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nécessaire pour la validité des Donations, dès le jour où les tribunaux de district avaient été installés? Non, il n'a fait en cela que déclarer ce que l'assemblée constituante avait entendu faire en supprimant, d'une part, les justices seigneuriales par les décrets du 4 août 1789, et en substituant, de l'autre, aux dessaisines et saisines, par la loi du 19 septembre 1799, la formalité de la transcription des actes aux greffes des tribunaux de dis

trict.

» Une interprétation législative était devenue indispensable à ce sujet, d'après le nombre excessif de procès qui s'étaient élevés entre les donataires qui n'avaient pas fait réaliser leurs Donations, et les héritiers des donateurs décédés, soit depuis les décrets du 4 août 1789, soit depuis la loi du 19-27 septembre 1790.

» D'un côté, les donataires dont les donateurs étaient morts depuis les décrets du 4 août 1789, mais antérieurement à la loi du 19-27 septembre 1790, prétendaient que la formalité de la réalisation avait été abolie avec les justices seigneuriales; et ils en concluaient que l'omission de cette formalité ne pouvait pas leur être opposée.

» D'un autre côté, les héritiers des donateurs décédés depuis la loi du 19-27 septembre 1790, soutenaient que cette loi ayant remplacé, par la transcription aux greffes des tribunaux de district, les formalités de dessaisine et saisine, toute Donation qui n'avait pas été transcrite au greffe du tribunal de discrict de la situation des biens, était nulle, comme elle l'eût été avant 1789 par le défaut absolu de réalisation.

» L'assemblée constituante n'a adopté ni l'un ni l'autre de ces systèmes.

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» Elle a dit sur le premier : J'ai bien supprimé les justices seigneuriales le 4 août 1789; mais en même-temps j'ai ordonné qu'elles continueraient leurs fonctions jusqu'après l'organisation du nouvel ordre judiciaire; elles ont donc dú, jusqu'après cette organisation c'est-à-dire, jusqu'à l'installation des tribunaux de districts, continuer de recevoir les dessaisines et saisines, ou, ce qui est la même chose, de réaliser les actes soumis, par leur nature, à cette formalité. Ainsi, toute Donation qui n'a pas été réalisée avant l'installation du tribunal du district, est nulle, si le donateur est décédé antérieurement à cette époque, et si la coutume de la situation des biens exige la réalisation, à peine de nullité.

» Elle a dit sur le second : J'ai bien déclaré par la loi du 19-27 septembre 1790, qu'à TOME VI, 4e édit.

compter du jour de l'installation des tribunaux de district, la transcription des actes aux greffes de ces tribunaux, tiendrait lieu des formalités de dessaisine et saisine; mais je n'ai pas entendu, par là, exiger cette transcription comme indispensablement néces saire pour donner aux actes leur perfection intrinsèque, ni pour qu'il en résultat ce vinculum juris qui les rend obligatoires envers les héritiers des signataires, comme envers les signataires eux-mêmes ; et cela est si vrai, que j'ai formellement énoncé que cette transcription aurait l'effet de CONSOMMER LES ALIENATIONS, termes qui indiquent évidem'ment que je ne l'ai prescrite que pour assurer l'exécution des actes contre les tiers-acquéreurs et les créanciers postérieurs en date.

» C'est en raisonnant de cette manière, que l'assemblée constituante s'est déterminée, le 13 avril 1791, à déclarer inattaquables, par le défaut de transcription au greffe, toutes les Donations dont les auteurs avaient survécu à l'installation des tribunaux de district, quoiqu'ils fussent décédés avant qu'elle s'expliquât ainsi, et que son explication fût publiée officiellement; et puisque sa déclaration a été exécutée dans l'ancien territoire français, pourquoi ne le serait-elle pas également dans les départemens réunis par la loi du 9 vendémiaire an 4? Pourquoi auraitelle, dans ces départemens, le caractère d'une disposition introductive d'un droit nouveau, tandis que, dans l'ancien territoire français, elle a été généralement reconnue n'être qu'interprétative des lois antérieures? Pourquoi, en un mot, n'aurait-elle pas, dans les départemens réunis, le même effet qu'elle a eu sans difficulté dans l'ancien territoire français?

