dit composée de philosophes se invicem mordentium et obtrectantum, et il déclare que son silence n'est pas approbatif, mais un silence de nécessité, jusqu'à ce qu'il puisse parler librement (1).

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Le 2 juin 1795, Pie VI avait accordé au roi d'Espagne la faculté de lever une contribution. temporaire sur le clergé séculier et régulier, et tout récemment, la même faveur a été accordée, par Pie VII, au roi Ferdinand, mais le 17 septembre 1803, Pie VII refusa à la république du Valais la faculté de racheter les dîmes et les droits féodeaux.

Cependant Boniface VIII, en révoquant la bulle unam sanctam lancée contre Philippele-Bel, reconnaît que les gouvernemens ont le droit, quand la nécessité l'exige, d'imposer des contributions sur les ecclésiastiques de leur pays, sans la permission du saint siége (2). En 1606, Sardi, auteur vénitien, disait : si le pape est le monarque des monarques, comment dans les premiers siècles tant de saints.

(1) Correspondance officielle de Pie VI, an 16 de son pontificat.

(a) F. Raynald. ad an. 1297, p. 50, no. 152 et 155, V. aussi: De jure Helvetiorum, etc., p. 105.

pontifes zélés pour la gloire de Dieu, ont-ils pu l'ignorer? (1) Bellarmin répond que les rois infidèles et les hérétiques ont été tolérés, parce que l'Eglise n'était pas assez puissante pour les renverser, mais que si elle avait eu la force, elle eut pu et même dû les abattre, à moins que des raisons de prudence ne l'eussent empêchée (2). Toutes ces prétentions romaines se trouvent substantiellement dans les fameuses bulles appelées in cœna Domini (parce qu'on les publiait à Rome le jeudi saint), et qui sont proscrites dans tous les pays catholiques.

La première eut pour auteur Pie V, en 1536. Cette considération, qui aurait pn empêcher de le canoniser, a été peut-être un motif de plus pour lui décerner l'auréole. Cette bulle accrue successivement par Paul V, en 1610, et Urbain VIII, en 1629, déclare excommuniés ipso facto les princes qui établiraient de nouveaux impôts sans la permission du pape, les princes qui font des traités d'ailliance avec les hérétiques, les princes qui fournissent des armes aux infidèles, etc. Quoique depuis le sage Ganganelli on ait cessé de publier cette bulle, Rome n'en a pas abjuré la doctrine: en voici la preuve.

(1) V. Due discorsi soprala libertate ecclesiastica di G. Simone Sardi Venitiano, in-4°.; 1606, p. 17 et 15. (2) V. Bellarmia de potestate summi pontif. iu temporal., chap. 2, p. 190 et 209.

Le cardinal Cambacérès ayant demandé à Rome quelques facultés pour des dispenses matrimoniales, le pape Pie VII, le 17 août 1808, lui accorde, plus sans doute qu'il n'avait demandé, pour cinq ans les mêmes pouvoirs qui ont été accordés aux évêques pour le temps de troubles, entr'autres la permission de lire les livres prohibés et d'absoudre des cas réservés encourus par infraction à la bulle in cœna Domini (1). Donc les dispositions de la bulle sont pour Rome toujours en vigueur, toujours obligatoires.

Depuis le quatrième concile général de Latran, en 1215, sous Innocent III, les papes ont envahi, sur les évêques, le droit d'accorder presque toutes les dispenses. Rome eut toujours à cœur spécialement d'occuper toutes les avenues de la conscience des rois. Les chartriers contiennent une foule de brefs qui accordaient aux princes la faculté de choisir qui bon leur semblerait pour confesseurs, et à ceux-ci, par la même, tous les pouvoirs nécessaires pour les absoudre. Ainsi les pénitens et les confesseurs étaient alors indépendans des évêques et des curés. On trouve même une bulle du 2 des nones de janvier an rer. du pontificat de Clément V, qui permet au roi de France de demander par son testament que ses entrailles soient

(1) Correspondance de Pie VII, tom. dernier: Les Pouvoirs accordés sont fol. 66 et suiv.

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