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parcequ'elle comprenait des biens à venir, ni parcequ'il n'avait pas été annexé à la minute un état des effets mobiliers compris dans cette donation; il a donc faussement appliqué l'art. 15, et violé l'art. 46 de l'ordonnance de 1731; et par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de casser son jugement ».

Conformément à ces conclusions, arrêt du 25 fructidor an 11, au rapport de M. Rupérou, par lequel,

« Vu les art. 14 et 61 de la loi du an 2;

17

nivôse

» Attendu qu'il résulte de l'ensemble et de la généralité des expressions de ces deux articles, que le but de la loi a été d'écarter tous les obstacles qui interdisaient ou gênaient la faculté de s'avantager entre époux, et de permettre aux maris et femmes de se faire tels avantages qu'ils jugeront convenables, en observant toutefois les formalités relatives à l'essence des contrats et à la capacité des personnes; d'où il suit que, dans l'espèce, il n'y avait lieu à appliquer, ni la coutume d'Auvergne qui défend les Dons mutuels entre époux, ni l'art. 15 de l'ordonnance de 1731 qui n'en fait pas pas même mention;

>> Par ces motifs, le tribunal casse et annulle le jugement du tribunal d'appel de Riom.... ».

S. VI Les Dons mutuels faits entre mari et femme, sous l'empire de la loi du 17 nivóse an 2, étaient-ils révocables, et devenaient-ils caducs,'au préjudice de l'un des donataires par son prédécès à l'autre ?

V. l'article Révocation de donation, §. 3.

DONATION. §. I. Y a-t-il Donation au profit du survivant des deux co-acquéreurs à un même bien, lorsque, par le contrat d'acquisition, il est dit qu'ils acquièrent pour eux et pour celui des deux qui survivra l'autre ? V. le plaidoyer et l'arrêt du 11 germinal an 9, rapportés à l'article Mutation, §. 3.

§. II. Les Donations entre-vifs faites sous l'empire de la loi du 17 nivóse an 2, ont-elles été, quant à leur forme, soumises aux dispositions des lois antérieures ?

V. le plaidoyer du 25 fructidor an 11, rapporté à l'article Don mutuel, §. 5.

§. III. Dans celles des coutumes de nantissement qui, pour la validité des Donations entre-vifs, à l'égard des héri

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tiers du donateur, exigeaient que celui-ci se dessaisit entre les mains des juges fonciers de la situation des biens donnés, doit-on regarder comme valable une Donation faite sans cette formalité, après la publication de la loi du 19-27 septembre 1790, mais dont l'auteur est mort avant la publication de la loi du 13-20 avril 1791 ?

Cette question et une autre qui est indiquée sous le mot Transaction, sont traitées dans le plaidoyer suivant, que j'ai prononcé à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 14 messidor an 9:

«Le 13 avril 1793, Marie Hazin, domiciliée à Liége, fait un testament par lequel elle institue pour son héritier universel le cit. Gilkinet, son beau-neveu, et fait pour 2,500 florins de legs à différentes personnes ; mais la testatric › ayant survécu à la publication faite dans le département de l'Ourthe, de la loi du 17 nivôse an 2, ce testament est devenu caduc.

» Le 22 fructidor an 3, époque à laquelle cette publication n'avait pas encore eu lieu. Marie Hazin fait au cit. Gilkinet Donation universelle entre-vifs de ses biens, à la charge d'acquitter tous les legs contenus dans son testament, et sous la réserve d'une pension viagère de 2,400 livres, et de l'usufruit d'une portion des immeubles.

>> Les biens compris dans cette Donation étaient tous régis par la coutume de Liége, à l'exception d'une métairie située à Hodémont, commune du Petit-Réchain, régie par la coutume de Limbourg.

» Le 25 du même mois, le cit. Gilkinet fait enregistrer cette Donation au greffe du tribunal d'arrondissement qui existait alors à Liége; formalité qui, d'après les arrêtés des repsésentans du peuple en mission dans la Belgique, équipollait à l'enregistrement du même acte au greffe des ci-devant échevins de Liége, et par suite emportait réalisation pour tous les biens situés dans le territoire liégeois.

