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se rend aux Tuileries. De ce quartier-général de l'armée de Paris, partit aussitôt pour tous les généraux la défense écrite et formelle d'obéir à toute réquisition qui pourrait leur être faite au nom de l'Assemblée.

C'était le 17 novembre. Jour d'aplatissement pour l'Assemblée et de triomphe pour le Pouvoir Exécutif.

CHAPITRE XII.

Un de mes amis ayant fait remettre une note au général en chef sur la situation et l'urgence d'un coup d'Etat, j'étais impatient de connaître son opinion sur des sentiments qui étaient les miens depuis bien des mois.

Je me rendis donc chez le général Magnan le jeudi 27 novembre vers midi; mais arrivé devant le guichet de l'Échelle, j'aperçus dans la cour des Tuileries plusieurs ordonnances de lanciers tenant en main des chevaux avec harnachement de généraux.

Je me rappelai que chaque semaine il y avait chez le général en chef une conférence de tous les généraux de division et de brigade de l'armée de Paris; et en effet, peu d'instants après je vis sortir du quartier-général successivement et tous en tenue, en écharpe et chapeau galonné, tous les généraux.

Lorsque je les supposai tous descendus, je montai à mon tour chez le général Magnan, mon ancien frère d'armes de la garde impériale et de la garde royale, et là, pendant vingt minutes nous nous entretînmes de la gravité de la situation qui ne permettait plus d'hésitatation sur un parti décisif; qu'il fallait ou que le Parlement se déclarât Convention, ou que le Président de la République fit un second dix-huit Brumaire au profit de la société menacée d'une destruction complète, si une majn vigoureuse, habile n'intervenait à temps.

- « Avez-vous lu et médité, mon cher général, la note qui vous a été remise, il y a quelques jours, sur la situation politique du pays?... »

- << Oui, mon cher de Mauduit, reprit le général, et ouvrant l'un des tiroirs de son bureau, il me la montra avec les quatre pages d'observations qu'il y avait ajoutées, et dans lesquelles il répondait avec une grande lucidité et une très-haute intelligence à la note en question.

— « Les événements se précipitent, mon cher général; prenez garde d'être pris en flagrant délit par des adversaires plus lestes ou plus audacieux!... La lutte est, à mon avis, imminente entre les deux pouvoirs qui se disputent la suprématie, et si le pouvoir exécutif ne se hâte pas de profiter de tous ses avantages présents, dans un mois, il sera trop tard, et vous serez tous à Vincennes, pour vos étrennes! >>

- « J'ignore quels peuvent être à ce sujet les projets du Président de la République, reprit le général, mais si

je reçois l'ordre de dissoudre le Parlement, je l'exécute à l'instant; il a déclaré les hostilités et je suis-prêt à relever le gant; il nous mènerait droit à l'anarchie! >>

-<< Bravo! mon cher général, repris-je, mais entrez en campagne au plus vite, il y va du salut du pays, et vous l'avez bien compris.

Je serrai la main au général en le félicitant sur la détermination que je persistais à considérer, plus que jamais, comme la seule solution possible, pour éviter à la France de plus grands malheurs que la prétendue violation d'une Constitution mort-née, et qui d'ailleurs, ne méritait certes pas plus de respect que ses grand'mères, qui toutes, sans exception, avaient été violemment déchirées et traînées dans le sang et dans la boue.

En sortant du quartier-général, je ne mis plus en doute le succès du coup d'État et sa très-prochaine exé

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CHAPITRE XIII.

Les paroles énergiques qu'avait prononcées devant moi le général Magnan, rapprochées de ma dernière soirée passée chez le général Leflô, quelques jours avant, ne permettaient plus de douter de l'imminence du conflit entre les deux pouvoirs.

Je rentrai donc très-préoccupé de ces graves conjonctures dont l'issue n'était pas du reste une question pour moi : la victoire serait pour le pouvoir exécutif.

Je me couchai et m'endormis avec la pensée intime qu'à l'un de mes prochains réveils j'apprendrais la solution de ce grand problème politique.

Ayant, pendant mes longues captivités, contracté l'habitude de travailler au lit; j'y tenais encore la plume, lorsque le vendredi matin, vers dix heures et demie, trois coups de canon précipités se firent entendre dans la direction même du palais Bourbon.

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