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La déclaration du clergé était un coup de foudre, auquel la cour romaine s'empressa d'opposer le tonnerre du Vatican. Le 11 avril, Innocent XI publie un bref, par lequel il les annulle.

Innocent XI étant mort en 1689, on renoua les négociations avec Alexandre VIII, qui voulait, comme ses prédécesseurs, qu'au préalable les sujets désignés se rétractassent. Le roi répondait qu'on ne pouvait faire dépendre de cette condition l'exécution d'un des principaux articles du concordat; que le pape devait être content de la profession de foi des élus, selon l'ancienne formule.

Que l'assemblée de 1682 n'ayant pas fait un décret, mais un simple exposé de la doctrine du clergé français, quelques particuliers sollicitant des bulles, ne pouvaient pas détruire cet acte solennel.

Que ces questions étant au moins problématiques, on ne pouvait être suspect dans la foi, puisque les conciles de Constance et de Bâle ayant statué la même chose, celui de Trente ́ n'avait rien décidé de contraire.

Qu'une foule de prélats avaient obtenu des bulles, quoiqu'ils eussent soutenu les mêmes propositions concernant l'autorité du pape. Qu'il était d'une dangereuse conséquence que voulussent faire de nouveaux articles

papes

les
de croyance.

Que si le pape s'obstinait, la France serait réduite à prendre des mesures pour donner des pasteurs aux églises vacantes, et que le clergé, les parlemens, les universités demanderaient au roi de rétablir les choses dans l'état où elles étaient avant le concordat.

Le pape voyant qu'on persistait, se réduisit à demander que, pour sauver l'honneur de la cour de Rome, les élus lui écrivissent une lettre qui fût une satisfaction suffisante, en assurant qu'ils n'avaient pas eu intention de rien définir ni de rien faire qui déplût au saint siége; que Louis XIV lui écrivit également de sa main, pour déclarer qu'il n'exigerait pas l'exécution de son décret. Le roi acceptait ce tempérament, mais il avait intérêt à ce que les lettres demandées ne fussent pas interprêtées comme une renonciation aux anciennes maximes gallicanes, et le pape tenait à ce que cette démar che fût réputée une réparation d'une offense prétendue. Voyant qu'il n'avait pu arracher une rétractation, le 4 août 1690 il lança, contre la déclaration du clergé, une bulle plus formidable encore que celle de son prédécesseur. « Après avoir, dit-il, poussé des soupirs vers » le ciel, et répandu des larmes devant le Sei» gneur, il annulle cette déclaration, ainsi » que tous les mandemens, édits, arrêts, dé»crets rendus sur cet objet, dispense de leur » serment ceux qui en ont juré l'observation, et

❝ statue qu'on ne pourra jamais se faire un droit » de ces articles, ni une cause de prescription » quelque longue qu'elle soit. » Lecteurs, retenez ces mots, dont vous verrez ailleurs l'application. Alexandre VIII ne se doutait guères que quatre-vingt-dix-neuf ans après, précisément le 4 août, on abolirait les annatès.

peu

Craignant le ressentiment de Louis XIV, il n'osa cependant publier sa bulle, qui demeura secrète, et il continua de négocier; mais en janvier 1691, voyant qu'il lui restait de temps à vivre, et que personnellement il ne courait aucun risque en la publiant, il la communiqua aux cardinaux, et ordonna qu'elle fût affichée avec les formalités ordinaires.

Cette nouvelle et celle de la vacance du saint siége arrivèrent en même temps à Louis XIV, qui déjà, commençant à faiblir, voulut amortir le zèle aussi actif que légitime du parlement contre cette bulle. Ayant mandé le premier président, il lui dit que, n'ayant reçu la bulle que par une voie indirecte, rien ne lui en garantissait l'authenticité; mais que si elle était réelle, le conclave étant assemblé, on pouvait espérer un pape plus pacifique ; il se trompa.

Innocent XII ne fit rien qui parût confirmer les bulles de ses deux prédécesseurs, mais il ne les révoqua pas.

Rome ayant envahi le droit d'établir des évêques, le refus d'institution est l'arme avec

laquelle elle a toujours paralysé les tentatives faites pour combattre et restreindre ses prétentions. Clément VIII, pendant douze ans, avait laissé l'Eglise de Troyes dans l'état de viduité, en refusant des bulles à René Benoît, nommé par Henri IV. Le crime de Benoît était de penser qu'on avait pu absoudre d'hérésie le roi, sans l'intervention de Rome. Depuis 1642 à 1648, elle avait refusé des bulles à de Marca, pour l'évêché de Couserans, parce que, dans son ouvrage sur la Concorde du Sacerdoce et de l'Empire, il avait soutenu nos libertés.

Douze ecclésiastiques qui avaient assisté à l'assemblée de 1682, ayant été nommés à des évêchés vacans, demandaient impatiemment leur institution canonique; c'était là que Rome les attendait. Elle refusa des bulles, parce qu'ils refusèrent, ainsi que le gouvernement, de rétracter les quatre articles. Le roi, par l'organe du procureur-général du parlement, en 1688, avait interjeté appel au concile universel, appel auquel s'empressèrent d'adhérer l'université, le clergé de Paris, les archevêques, et les évêques alors assemblés en cette ville. Une circulaire fut adressée, en conséquence, à tous les prélats français. Au lieu de ces démarches emphatiques, si je puis m'exprimer ainsi, et de cet appel qui ne terminait rien, il était plus simple et plus sage d'en revenir sur-le-champ à l'usage de la primitive Eglise, si clairement énoncé

dans le quatrième canon du concile de Nicée, conçu en ces termes : « L'évêque doit être ins» titué, autant qu'il est possible, par tous ceux » de la province. Si cela est difficile pour une » nécessité pressante, ou à cause de la longueur » du chemin, il faut du moins qu'il y en ait » trois assemblés qui fassent l'ordination avec »le suffrage et le consentement des absens; >> mais c'est au métropolitain, en chaque pro» vince, à confirmer ce qui a été fait. »

Louis XIV, s'ennuyant des délais qu'entraînait le refus des bulles, après lesquelles soupiraient les ecclésiastiques qu'il avait nommés, il fut convenu que ceux-ci écriraient au pape une lettre capable de calmer son courroux : divers projets ayant été présentés et rejetés, on adopta, en 1693, la formule suivante, écrite séparément par chacun d'eux, et qu'il est nécessaire de rapporter, tant comme pièce historique que parce qu'elle a fourni matière à discussion.

« Prosternés aux pieds de Votre Sainteté, » nous déclarons et nous protestons que, dans » tout ce qui a été publié l'année susdite et » dans l'assemblée susdite, à l'égard de la puis»sance ecclésiastique, rien n'a été fait dans un » esprit de hauteur contre votre très-saint siége » ou contre l'autorité pontificale, et que notre » intention, non plus que celle du clergé de » France, n'a point été de rien déterminer sur » la foi, et de proposer aucun dogme comme

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