» Et comment le tribunal de la MeuseInférieure a-t-il pu invoquer ici et opposer à cette loi les décrets du 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4?

» D'abord, les dispositions de ces décrets ne frappent que sur des lois introductives d'un droit nouveau en matière de transmission de biens; il n'y est nullement question de lois purement interprétatives.

» Ensuite, ces décrets sont, pour les départemens réunis, postérieurs à la loi du 13-20 avril 1791; car ils y ont été publiés dès le commencement de l'an 4, et la loi du 1320 avril 1791 ne l'a été que le 28 ventôse an 5. Il est donc bien impossible que la loi du 1320 avril 1791 ait été abrogée, dans les départemens réunis, par les décrets des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4.

» Et qu'on ne dise pas que le directoire exécutif n'avait pas le droit de faire publier,

3.

en l'an 5, une disposition qui se trouvait contraire à une autre publiée dès l'an 4.

» Car la preuve que la disposition publiée en l'an 5, ne contrarie pas la disposition publiée l'année précédente, c'est précisément que le directoire exécutif a ordonné la publication de celle-là, après la publication de celle-ci.

» La loi du 3 brumaire an 4, concernant l'organisation des départemens réunis, lui donnait le droit d'y faire publier successivement les différentes lois françaises; et ce droit, il a pu l'exercer comme il l'a jugé à propos : il n'appartient pas aux tribunaux de décider s'il l'a mal exercé, ni s'il a excédé ses pouvoirs.

>> En dernière analyse, vous voyez qu'autant il est prouvé, de la part des défendeurs, que la Donation dont il s'agit, n'a pas été réalisée, et que cependant elle aurait pu l'ètre, autant il est démontré, de la part du demandeur, qu'il n'était pas nécessaire qu'elle le fût; et qu'en jugeant le contraire, le tribunal de la Meuse-Inférieure a, tout à la fois, fait une fausse application des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, et violé formellement l'art. 24 du tit. 1 de la loi du 13-20 avril 1791.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de casser et annuler le jugement du 18 messidor an 7... ».

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt du 14 messidor an 9, au rapport de M. Oudot, et après un délibéré.

Le moyen que le sieur Gilkinet cherchait à tirer de la transaction du 12 fructidor an 5, n'a fait aucune impression sur les magistrats. L'arrêt de cassation est motivé uniquement sur la contravention à l'art. 24 du tit. 1 de la loi du 13-20 avril 1791. Voici dans quels termes il est concu :

I

« Vu l'art. 3 de la loi du 19 septembre 1790 et l'art. 24 de la loi du 13 avril 1791...;

>> Attendu que la loi du 19 septembre 1790 a eu pour objet, comme le porte son préambule, de faire cesser plusieurs difficultés qui s'étaient élevées sur l'interprétation et l'exécution des décrets des 4 et 11 août 1789, 15 mars et 3 mai 1790; que celle du 13 avril 1791 a de même pour objet de faire cesser plusieurs difficultés relatives à l'abolition du régime féodal;

» Attendu que les premières lois sur la suppression de la féodalité, ont été enregistrées au tribunal civil du département, de l'Ourthe, dès le 15 frimaire an 4; que la loi du 19 septembre 1790 y a été publiée le

5 prairial suivant; et que la donatrice est morte le 21 brumaire an 5;

» Attendu que la Donation du 24 fructidor an 3, a été rédigée par un notaire en présence de deux témoins; qu'il en résulte que le tribunal civil du département de la MeuseInférieure a contrevenu aux lois ci-dessus citées, en annulant la Donation du 24 fructidor an 3, en ce qui concerne la métairie d'Hodémont, située dans le ci devant pays de Limbourg, pour n'avoir pas été réalisée au tribunal de la situation de cette métairie;

» Le tribunal casse et annulle le jugement 'du 8 messidor an 7... ».

on,

§. IV. 10 Avant le Code civil, pouvaitdans la coutume de Cambrésis, considérer comme Donation à cause de mort, une Donation faite par un vieillard de 94 ans, un mois avant sa mort, mais qualifiée entre-vifs, et contenant, de la part du donateur, une expropriation actuelle ?

