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du Nord, et ces deux points d'appui semblaient favoriser les développemens de l'insurrection. Le général Rochambeau conçut le projet de s'en ressaisir. Quelques troupes fraîches, arrivées d'Europe, achevèrent de l'affermir dans ce dessein dont il confia l'exécution au général Clauzel. Ces deux places furent attaquées et enlevées; mais ce coup de main, loin de rien changer à la situation des affaires, diminuait les moyens de résistance du Cap, en dispersant les forces disponibles. Le général Leclerc, en les concentrant, avait agi avec plus de prudence.

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Pour l'intelligence des événemens qui se passèrent dans le sud, et qui hâtèrent le dénoûment de la lutte, il est nécessaire de rappeler la position politique des Mulâtres envers l'armée française et les Blancs.

Lorsque les premiers troubles de SaintDomingue eurent fourni aux Mulatres l'occasion de s'emparer de l'autorité, ils en abusèrent pour commettre envers les Blancs des atrocités dont le souvenir survivait encore aux nouvelles circonstances. Ces hom

mes, combattant depuis sous les drapeaux de Rigaud contre les Nègres de Toussaint, réservèrent toute leur haine et leur vengeance pour ces mêmes Nègres. Contraints à leur tour de fléchir sous le joug des Noirs, ils applaudirent aux succès de l'armée française, et virent avec plaisir les Nègres soumis et humiliés. Presque tous les Mulâtres se jetèrent dans le parti français, et le général Leclerc en avait retiré de grands secours contre la révolte des Noirs : il avait recruté ses bataillons de ceux de ces Mulâtres qui s'étaient montrés les plus ardens et les plus capables; il avait confié à quelques-uns d'entre eux d'importantes fonctions, et les avait élevés à de hauts grades militaires; ils avaient répondu à sa confiance, et constamment donné des preuves de dévouement et de fidélité.

Dans cet état de choses, le général Rochambeau aurait dû se conserver tous les avantages qu'il pouvait retirer de la franche coopération des Mulâtres. La prudence commandait de les traiter avec douceur, afin de

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pouvoir les opposer aux Nègres : c'était surtout dans le département du Sud où les Mulâtres formaient les plus nombreux élémens de la population que ces ménagemens étaient indispensables. Mais le général en chef ne put suivre cette sage politique ; les Mulâtres 'devinrent l'objet de persécutions particulières inspirées par d'anciennes haines et de honteuses vengeances; et comme l'assassinat du mulâtre Ogé avait été la première cause de la réunion des Nègres et des Métis contre les Blancs, une injustice non moins atroce envers le mulâtre Bardet produisit des effets semblables. Cet homme était celuilà même qui, lorsque la flotte française s'était présentée devant le Port-au-Prince, avait décidé la garnison du fort Bizoton à se soumettre, et avait ouvert au général Boudet les portes de la capitale de l'Ouest, qu'il avait ainsi préservée de l'incendie il avait donné depuis de nouvelles preuves de zèle et de fidélité à la cause française dans le poste de commandant de la gendar

merie du Petit-Trou. Cependant vers le mois de janvier 1803, la révolte ayant éclaté dans ce quartier, le général Darbois qui y com¬ mandait, sur de vagues soupçons, sur des délations contre lesquelles sa conduite et ses utiles services auraient du le prémunir, fit arrêter l'infortune Bardet, qui fut noyé dans la même nuit.

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Cette cruelle violence détermina tout à coup l'insurrection de tous les hommes de couleur des quartiers environnans';'ils se joignirent à une bande d'insurgés du nord et de l'ouest qui se trouvait alors sur les limites du sud, et se précipitèrent sur les Français à la têté de ces mêmes Nègres contre lesquels ils avaient récemment combattų avec fureur. Après avoir pénétré jusques aux Cayes, ils s'emparèrent de l'Anse-à-Veau, de Miragouane, et du Petit-Trou, où l'on gémissait sur le meurtre du malheureux Bardet. Tous les habitans de ces quartiers furent immolés

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à leur vengeance.

Un caboteur, parti des Cayes, apporta la

nouvelle de ces funestes événemens au gé→ néral Rochambeau, au moment où il allait visiter les hopitaux de l'Ile-de-la-Tortue et du Móle-Saint-Nicolas il envoya sur-lechamp au commandant Laplume un renfort de cinq cents hommes pour lui aider à réprimer ces premiers mouvemens dans le département du Sud.

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Christophe et Dessalines ne manquèrent pas de profiter de cette circonstance pour exécuter l'attaque qu'ils méditaient contre le Cap. Dans la nuit du 17 février 1803, ils précipitèrent leurs masses de Nègres à travers les mornes, attaquèrent, emportèrent le fort Belair, et en égorgèrent la garnison; ils arrivèrent jusqu'aux barrières : ils allaient pénétrer dans la ville; le général Rochambeau eut à peine le temps de rassembler la garnison; il chargea le commandant de la garde BD 19 911 nationale Cagnet de se porter avec sa troupe directement sur le fort Belair, tandis que lui-même, à la tête des troupes de ligne tournait le morne pour attaquer vivement les insurgés sur leur chemin de retraite.

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