» Mais rien de semblable n'a été fait dans le Limbourg, et conséquemment la Donation n'a pas été réalisée, quant à la ferme située

à Hodémont.

>> La donatrice étant décédée le 21 brumaire an 5, les défendeurs, ses héritiers naturels, font assigner le cit. Gilkinet au tribunal civil du département de l'Ourthe, pour se voir condamner à leur payer les legs contenus dans le testament du 13 avril 1793, ainsi que les arrérages qui pouvaient être dus

de la pension viagère réservée par l'acte de Donation du 22 fructidor an 3, à leur restituer les fermages des biens dont la donatrice s'était réservé l'usufruit, et qu'il avait touchés pour elle; enfin, à leur remettre tous les objets appartenant à la succession qu'il pouvait avoir en sa puissance; et leurs conclusions leur sont adjugées par jugement du 13 thermidor an 5.

» Alors paraît un prétendu créancier de la défunte, nommé Mordave, qui fait assigner les défendeurs, en leur qualité d'héritiers ab intestat, à fin de paiement d'un somme de 6,000 florins, énoncée dans un billet non signé qu'il représente.

» Les défendeurs se disposant à combattre et repousser cette demande, une transaction intervient, le 12 fructidor an 5, entre eux et le cit. Gilkinet.

» Il est dit dans cet acte que les parties se sont arrangées sur les difficultés existantes entre elles, relativement aux legs contenus dans le testament de Marie Hazin, et répétés dans la Donation du 10 septembre 1795, et autres objets de la succession de celle-ci, pour lesquels il y avait procès déjà suivi d'un jujugement du tribunal civil de l'Ourthe, du 13 thermidor, dont le cit. Gilkinet se proposait d'interjeter appel. On y voit ensuite les conditions et le mode de l'arrangement.

» Le cit. Gilkinet paie aux héritiers une somme de 23,166 florins. Il leur restitue les dépens auxquels il est condamné par le jugement du 13 thermidor. Il promet de solder à leur acquit toutes les dettes de la défunte.

» De leur côté, les héritiers lui donnent pleine décharge, tant pour les legs que pour ce qui pouvait leur compéter, soit du chef de la pension de 100 louis d'or réservée à Marie Hazin, par l'acte de Donation du 11 septembre 1795, soit du chef des fermages des biens dont elle s'était réservé l'usufruit par le même acte, SOIT DE TOUT AUTRE CHEF, la présente lui servant de quittance absolue.

» C'est, comme nous l'avons dit, le 12 fructidor an 5, qu'a été signée cette transaction.

» Quelque temps après, les défendeurs revendiquent la métairie de Hodémont, et prétendent faire annuler, à l'égard de cet immeuble, la Donation du 22 fructidor an 3.

>> Leur motif est que la Donation n'a pas été réalisée dans la justice seigneuriale dont ressortissait la métairie.

» Le cit. Gilkinet répond d'abord, qu'ils sont non-recevables, parceque, par la transaction du 12 fructidor an 5, ils ont consenti à l'exécution pleine et entière de la Donation; ensuite qu'ils sont mal fondés, parceque la

réalisation n'était plus nécessaire ni même praticable, au moment du décès de la donatrice; et que d'ailleurs elle avait été effectuée au greffe du tribunal de l'arrondissement de Liége.

» Le 25 nivôse an 7, jugement du tribunal civil de l'Ourthe, qui rejette la fin de nonrecevoir proposée par le cit. Gilkinet, et néanmoins au fond déboute les héritiers de leur demande.

» Les héritiers appellent de cette seconde disposition, et le cit. Gilkinet de la pre

mière.

» Le 18 messidor an 7, jugement du tribunal civil de la Meuse-Inférieure, qui confirme la disposition attaquée par le cit. Gilkinet, réforme celle dont les héritiers étaient appelans, et déclare la Donation nulle, faute de réalisation, quant à la métairie.