2o Le donateur qui se réserve l'usufruit du bien qu'il donne, peut-il valablement conférer au donataire les fermages de l'année dans laquelle il viendra à décéder, et non encore échus au moment de son décès?

30 Peut-il valablement lui conférer les fruits recueillis qui se trouveraient en nature dans sa succession?

Voici ce que j'ai dit sur les deux premières questions, à l'audience de la cour de cassation, section des requêtes, le 14 floréal

an II :

« Le tribunal d'appel de Douai a-t-il, par son jugement du 24 ventôse an 10, violé les dispositions de la coutume de Cambray et celles de l'ordonnance du mois de février 1731, en déclarant valable la Donation faite le 16 octobre 1792, par Philippe-Joseph Oudart, à Marie-Albertine-Thérèse Lefebvre et à Marceline Crapez, ses servantes? Telle est la première question que vous présente à décider le recours exercé contre ce jugement par Claude Driancour et consorts, héritiers ab intestat du donateur.

» Vous savez dans quelles circonstances et de quelle manière a été faite la Donation du 16 octobre 1792.

>> Oudart était alors âgé de 94 ans, et il approchait bien près de sa fin, puisqu'il est mort le 22 novembre de la même année.

» Voulant récompenser ses deux servantes du sacrifice qu'elles avaient fait pour lui de leur jeunesse, et des services qu'elles lui

avaient rendus, l'une depuis 56 ans, l'autre depuis 25, il a déclaré leur donner entrevifs, en la meilleure forme et manière que pareille donation puisse être faite, 71 mencaudées et 6 pintes de terre à labour, situées en divers lieux régis par la coutume de Cambray, et estimées, l'une portant l'autre, valoir 400 livres la mencaudée; pour du tout, par les donataires, jouir, user, profiter et disposer, quant à la propriété, dès ce jourd'hui, perpétuellement et à toujours; et à l'usufruit, du jour du décès du donateur, qui s'en réserve la jouissance, sa vie durant, à titre de constitut et de précaire.

» Il a ajouté que le fermage de ces terres de l'année de sa mort, à quelque époque qu'elle arrivât, pourvu qu'il ne l'eût pas atteint, appartiendrait aux deux donataires, et ne pourrait entrer, sous quelque prétexte que ce fût, dans sa succession mobilière.

» Le donateur étant décédé, comme nous l'avons dit, le 22 novembre 1792, Driancour et consorts, ses héritiers ab intestat, ont demandé la nullité de la Donation; et ils se sont fondés, tant sur le défaut des conditions requises par la coutume de Cambray pour réputer entre-vifs une Donation faite par un homme en danger de mort, que sur la disposition de l'ordonnance de 1731, qui déclare nulle toute Donation entre-vifs dans laquelle seraient compris des biens à venir.

» Le premier de ces deux moyens paraît n'avoir fait aucune impression sur les premiers juges, mais ils ont adopté le second. Par jugement du 27 juillet 1793, le tribunal du district de Cambray a annulé la Donation, attendu que la clause relative au fermage de l'année du décès du donateur, présentait une vraie disposition à cause de mort, et faite en vue de la mort, une Donation d'une chose à venir et purement éventuelle dont il n'avait pu étre fait aucune tradition réelle ou feinte, puisqu'elle n'existait pas encore, et que l'année du décès du donateur était incertaine, disposition, d'un autre côté, dont l'effet dépen dant du décès et de la volonté du donateur, rendait l'acte nul en son entier.

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mort; n'est qu'il soit nommément par le donateur dit qu'il veut la Donation étre entre-vifs et irrévocable.

» Mais il a considéré que, de cet article même, il résulte que, pour qu'une Donation qui n'est pas expressément qualifiée d'irrévocable, soit réputée à cause de mort, il faut 1o qu'elle soit purement lucratoire ; 2o qu'eile soit conférée après la mort, ou qu'elle soit faite par une personne placée, soit par maladie, soit par tout autre accident, dans un danger vraisemblable de mort.

