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cette affaire; tout le sénat s'engagea, par serment solemnel, à persévérer dans la défense de ses droits, chacun promettant, au prix de ses biens et de son sang, de maintenir la décision, et de ne s'en départir ni par menaces, ni censure ecclésiastique. Cette résolution irrita le pape, qui, dans un bref du 3 janvier 1726, lá traita de perversité hérodienne (1).

par

La résistance des Cantons porta quelquefois l'empreinte de la naïveté: ainsi, lorsque le fameux cardinal de Sión, Schiner, brouillé avec ses compatriotes,demandait que le Valais fût mis au ban de l'Empire, et que ce ban fût affiché dans toute la Suisse, les Cantons s'y opposèrent, en disant qu'ils n'étaient point accoutumés à ces sortes de báns, et que, de tout temps, ils s'en étaient passés (2). Dans une autre occasion, les Grisons catholiques, menacés d'excommunication, répondent: Nous ignorons ce que c'est; mais nous n'en voulons pas.

Les conciles œcuméniques de Constance et de Bâle, tenus, l'un près des Suisses, l'autre, chez eux, avaient éveillé leur attention. Les ouvrages présentés à ces assemblées, les dis

(1) V. Balthazar, p. 127 et suiv. V. aussi Mémoires pour servir à l'histoire du différend entre le pape et le Canton de Lucerne, in-8°. Lausanne, 1727, et l'ouvrage intitulé Lucerna Lucens.

(2) V. Balthazar, p. 126; les recès de Lucerne, en 1518 et 1522.

cours éloquens qu'on y avoit ouïs, les hommes illustres qu'on y avait vus, firent, dans ces contrées, une impression dont les effets ne sont pas éteints. A Bâle, on cite encore les admirables harangues du cardinal archevêque d'Arles, Louis Alaman, président du concile (1). On aime à rappeler le stratagême ingénieux dont il usa pour couvrir de honte quelques évêques méticuleux qui s'étaient absentés de la séance où l'on devait statuer définitivement sur le pape. Le cardinal envoye chercher, dans les diverses églises de Bâle, des châsses contenant des reliques de saints, et les fait déposer sur les places vacantes, en disant: Les ossemens de ees héros du christianisme protesteront à jamais contre la lâcheté des prélats absens; et, après la délibération, malgré les foudrés d'Eugène IV, au nom du concile, il prononce la déposition du pape. Cette conduite d'Alaman n'a pas empêché Clément V de le béatifier, par sa bulle du 9 août 1527.

Le concile de Trente, reçu en Suisse, quant à la doctrine, ne le fut jamais en ce qui concerne la discipline. Fleury s'est trompé en croyant le contraire; et Balthazar assure que les archives sont remplies de protestations contre l'introduction de cette discipline (2). A l'appui

(1) V. Æneas Silvius, dans son ouvrage de gestis basiliensis concilii ; l. 1, p. 22 et 34.

(2) V. Balthazar, p. 73, 74, etc.

de cette assertion, il expose divers faits où les Cantons ont lutté contre les tentatives de la nonciature établie d'une manière permanente en Suisse, par Sixte-Quint, l'an 1586. A toutes les époques, ce tribunal s'est efforcé d'étendre ses invasions.

Par cette raison, on conçoit quel dut être le mécontentement du nonce, lorsqu'en 1769, Balthazar publia son ouvrage. Les libertés gallicanes sont le phare vers lequel sont tournés, avec affection, les regards de l'auteur. Son livre fut censuré, ce qui est toujours plus commode que de réfuter, et l'évêque de Constance voulut le faire supprimer.

Plusieurs fois les Cantons eurent des démêlés avec l'évêque de ce siége, dont le diocèse s'étend sur une partie de la Suisse. Ils en avaient eu également de sérieux avec l'archevêque de Milan et l'évêque de Côme, qui, dans les villages suisses de leurs diocèses, avaient tenté d'introduire l'inquisition. Les Suisses repoussèrent avec horreur ce tribunal.

Des divisions avec les nonces se sont prolon gées jusqu'aujourd'hui ; elles n'auraient pas eu lieu, si, dès l'origine, on eut refusé d'admettre le tribunal de la nonciature et pris des mesures pour établir des évêques dans toute l'étendue du territoire ǹelvétique.

Α

CHAPITRE XIV.

Régime ecclésiastique de la Lorraine.

LA Lorraine, autrefois partie de la Gaule Belgique, jouissait alors des franchises de l'Eglise gallicane. Cet état de choses, modifié dans le moyen âge, subit encore d'autres changemens, lorsqu'on étendit les dispositions du concordat germanique aux trois évêchés de Metz Toul et Verdun, desquels dépendait la Lorraine pour le spirituel; car, malgré ses instances pour obtenir l'érection de Nancy en siége épiscopal, la politique française s'y opposa constamment, et cette faveur ne fut accordée que depuis la réunion définitive à la France.

Le duc Charles II avait envoyé des députés au concile de Constance, et les décrets de cette assemblée avaient force de lois en Lorraine; jamais on n'y voulut reconnaître ni les tribunaux d'inquisition, ni les jugemens émanés de la congrégation de l'inquisition de Rome, ni la jurisdiction des nonces, ni la bulle in cœna domini, et tous les rescrits venus de Rome étaient soumis à l'obtention du placet (1). Ón

(1) V. l'Histoire des lois et usages de la Lorraine et du Barrois dans les matières bénéficiales; par Thibaut, etc.; in-fol. Nancy, 1763.

repoussait les entreprises ecclésiastiques contraires aux droits de l'autorité civile par l'opposition à fin de nullité, qui tenait lieu de T'appel comme d'abus, et qui (suivant la remarque d'un écrivain) « plus fort dans les » termes, l'était peut-être plus encore dans les » effets; car, déclarer nul un acte, c'est refuser, » en principe, tout droit et pouvoir à celui » dont il émane, c'est réduire l'acte au non » être (1). » Cependant l'opposition à fin de nullité était mal appliquée, lorsqu'en 1642,. la cour souveraine de Lorraine s'éleva contre le bref d'Urbain VIII, qui condamnait le divorce du duc Charles IV,

Les tribunaux ecclésiastiques retentirent souvent des divorces de princes qui, au gré de leurs passions, voulaient faire plier les règles de l'Evangile. Des papes et des conciles d'Aix-laChapelle, Thionville, Metz, Beaugency, etc., furent obligés de s'occuper de ces scandales.

Lothaire II, roi de Lorraine, las de Thietberge, veut épouser Waldrade.

Philippe Ier., de France, veut quitter Berthe pour Bertrade.

Louis VII se dégoûte d'Eléonore d'Aquițaine.

par

(1) V. Essai sur les duchés de Lorraine et de Bar, André de Bilistein; in-12. Amsterdam, 1762, chap. 2,

P: 11 et 13.

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