» C'est de ce jugement que le cit. Gilkinet vous demande la cassation : il vous le dénonce comme contraire aux lois romaines et françaises sur le respect dû aux transactions, et comme violant ouvertement les lois relatives à la réalisation en pays de nantissement depuis l'abolition du régime féodal.

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Ainsi, les moyens de cassation du cit. Gilkinet se divisent en deux classes: un seul forme la première, c'est celui qui repose sur la transaction du 12 fructidor an 5, et c'est par là que doit commencer la discussion.

» Si, au moment de la transaction du 12 fructidor an 5, il y eût eu des difficultés élevées entre les parties, sur la validité de la Donation, quant à la métairie, et si, pour terminer ces difficultés, il eût été inséré dans l'acte une stipulation quelconque, nul doute que la fin de non-recevoir opposée par le cit. Gilkinet aux défendeurs, n'eût dû être accueillie; nul doute qu'en repoussant cette fin de non-recevoir, le tribunal de la MeuseInférieure n'eût violé les lois qui assurent entre majeurs l'irrévocabilité des transactions.

» Mais de quoi s'agissait-il entre les parties, lorsqu'elles ont transigé? Il s'agissait uniquement des objets qui avaient fait la matière du jugement du 11 thermidor an 5 ; c'est sur ces seuls objets que les parties ont traité ; c'est sur ces seuls objets qu'elles ont mis fin à toute espèce de contestation; on ne peut donc pas étendre l'effet de la transaction à une difficulté qui n'existait pas, qui n'était pas même prévue au temps de cet acte.

» Sans doute il n'est rien de plus respectable qu'une transaction; elle éteint à jamais les différends qu'on s'est proposé, en la faisant, de terminer ou de prévenir; et c'est

pour cela que les lois l'assimilent à un jugement en dernier ressort. Non minorem auctoritatem transactionum quàm rerum judicatarum esse rectá ratione placuit, dit la loi 20, C. de transactionibus.

» Mais plus une transaction a de force, plus on doit être sévère à en restreindre les dispositions aux objets qui y sont compris nommément.

» Toute transaction, dit la loi 9, §. 1, D. de transactionibus, doit être bornée aux choses qui ont été exprimées dans l'accord des parties. Ainsi, continue le même texte, §. 5, le fils qui, étant déshérité par son père, n'est pas encore certain du droit qu'il a d'intenter contre son testament la plainte d'inofficiosité, peut, sans risque, traiter pour d'autres objets avec l'héritier institué; et il n'aura point à craindre qu'on soutienne, sur ce fondement, qu'il a aussi transigé sur la validité des dispositions paternelles : Ei qui nondùm certus ad se queredam contrà patris testamentum pertinere, de aliis causis cùm adversario pacto transegit, tantùm in his interpositum pactum nocebit, de quibus actum inter eos esse probatur.

» Dans cette espèce cependant, l'héritier institué peut dire que le fils déshérité l'a reconnu pour tel en transigeant avec lui, et que, dès-là, il ne peut plus intenter une action dont le résultat serait de faire annuler l'institution. Mais il suffit que l'institution elle-même n'ait pas été l'objet direct du traité, pour que la loi se détermine à admettre l'action tendante à faire juger si elle est valable ou nulle.

» Ici, Gilkinet peut dire également, et il dit en effet, que les héritiers l'ont reconnu pour donataire, en transigeant avec lui comme tel; mais ce n'est pas sur la Donation elle-même, ce n'est que sur ses accessoires, que la transaction a roulé; la transaction n'a donc pas pu éteindre, et dans le fait elle n'a pas éteint, l'action que pouvaient avoir les héritiers, pour faire juger si la Donation était ou non valable dans quelquesunes de ses parties (1).

» Mais, dit le cit. Gilkinet, par la transaction, les héritiers ne me donnent pas seulement pleine décharge pour les legs, pour les arrérages de la rente viagère, pour les fermages des biens dont la donatrice s'était réservé l'usufruit; ils me la donnent encore

(1) V. l'art. 2054 du Code civil, et le Répertoire de jurisprudence, au mot Transaction, S. 5, nos 4 et 4 bis.

pour tout ce qui pouvait leur compéter DE TOUT

AUTRE CHEF.

