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CHAPITRE III.

Attaques dirigées par divers écrivains contre la déclaration de 1682.

EN 1683, Schelstrate, garde de la bibliothèque du Vatican, entre le premier dans la lice; la déclaration du clergé s'appuie des décisions des conciles de Constance et de Bâle ; Schelstrate prend à tâche de prouver que ce fondement est ruineux; que les actes cités de Constance ont subi une altération, que le décret de la session 4, qui établit la supériorité du concile sur le pape, a été corrompu par les pères du concile de Bâle; que lorsque ce décret fut porté à Constance, l'assemblée n'était pas œcuménique, ne représentait pas suffisamment l'Eglise universelle, et qu'enfin, Martin V au lieu de le confirmer, a soutenu constamment sa supériorité personnelle sur le concile (1). Cette agression mal-adroite nous a valu deux bons ouvrages: 1°. Celui dans lequel Bossuet venge ces deux conciles; 2°. les Eclaircissemens

(1) V. Acta concilii constant. ad expositionem decrétorum ejus sessionum quart. Et, facientia nunc primus ex codicibus ness. in lucem edita O. P. D., cum Schelstrate, in-4°., Antuerpiæ 1683.

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sur l'autorité des Conciles généraux, par Arnauld (1).

Immédiatement après Schelstrate, d'Aguirre paraît sur les rangs avec un vaste appareil d'érudition, pour combattre en détail les quatre articles. Il nie que la France ait des libertés qui lui soient propres, sinon elle aurait une physionomie schismatique; il se constitue défenseur de Grégoire VII, soutient que le pape peut déposer les gouvernans apostats, hérétiques, délier les peuples des sermens de fidélité. L'auteur trouve-t-il sur sa route quelque pape qui ait erré? par exemple, Célestin III, qui prétend que l'hérésie rompt le lien conjugal, et autorise celui des deux conjoints resté catholique à convoler en secondes noces; d'Aguirre soutient qu'alors ces papes ne prononcèrent pas ex cathedra, mais comme simples théologiens. Cette distinction fournit aux partisans de l'infaillibilité personnelle, un infaillible moyen de gagner leur cause. Il ajoute que l'on ne peut s'appuyer du témoignage d'Adrien VI, qui, avant d'être le premier des pontifes, avait, de vive voix et par écrit, combattu l'infaillibilité personnelle. Et comment d'Aguirre le prouve-t-il? En rap

(1) In-8°. 1711. V. aussi : Eclaircissemens de plusieurs difficultés touchant les conseils généraux, in-8°. Amsterdam, 1734, attribués à du Sellier par les uns, par d'autres à le Gros.

et

portant textuellement une bulle de ce pape à Frédéric, duc de Saxe, dans laquelle, confirmant la censure faite par son devancier Léon X, des erreurs de Luther, il rappelle au duc l'obligation de respecter les décrets du saint siége, de s'y soumettre (1). Mais le pape déclare-t-il que sa décision est infaillible? Non. Cette légère omission détruit tout l'échafaudage des argumens de d'Aguirre, qui, d'ailleurs, n'a pu ignorer qu'Adrien VI, devenu pape, avait réimprimé, sans modification, l'ouvrage dans lequel il soutient que le pape peut errer.

En 1683, Sfondrate publia sa Gallia vindicata (2), spécialement pour combattre la régale; on serait peut-être édifié de ce zèle, s'il l'eut également dirigé contre les annates condamnées au concile de Bâle. Dans sa préface, il déclame avec beaucoup de véhémence contre le père Maimbourg, auteur d'un ouvrage en faveur des quatre articles. Il lui reproche d'avoir emprunté, des Centuriateurs de Magdebourg, ses raisonnemens contre l'autorité pontificale. Assurément Maimbourg attaque non l'autorité légitime, mais seulement les abus.

(1) V. Autoritas infallibilis et summa cathedra Petri, etc. Auctore Joan. Saenez de Aguirre, in-fol. Salmantia, 1685.

(2) V. Gallia vindicata, etc. Auctore Sfondrate, in-12. Typ. monasterii st. Galli, 1687.

Faudra-t-il les respecter, parce qu'ils auront été censurés par des hérétiques? Les protecteurs des abus ont souvent employé la manière vicieuse de raisonner de Sfondrate.

La déclaration des quatre articles trouva un adversaire plus redoutable dans le professeur Charlas, auteur d'un gros in-4°. latin, sur les libertés gallicanes, qui parut anonyme en 1684 (1). Quelquefois, par des chicanes, il esquive les difficultés qui l'embarrassent; mais en général ses paralogismes sont présentés avec art, et dans son ouvrage tout n'est pas paralogisme.

en

On dit communément que nos libertés sont le droit primitif, sur-tout dans les quatre premiers siècles. C'est l'idée qu'en donnait, 1563, le cardinal de Lorraine au concile de Trente; l'idée qu'en donnaient le Tellier, archevêque de Reims, le canoniste Justel, etc. Cependant, nos usages n'embrassent pas, dit Charlas, toute l'antique discipline: non, certes; et pour être conséquent, l'Eglise gallicane aurait dû faire revivre, par la pratique, les dispositions du premier concile de Nicée : mais, ajoute l'auteur, en se bornant à l'antique discipline, exclura-t-on ce qui peut s'offrir d'utile

(1) V. Tractatus de libertatibus Ecclesiæ Gallicana. Autore M. C. S. Tholog., doctor. In-4°., Leodii, 1684. Réimprimé à Rome, en, 3 vol. in-8°., 1720.

dans la nouvelle ? Question ridicule. La nouveauté n'est pas un titre d'exclusion pour ce qui est utile; mais l'expérience et l'admiration des siècles reportent les bons esprits vers les usages primitifs.

Charlas élève des doutes sur la pragmatique de saint Louis, parce que saint Louis était trèsrespectueux envers le saint siége; comme si le respect défendait de repousser d'injustes prétentions. Bossuet aussi avait, comme tout bon catholique, une vénération profonde pour le saint siége. Charlas en concluera-t-il qu'il n'a pas rédigé et défendu la déclaration?

La discussion du premier des quatre articles conduit l'auteur à examiner l'origine de l'autorité civile; il prouve très-bien qu'elle ne dérive pas immédiatement de Dieu, comme le pouvoir sacerdotal, mais du consentement des peuples (1). Dieu est la source radicale de toute autorité; mais la délégation, l'exercice de cette autorité sont conférés par le vœu national. Charlas s'objecte les passages des Saints-Pères, qu'on allègue communément pour établir le contraire; il les discute avec sagacité, et réfute Marca par les textes même dont s'appuie celui-ci. Il remarque, d'après saint Chrysostôme, que saint Paul, dans l'Epître aux Romains, dit: Toute puissance vient de Dieu (2) ; mais il ne dit pas

(1) V. Ibid, liv. 4, chap. 4, p. 167 et passim. (2) V. Ad Rom., cap. 13.

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