» De là, revenant sur chacune de ces conditions, il a pensé que la Donation du 16 octobre 1792 n'étant pas purement lucratoire, mais rémunératoire de nom et d'effet; qu'elle n'était pas conférée après la mort, puisque les donataires étaient, par l'acte même, appelées à jouir et disposer sur-le-champ, de la nue propriété; qu'enfin, rien ne prouvait que, le 16 octobre 1792, le donateur fût attaqué d'une maladie vraisemblablement dangereuse de mort; qu'il était, à la vérité, d'un âge très-avancé, mais que la vieillesse n'est point une maladie dans le sens des coutumes qui font résulter de l'état de maladie une incapacité plus ou moins étendue de donner entre-vifs.

>> Passant ensuite au moyen tiré de l'art. 15 de l'ordonnance de 1731, le tribunal d'appel a considéré que, de la clause relative au fermage de l'année du décès, on ne pouvait pas inférer que le donateur eût donné un bien futur, ou un bien dont il eût conservé le pouvoir de priver les donataires; qu'il n'avait voulu que fixer et déterminer, et qu'en effet il n'avait que fixé et déterminé, par cette clause, la durée du temps pendant lequel il entendait jouir à titre de constitut et de précaire, des biens qu'il donnait; et épargner à ses donataires, en précisant l'époque de la cessation de fusufruit qu'il s'était réservé, les contestations qu'auraient pu leur susciter ses héritiers, par rapport à l'année de son décès.

» En conséquence, le tribunal d'appel a déclaré la Donation valable, et il en a ordonné l'exécution.

» A-t-il, par là, violé l'art. 4 du tit. 3 de la coutume de Cambray, et l'art. 15 de l'ordonnance de 1731? C'est ce que vous avez à examiner.

» Pour établir la violation de l'art. 4 du tit. 3 de la coutume de Cambray, les demandeurs soutiennent que la Donation doit être considérée à la fois comme lucratoire et comme faite en maladie dangereuse de mort. Qu'elle doive, en effet, être regardée

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comme lucratoire, c'est une proposition qu'il nous paraît difficile de contester aux demandeurs. Nous savons bien que, sur la nature des Donations causées pour services rendus, les auteurs et les arrêts ont beaucoup varié, et que rien n'est plus discordant que les opinions avancées par les uns et adoptées par les autres. Mais en faisant abstraction de tout ce qui a été écrit et jugé sur cette matière, nous devons nous arrêter à ce principe écrit dans la loi 82, de regulis juris, au digeste, que donari videtur quod nullo jure cogente conceditur ; et de là nous devons conclure que, si, par l'acte du 16 octobre 1792, Oudard n'a pas acquitté une dette dont on pouvait exiger de lui le paiement, c'est une Donation véritable qu'il a faite, et que par conséquent cette Donation doit être envisagée comme lucratoire.

» Or, quelle action les donataires avaientelles contre Oudart pour se faire récompenser des services qu'elles lui avaient rendus ? Bien certainement elles n'en avaient aucune. Oudart leur avait constamment payé leurs gages, et c'était tout ce qu'il leur devait. Ce qu'il y a ajouté par l'acte du 19 octobre 1792, était donc une pure libéralité de sa part. Et cela esť si vrai, qu'aux termes de l'art, 31 de l'ordonnance de 1731, cet acte eût été révoqué de plein droit, dans le cas où le donateur fût devenu père après l'avoir souscrit.

» Mais ce n'est pas assez pour les demandeuis, que la Donation du 16 octobre 1792 soit réellement lucratoire; il faut encore, pour pouvoir tirer de là un moyen de cassation, que la Donation ait été faite, comme dit la coutume, en maladio dangereuse de mort; il faut plus encore, il faut qu'elle ait été conférée après la mort du donateur.