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» La réponse est dans ce point de jurisprudence universellement reconue, que, lorsque, dans une transaction, les parties renoncent à tous droits, actions ou prétentions cette renonciation ne doit s'entendre que des droits relatifs à l'objet qui était en litige; et c'est ce que décide expressément la loi 31, de transactionibus, au Code, si de certá re pacto transactionis interposito hoc comprehensum erat, NIHIL AMPLIUS PETIT, etsi non additum fuerit, EO NOMINE, de cæteris tamen quæstionibus integra permanet actio.

» Disons donc que les tribunaux de l'Ourthe et de la Meuse inférieure ont bien jugé, en rejetant la fin de non-recevoir que le cit. Gilkinet prétendait tirer de la transaction du 12 fructidor an 5; et passons à la deuxième classe des moyens de cassation.

» Ici, on convient, de part et d'autre, qu'aux termes de la coutume du Limbourg la Donation du 22 fructidor an 3 ne pouvait pas avoir son effet sur la métairie, sans réalisation.

» On convient également que la coutume du Limbourg ne fixait, pendant la vie du donateur, aucun terme pour l'exécution de cette formalité; mais qu'une fois le donateur décédé, la Donation était nulle à l'égard de tous les biens pour lesquels elle n'avait pas reçu le sceau de la réalisation.

» Cela posé, une première question se présente : c'est de savoir si la Donation a été réalisée du vivant de Marie Hazin.

» Elle ne l'a pas été dans la justice seigneuriale du Petit-Réchain, d'où relevait la métairie c'est un fait constant et reconnu par les deux parties.

» Mais le demandeur prétend qu'elle l'a été dans le tribunal créé en l'an 3 pour l'arrondissement de Liége, et auquel a succédé, en l'an 4, le tribunal civil du département de l'Ourthe.

» Effectivement, il existe un enregistrement de la Donation au greffe du tribunal de l'arrondissement de Liége; mais ce tribunal avait-il juridiction sur le Limbourg? Non. Son ressort était borné au pays de Liége proprement dit. La réalisation qui y a été faite de la Donation, n'a donc pas pu frapper sur les biens du Limbourg; elle n'a pu frapper, et elle n'a frappé en effet, que sur les biens du territoire liégeois.

» Mais, dit-on, le tribunal de l'arrondissement de Liége a été remplacé, en l'an 4, par le tribunal civil du département de l'Ourthe; donc l'enregistrement fait au greffe du pre

mier, doit être censé fait au greffe du second; or, si la Donation eût été enregistrée au greffe du tribunal civil du département de l'Ourthe, il est incontestable que, par cela seul, elle eût été suffisamment réalisée pour les biens du Limbourg, puisque le Limbourg a été incorporé au département de l'Ourthe lui

même.

>> Il n'y a dans ce raisonnement qu'une équivoque, qu'une confusion de mots.

» Le tribunal de l'arrondissement de Liége a bien été supprimé en l'an 4, mais ce n'est que pour l'arrondissement de Liége qu'il a été remplacé par le tribunal civil de l'Ourthe. Pour le Limbourg, le tribunal civil de l'Ourthe a remplacé les tribunaux particuliers à ce pays, notamment la justice seigneuriale du Petit Réchain.

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Ainsi, que les enregistremens faits dans les tribunaux particuliers du Limbourg, soient censés faits dans le tribunal civil de l'Ourthe, pour le Limbourg même, cela se conçoit.

» Que les enregistremens faits dans le cidevant tribunal d'arrondissement du pays de Liége, soient censés faits dans le tribunal civil de l'Ourthe, pour le pays de Liége même, cela se conçoit encore.

