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constituer pendant la captivité du prince Louis à Ham ; car, ce qui semblerait un contre-sens, l'on n'est nulle part mieux qu'en prison pour conspirer. Je le sais par expérience, et lorsque le prince sut tromper la vigilance de ses gardiens et conquérir sa liberté par un trait d'audace et de présence d'esprit, il avait déjà formé un noyau qui, plus tard, en se grossissant par le zèle, l'activité, l'intelligence et le dévoûment de ses principaux partisans, devait l'appeler à la première magistrature de la république.

La tactique fut habilement dirigée, et grande fut la stupéfaction des prétendants à la présidence, quand ils se virent primer par un proscrit auquel ils avaient d'abord refusé asile sur sa terre natale.

La fraction Bonapartiste qui s'était enrôlée sous le labarum républicain, revint se placer sous le drapeau d'Austerlitz, mais décuplée par de nouveaux adeptes enlevés aux différentes sectes qui minent la république, les unes, par leurs absurdes utopies, les autres, par leurs sauvages arrière-pensées.

Toutefois, ce revirement ne s'accomplit qu'au moment des élections, car avant la lutte et même pendant le combat de février, le parti Bonapartiste n'agit pas séparément; chacun s'associa de son mieux au mouvement qui avait pour but commun le renversement d'un pouvoir dont la France était lasse.

CHAPITRE IV.

Le parti Légitimiste.

Sauvageons de l'arbre monarchique, les quelques centaines de talons rouges émérites qui ont la prétention de constituer, SEULS, tout le parti Légitimiste, ne sauraient cependant, comme tous les sauvageons connus, produire que des fruits dégénérés, et s'ils se font gloire de descendre en ligne directe des Croisades, de la Ligue ou de la Fronde, leurs dernières prouesses se sont accomplies sur les bords du Rhin: depuis lors leur écu s'est brisé dans les antichambres, car combien d'entre eux vinrent-ils défendre la cause Royale en Bretagne et dans la Vendée militaire?...

Là, ne se montrèrent en armes que le peuple, que le soldat, et ce modeste chevalier de province, si dédaigneusement appelé hobereau, par ces marquis de l'OEil de Bœuf.

Toutefois, ces hauts et puissants seigneurs du XIX® siècle ont bien encore quelques instincts, quelque velléité du dévoûment de leurs ancêtres; mais, hélas ! leurs efforts ne ressemblent que trop aux galanteries d'un page du sérail auprès d'une belle odalisque !!!

C'est ainsi, par exemple, qu'ils essaient parfois de s'armer en guerre, mais leur bras efféminé ne peut plus manier la dague du XIIe siècle, et leur corps encore moins supporter l'armure du chevalier!!...

C'est ainsi que parfois encore ils se croient capables de courir les hasards de la conjuration; mais dépourvus de foi religieuse, n'ayant pour ainsi dire plus de convictions politiques, il ne leur reste ni assez d'énergie, ni assez de constance pour en supporter les épreuves, pour en affronter les périls !...

Ils ne font donc que de l'intrigue, qui, ne prouvant que l'impuissance, ne mène qu'au ridicule.

Quant à s'élancer dans la lice où la couronne du vainqueur se trouve suspendue entre le martyre et l'apothéose, ces soi-disant légitimistes s'en sont reconnus indignes le jour où ils laissèrent tomber la bannière royale, relevée si noblement, si audacieusement par notre moderne Jeanne d'Albret.

Et cependant, je dois le dire, qu'au milieu de la dégénérescence générale de la société française, c'est encore dans le parti légitimiste que se trouvent le plus d'éléments chevaleresques. Il ne s'agirait que de les greffer sur l'arbre dont la sève ne vieillit jamais, et cet arbre:

C'est le Peuple!

Et le Soldat qui en est la suprême quintescence.

Et en effet, car si, par une de ces bizarreries des choses d'ici-bas, le dévoûment royaliste s'est souvent élevé et s'élèverait encore jusqu'au sublime chez le Peuple, chez le Soldat et le Hobereau, il a presque toujours été en sens inverse de l'échelle sociale, et sa progression décroissante devient surtout sensible à partir de vingt mille livres de rente.

Depuis l'artisan jusque-là, l'on trouve encore du zèle, un concours franc, sincère, loyal, énergique, empressé, efficace; en un mot, de la vie politique et de l'abnégation.

Mais lorsque apparaît l'hôtel, le suisse à perruque anglaise, l'équipage et le valet poudré, adieu le royalisme en pratique : là, il n'y a plus de place que pour l'orgueil, l'envie, l'amour du luxe, l'insolence, l'hypocrisie politique et religieuse, l'intrigue et l'ambition!

Le cœur y est atrophié et ne saurait désormais s'associer à quoi que ce soit de grand, de noble, de généreux, et tel qui, le matin, aura refusé cent francs pour la cause du Roi ou pour venir en aide à des proscrits, à des prisonniers royalistes, dépensera, le soir même, cinq, dix, peut-être quinze mille francs, pour une fête destinée à éclipser celle de son voisin !...

Tel autre qui, en proie aux misères d'une fortune de deux à trois cent mille livres de rente, aura refusé son concours à un emprunt personnel au Roi, dont cependant il se proclame l'un des plus fidèles sujets, deux

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heures après prendra pour cent, deux cent, trois cent mille francs d'actions dans les chemins de fer ou dans quelque maison de banque ou d'industrie...

Et que l'on ne taxe pas d'exagération ces trop tristes vérités, j'y appliquerais aussitôt bien des noms qui, jadis, passèrent pour des plus illustres et des plus beaux de France, et qui, aujourd'hui, ne sont que trop souvent bien mal portés!...

Avis donc au jeune et merveilleux rejeton du vieux tronc monarchique que n'a-t-il écouté la voix d'un ami qui a tout sacrifié pour sa cause, et qui, ses écrits en font foi, ne varia jamais sur la seule manière d'en assurer le triomphe!...

Si les conseils des Nestors sont parfois bons à consulter, on ne doit jamais dédaigner les avis d'un soldat éprouvé.....

Le parti Légitimiste, grâce à ses trop nombreuses infirmités, grâce à l'abâtardissement de ses sommités, grâce à la caducité politique de ses talons rouges, ne pouvait donc se présenter, bannière déployée, sur le champ de bataille; mais telle était cependant encore son influence, que sa force d'inertie seule contribua à enrayer le char orléaniste, jusqu'au jour où il suffit d'un coup de pied du peuple pour le renverser dans la boue.

Là n'eût pas dû se borner l'action du parti Légitimiste; possesseur des deux tiers de la fortune territoriale de France, il tient en main le nerf de la guerre; et si son instruction laisse généralement à désirer, par cela même que son opulence ne lui en fait pas sentir l'importance,

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