» Or, d'une part, nulle preuve que le donateur fût malade le 16 octobre 1792. Et en vain dit-on qu'un âge aussi avancé que celui auquel il était alors parvenu, était une maladie, un danger permanent de mort prochaine. Les lois qui parlent de maladie, en matière de Donations, ne se prêtent pas à des idées aussi arbitraires; restrictives du droit commun, elles doivent être entendues dans leur sens littéral.

» D'un autre côté, quand même Oudart éût été, à l'époque de la Donation, attaqué d'une maladie mortelle, serait-ce une raison pour que la Donation fût réputée à cause de mort, faute d'avoir été qualifiée d'irrévocable? Non certes, et la coutume ne dit pas cela. La coutume n'exige la mention expresse de l'irrévocabilité, dans le cas de maladie dangereuse, que lorsque le donateur remet

l'effet et exécution de sa Donation après sa mort. Or, dans notre espèce, Oudart n'a point remis après sa mort, l'effet, l'exécution de sa libéralité. Il a donné pour jouir et disposer, par les donataires, quant à la propriété, dès cejourd'hui, perpétuellement et à toujours. Il n'était donc pas nécessaire, pour être censé donner entre-vifs, qu'il déclarat donner irrévocablement. Sa Donation n'est donc pas à cause de mort. Le tribunal d'appel de Douai n'a donc pas violé les dispositions de la coutume de Cambray.

» Mais, au moins, disent les demandeurs, il a violé l'art. 15 de l'ordonnance de 1731; car, en donnant l'année de fermage de son décès, dans le cas où il ne l'eût pas atteinte avant de mourir, il a donné ce qui ne lui appartenait pas encore; il a par conséquent fait Donation d'un bien à venir; et dès là, sa libéralité est nulle pour le tout.

» En raisonnant ainsi, les demandeurs conviennent qu'ils sont en opposition avec la doctrine de Furgole; et en effet, voici comme il s'explique sur l'article cité de l'ordonnance de 1731 :

» Titius fait Donation à Mévius d'une terre dont partie des revenus consiste en rentes seigneuriales, et se réserve l'usufruit pendant sa vie, avec convention que les arrérages de rentes ou fermes, qui se trouveront dus au donateur à raison de cette terre, appartiendront au donataire, et seront compris dans la Donation de la propriété. Il semble d'abord qu'on doive décider que les arrérages qui se trouveront dus au temps de la mort du donateur, étant des biens à venir, et la Donation comprenant implicitement des biens à venir et non existans lorsqu'elle est faite, elle doit être déclarée nulle, suivant la disposition de notre article.

» Cependant, il faut décider au contraire qu'elle est valable; car la convention que les arrérages non perçus par le donateur, oppartiendront au donataire, n'est pas une Donation de biens à venir : ce n'est qu'une modification de l'usufruit réservé par le donateur; c'est-à-dire que l'usufruit n'est censé réservé qu'autant que le donateur aura réellement perçu les fruits pendant sa vie ; et ceux qu'il n'aura pas perçus, suivront l'effet donné, tout comme si la pleine propriété et l'usufruit avait été donnés; auquel cas, tous les fruits auraient appartenus au donátaire : et l'ordonnance ne défend pas de modifier, comme on trouve à propos, l'usufruit réservé.

» Mais sans doute vous remarquez que l'espèce dont parle Furgole, présente bien

plus de difficulté que celle dont vous vous occupez en ce moment.

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Furgole parle d'une Donation d'arrérages de rentes ou de fermes qui se trouveront échus et exigibles à l'époque de la mort du donateur. Ici, au contraire, il est question de fermages dont la mort du donateur aura devancé l'échéance; et entre ces deux cas, la différence est très-grande.

» Dans le cas supposé par Furgole, on peut dire que le donateur a pu, avant sa mort, percevoir lui-même les arrérages, et, par là, rendre nulle la Donation qu'il en a faite. On peut conséquemment, et c'est aussi ce que Furgole parait insinuer à la suite du passage que nous venons de citer, on peut regarder la clause dont il s'agit, comme une nouvelle Donation d'une partie de ce qui aurait été réservé, laquelle nouvelle Donation “serait inefficace, si elle était faite hors contrat de mariage, aux termes de l'art. 16, parcequ'on ne peut faire que ce qui est retranché par une réservation expresse, puisse rentrer dans la Donation et en faire partie en vertu du même acte, cela étant expressément défendu par

l'art. 16.