» Mais qu'un enregistrement fait dans un tribunal particulier au pays de Liége, soit censé fait dans le tribunal civil de l'Ourthe, non pour le pays de Liége seulement, mais encore pour le Limbourg, c'est ce qui ne peut se concevoir, et c'est ce qui n'est pas. Nous devons donc tenir pour vérité constante, que la Donation n'a pas été réalisée, et ne peut pas être censée l'avoir été, du vivant de Marie Hazin.

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» Mais ici s'élève une autre question: c'est celle de savoir si la réalisation était praticable dans le Limbourg, au moment où la Donation a été faite?

» Le demandeur soutient la négative, et il se fonde sur ce qu'en l'an 3, toutes les justices seigneuriales du Limbourg étaient désorganisées et abandonnées.

» Oui, elles étaient désorganisées et abandonnées, mais était-ce une raison pour ne plus réaliser les actes que la coutume assujétissait rigoureusement à cette forme ? Sans doute, on ne pouvait pas les réaliser dans les juridictions qui n'existaient plus de fait; mais on pouvait et on devait les réaliser pardevant les municipalités d'Herve et du Petit Réchain, qui étaient chargées expressément de ce soin par un arrêté du représentant du peuple Frecine, du 3 thermidor an 3.

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aurait pu empêcher le cit. Gilkinet de remplir au greffe de ce tribunal, la formalité dont il est ici question?

» A la vérité, il aurait pu croire, du premier abord, n'y être pas suffisamment autorisé; mais il ne lui a plus été possible d'en douter, à la vue de l'arrêté du directoire exécutif, du 5 prairial an 4, qui ordonnait la publication dans les départemens réunis, de la loi du 19-27 septembre 1790, dont l'art. 3 porte expressément que, dans les pays de nantissement, la transcription des contrats au greffe des tribunaux de district, vaudra réalisation.

» Et remarquez que la donatrice vivait encore à cette dernière époque ; elle a même encore depuis vécu près d'un an; et vous n'avez pas oublié que la coutume du Limbourg accorde tout le temps de la vie du donateur, pour réaliser la Donation.

» Il n'est donc pas vrai, quoi qu'en dise le cit. Gilkinet, que la réalisation de l'acte dont il s'agit, ait été impossible. D'un autre côté, il n'est pas vrai non plus qu'elle puisse être considérée comme effectuée pour le Limbourg, au moyen de la transcription faite en l'an 3, au gresse du tribunal de l'arrondissement de Liége.

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Ici, distinguons les époques. Distinguons le temps où la Donation a été faite et celui qui a précédé l'installation du tribunal civil de l'Ourthe, d'avec le temps qui a suivi cette installation.

>> Au moment où la Donation a été faite, la disposition de la coutume du Limbourg qui l'assujétissait à la réalisation, était encore dans toute sa vigueur.

» Et elle a incontestablement conservé tout son empire, jusquà l'installation du tribunal civil du département de l'Ourthe.

» Si donc la donatrice était morte dans cet intervalle, il est évident que le défaut de réalisation eût emporté la nullité de la Donation.

» Mais la donatrice n'est décédée que le 21 brumaire an 5, plus de onze mois après l'installation du tribunal civil du département de l'Ourthe.

» Or, l'art. 24 de la loi du 13-20 avril

1791, publiée dans le département de l'Ourthe le 28 ventôse an 5, déclare abolies, A COMPTER DU JOUR OU ONT ÉTÉ INSTALLÉS LES TRIBUNAUX DE DISTRICT, toutes les lois et coutumes qui, pour la validité même intrinsèque des Donations, les soumettent à la nécessité d'être réalisées, soit avant, soit dans un certain délai après la mort des donateurs. Dans les pays soumis auxdites coutumes (ajoute le même article), il suffit, pour la validité de ces actes à compter de l'époque ci-dessus, qu'ils aient été ou soient passés devant deux notaires ou devant un notaire et deux témoins.....; sans que le défaut de la transcription au greffe, substituée par l'art. 3 du décret du 19 septembre 1790, aux dessaisines, saisines et autres formalités de cette nature, puisse, dans aucun pays de nantissement, être opposé aux donataires par héritiers des donateurs.

