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mission dont je l'avais chargé pour dresser, avec M. le président, les conventions de la prise de possession de la partie espagnole.

Le gouvernement français, citoyen Consul, doit cette récompense à ces braves militaires, qui, depuis le commencement de la révolution, n'ont cessé de me seconder dans mes opérations, et se sont toujours conduits de la manière la plus distinguée, Mais vu l'éloignement des lieux, j'ai pensé que je devais, dès ce moment, les faire jouir de cet avantage pour les encourager, aujourd'hui qu'il n'y a plus d'ennemis à combattre, à redoubler de zèle pour m'aider à opérer la restauration de cette belle colonie, et ramener les jours de son ancienne splendeur. Persuadé des sentimens d'équité qui vous animent, je leur ai fait espérer votre sanction, comme j'espère moi-mêmeque vous approuverez cette mesure.

Il est également de mon devoir, citoyen Consul, de ne pas vous laisser ignorer que les soldats de l'armée de Saint-Domingue ont des droits bien acquis à la sollicitude du Gouvernement français. Vous pouvez avoir une entière confiance en eux : bien dirigés, ils sont capables des plus grandes choses. Dans cette dernière campagne, qui, si elle n'a point été meurtrière, n'en a pas été moins pénible, ils m'ont convaincu que, pour la marche, on devait plus compter sur eux que sur les chevaux. J'ai souvent été obligé de

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ralentir leur marche pour donner à la cavalerie le temps de les rejoindre. J'espère que, mieux disciplinés à l'avenir, ils ne le céderont en rien aux troupes d'Europe.

Salut et profond respect. TOUSSAINT LOUVERTURE.

CITOYEN CONSUL,

Santo-Domingo, 12 février 1801.

La malveillance, alarmée d'une résolution qui allait faire passer la partie espagnole de Saint-Domingue sous la domination de la République, fit jouer tous les ressorts de l'intrigue pour y mettre un obstacle; celui qui lui réussit le mieux, fut de faire revenir le citoyen Roume, agent du gouvernement, sur son arrêté du 7 floréal, et de le porter à toutes les démarches qu'il entreprit pour éloigner la prise de possession qu'il avoit lui-même arrêtée. Décidé à l'obtenir par la force des armes, je me crus alors obligé, avant de me mettre en marche, d'inviter le citoyen Roume de cesser ses fonctions, et de se retirer au Dondon jusqu'à nouvel ordre, parce que l'intrigue et la malveillance n'y auraient pas la même facilité de lui tourner la tête : il est là à vos ordres ; quand vous me le demanderez, je vous l'enverai. Quelles que soient les calomnies que mes ennemis l'aient porté à vous écrire contre moi, je m'abstiendrai de me justifier: mais alors que ma délicatesse m'oblige au silence, mon

devoir me prescrit de l'empêcher de faire du mal. Le besoin de correspondre exactement avec mon Gouvernement et la rareté des occasions, me portent à vous prier, citoyen Consul, de consacrer la corvette l'Enfant-Prodigue à ne faire que les voyages de Saint-Domingue; de l'y envoyer au moins tous les trois mois, afin que je puisse régulièrement vous faire connaître, à toutes les époques de ses retours, la situation exacte de cette belle colonie, à la prospérité de laquelle vous pouvez être persuadé que je continuerai de consacrer tous mes instans.

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Salut et profond respect. TOUSSAINT LOUVERTURE.

CITOYEN CONSUL,

Au Cap-Français, 16 juillet 1801.

Le ministre de la marine, dans le compte qu'il vous a rendu de la situation politique de cette colonie, que je m'attachais à lui faire connaître dans les dépêches que je lui adraissais par le retour de la corvette l'Enfant-Prodigue, a dû vous soumettre ma proclamation du 16 pluviôse dernier, portant convocation d'une assemblée centrale, qui pût dans un moment où la réunion de la partie espagnole à la partie française venant de s'opérer, ne formait plus de SaintDomingue qu'un seul et même pays soumis au même gouvernement, fixer ses destinées par des lois sages, calquées sur les localités et les moeurs de ses habitans.

J'ai aujourd'hui la satisfaction de vous annoncer que la dernière main vient d'être portée à cet ouvrage, et qu'il en est résulté une constitution qui promet le bonheur aux habitans de cette colonie, si long-temps infortunés; je m'empresse de vous l'adresser pour avoir votre approbation et la sanction de mon Gouvernement. Pour cet effet j'envoie près de vous le citoyen Vincent, directeur-général des fortifications à SaintDomingue, à qui je confie ce précieux dépôt.

L'assemblée centrale m'ayant requis, vu l'absence des lois et la nécessité de faire succéder leur empire à celui de l'anarchie, de faire provisoirement exécuter cette constitution, comme devant l'acheminer plus vite vers sa prospérité future ; je me suis rendu à ses désirs, et cette constitution a été accueillie par toutes les classes des citoyens avec des transports de joie, qui ne manqueront pas de se reproduire, lorsqu'elle leur sera renvoyée revêtue de la sanction du Gouverne

ment.

Salut et profond respect. TOUSSAINT LOUVERTURE.

Discours Préliminaire de la Constitution.

La colonie de Saint-Domingue' existait depuis plusieurs années sans lois positives. Long-temps gouvernée par des hommes ambitieux, son anéantissement était inévitable, sans le génie actif et sage du général en chef Toussaint Louverture, qui, par les

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combinaisons les plus justes, les plans les mieux réfléchis et les actions les plus énergiques, a su la délivrer presqu'en même temps de ses ennemis exté rieurs et intérieurs, étouffer successivement tous les germes de discorde; du sein de l'anarchie, préparer sa résurrection, faire succéder l'abondance à la misère, l'amour du travail et de la paix à la guerre civile et au vagabondage, la sécurité à la terreur, et enfin la soumettre tout entière à l'Empire français.

La révolution avait renversé avec violence tout ce qui constituait le régime par lequel l'île de SaintDomingue était anciennement administrée.

Les différentes assemblées législatives de France y avaient substitué, à diverses époques, des lois nouvelles : mais l'incohérence de ces lois aussitôt rapportées que rendues, leurs vices ou leur insuffisance reconnus par ceux-là même qui en avaient été les auteurs ; la manière dont elles étaient exécutées par des factieux et des hommes de parti, habiles à les interpréter suivant leurs intérêts, contribuaient plutôt à propager le désordre qu'à le comprimer.

Et la conséquence naturelle de cet ordre de choses avait été de faire regarder ces lois qui n'auraient dû être reues qu'avec un sentiment de respect, comme des objets d'alarmes, ou lorsqu'elles étaient impuissantes, comme des objets de mépris.

Les hommes sages qui ont coopéré à la constitution

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