» Mais même, en admettant cette interprétation, il n'y aurait de nul que la Donation des arrérages, et la nullité de cette Donation n'entraînerait pas celle de la propriété ; car, ajoute Furgole, la clause par laquelle on dirait qu'à faute de disposition, la chose réservée appartiendrait au donataire, serait bien incapable de produire quelque effet; mais elle ne rendrait pas nulle la Donation principale, vitiaretur, sed non vitiarct; cela résulte clairement des dernières paroles dudit art. 16.

» Notre espèce est bien différente. Oudart ne donne à ses servantes le fermage de l'année de sa mort, que dans le cas où il ne l'aura pas atteint avant de mourir, c'est-à-dire, dans le cas où ce fermage ne serait pas encore dû au moment de sa mort, dans le cas où il n'aurait pas eu le droit de l'exiger avant son décès, dans le cas par conséquent où il ne lui aura pas été libre de le percevoir luimême et d'en frustrer ses donataires.

» Et ici, assurément, s'applique dans toute sa force cette raison donnée par Furgole, que l'ordonnance ne défend pas de modifier, comme on trouve à propos, l'usufruit réservé. Quel obstacle y avait-il à ce que le donateur. en se réservant la jouissance des biens donnés, exceptât de cette réserve l'année qui précéderait sa mort? Aucun sans doute. Eh bien ! Qu'a-t-il fait par la clause dont il est ici question? Rien autre chose que de limiter

sance,

sa jouissance aux fermages qui seraient échus et exigibles avant son dècès; rien autre chose que d'excepter de la réserve de cette jouis les fermages qui, au moment de son décès, ne seraient pas encore échus. Aussi existe-t-il un jugement du tribunal de cassation, du 25 pluviose an 3, qui décide, en cassant une sentence arbitrale, qu'une pareille clause ne peut pas vicier une Donation entre-vifs.

» Le jugement attaqué n'a donc pas plus contrevenu à l'art. 15 de l'ordonnance de 1731, qu'à l'art. 4 du tit. 3 de la coutume de Cambray. Il y a donc lieu, en ce qui concerne la Donation du 16 octobre 1792, de rejeter la requête des demandeurs. Effectivement, elle a été rejetée par du 14 floréal an 11 9 au rapport de M. Doutrepont,

arrêt

Attendu, sur le premier moyen, que le tribunal d'appel de Douai, en déclarant que la Donation du 16 octobre 1792 était rémunératoire et non lucratoire; qu'à l'époque de cette Donation, rien ne prouvait que le donateur, malgré son grand âge, fût atteint d'une maladie dangereuse; que la Donation n'était point conférée après la mort; qu'elle était faite entre-vifs et irrévocable, puisque la propriété des biens était abandonnée aux donataires dès l'instant même de la Donation,

perpétuellement et à toujours, n'a violé, ni l'art. 4 du tit. 3 de la coutume de Cambray, ni aucune autre loi;

» Attendu, sur le second moyen, qu'en ordonnant que la dernière année de la jouissance des biens donnés appartiendrait aux donataires, le donateur n'a fait que modifier l'usufruit qu'il s'était réservé ; et que la simple raison ne permet pas de regarder une telle modification comme une Donation de biens à venir ».

II. La troisième question s'est élevée au sujet d'un acte du 24 février 1791, par lequel le sieur Villard avait donné à Jean-Baptiste Villard, son fils, l'universalité de ses biens présens, avec réserve d'usufruit, et clause expresse que, dans le cas où il mourrait après la récolte, le donataire prendrait dans sa succession tous les fruits recueillis qui s'y trouveraient en nature.

Après la mort du donateur, Marianne Villard, sœur du donataire, demande la nullité de la Donation, sur le fondement qu'elle comprenait des biens à venir, puisqu'on ne pouvait considérer que comme biens à venir, des fruits qui n'existaient pas encore au moment où l'acte avait été signé.

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