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» Rien de plus clair, rien de plus précis que cette disposition. Il en résulte nettement que la formalité de la réalisation prescrite par la coutume du Limbourg pour la validité des Donations, a cessé d'être nécessaire, dans le ressort de cette coutume, à compter du jour où a été installé le tribunal civil du département de l'Ourthe.

» Or, encore une fois, Marie Hazin, donatrice, n'est décédée que onze mois après l'installation de ce tribunal. Ainsi, dans les onze derniers mois de sa vie, la réalisation n'a plus été nécessaire pour valider la Donation qu'elle avait faite; le défaut de réalisation ne peut donc pas être opposé à cette Donation.

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Mais, disent les défendeurs, et avec eux, les juges dont la décision est ici attaquée, la loi du 13-20 avril 1791 n'a été publiée dans le département de l'Ourthe, que postérieurement à la mort de la donatrice; elle ne peut donc pas exercer son empire sur un acte dont la mort de la donatrice avait irrévocablement fixé le sort. Juger autrement, ce serait donner à cette loi un effet rétroactif; et c'est à quoi s'opposent, non seulement les principes consacrés par l'acte constitutionnel de l'an 3, mais encore les lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4.

>> Cette objection disparaîtra bientôt, si l'on veut bien faire attention à la différence qui distingue les lois interprétatives du droit antérieur, d'avec les lois introductives d'un droit nouveau.

» Sans contredit, les lois introductives d'un droit nouveau ne peuvent jamais être appliquées aux actes ni aux faits qui en ont précédé la publication ; et c'est ce que l'art.

14 de la déclaration des droits placée en tête de la constitution de l'an 3, avait proclamé en ces termes: Aucune loi, ni criminelle ni civile, ne peut avoir d'effet rétroactif. C'est aussi ce que long-temps auparavant, les lois romaines avaient reconnu de la manière la plus expresse.

» Mais quand il s'agit d'interpréter une loi déjà faite, quand il n'est question que de faire cesser des doutes élevés sur son véritable sens, alors rien n'empêche que le législateur ne donne à sa disposition interprétative, l'effet de rétroagir sur les actes passés dans l'intervalle de la publication de la loi à celle de son interprétation. Ad præterita, dit Voet, sur le Digeste, liv. 1, tit. 3, no 17, ad præterita legem trahendam ratio dictat, quoties non tàm novi quid lege nová injungitur, quàm potiùs dubiæ legis anterioris interpretatio fit.

» Et c'est ce que nous remarquons avoir été fait en plusieurs circonstances, même sous le régime constitutionnel de l'an 3.

» Ainsi, les lois abrogatives de l'effet rétroactif de la loi du 17 nivôse an 2, ayant donné lieu à une multitude de questions que les tribunaux se trouvaient hors d'état de résoudre, le corps législatif a fait, le 18 pluviôse an 5, une loi dont le préambule annonce expressément que ses dispositions, purement interprétatives, serviront de règle aux tribunaux pour la décision des affaires dont ils sont actuellement saisis.

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Ainsi, des doutes s'étant élevés sur l'effet qu'avait dû produire dans la Belgique l'art. 11 de la loi du 12 vendémiaire an 4 concernant l'époque où chaque loi nouvelle est obligatoire, le corps législatif a déclaré, par la loi du 24 brumaire an 7, que la loi du 1a vendémiaire an 4 avait été obligatoire dès le jour de son arrivée à l'administration centrale de chaque département, et que les lois envoyées avant cette époque, mais non encore publiées alors suivant les formes anciennes, étaient devenues obligatoires à compter de ce même jour.

>> Il serait facile de multiplier ces exemples; mais c'en est assez pour nous convaincre que jamais on n'a appliqué aux lois interprétatives la règle générale et sacrée qui interdit tout effet rétroactif aux lois nouvelles.

» Or, qu'a fait l'art. 24 de la loi du 13-20 avril 1791, quand il a disposé dans les termes que nous avons précédemment mis sous vos yeux?

» A-t-il introduit un droit nouveau, en déclarant que la réalisation avait cessé d'être

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