Page images
PDF
EPUB

entrait au pouvoir pour la troisième fois. Plein d'aspirations généreuses, hardi dans ses conceptions, quoiqu'il semblât quelquefois, par des hésitations trop prolongées, se défier de lui-même, ardent patriote, orateur sympathique, homme d'État respecté pour son noble et persévérant désintéressement, l'ancien membre du gouvernement provisoire allait acquérir bientôt de nouveaux titres à la gratitude des Belges '.

»

En tête de son programme politique, le nouveau cabinet posa en termes explicites le principe de l'indépendance du pouvoir civil à tous ses degrés. L'État, » disait-il, « est laïque. Il importe de lui conserver nettement et fermement ce caractère, et de dégager, sous ce rapport, l'action du gouvernement partout où elle serait entravée. Il promettait, d'autre part, respect sincère pour la foi et les dogmes, protection pour les pratiques de l'ordre religieux, justice et bienveillance pour les ministres des cultes agissant dans le cercle de leur mission religieuse. Le cabinet indiquait ensuite les questions qu'il était résolu de porter devant les chambres. Il prenait l'engagement de consacrer particulièrement son attention et son action au bien-être moral et matériel des classes nécessiteuses et laborieuses. On reconnaissait dans ce programme l'influence du congrès libéral. Un des ministres, qui ne devait pas tarder à s'élever bientôt au premier rang des orateurs, M. Frère-Orban, avait d'ailleurs fait partie de cette dernière assemblée.

L'état malheureux des Flandres fut la première et la principale préoccupation du gouvernement. Diverses causes, surtout la décadence de l'industrie linière, menaçaient de faire une seconde Irlande de ces provinces si célèbres autrefois par leur prospérité. On y constatait des signes évidents de décomposition sociale : l'abandon des foyers, l'habitude de la mendicité, la répugnance pour le travail, enfin une diminution notable dans le nombre des mariages et des naissances, tandis que la mortalité faisait des progrès effrayants. Le nouveau cabinet s'imposa la tâche de régénérer ces provinces, et il y intéressa l'honneur du pays 2. Des applaudissements unanimes accueillirent le programme de cette œuvre de réparation, lorsque le ministre de l'intérieur le fit connaître à la chambre des représentants le 4 décembre 1847. Et

Cabinet du 12 août 1847:

MM. Ch. Rogier, ministre de l'intérieur;

de Haussy, ministre de la justice, remplacé, le 12 août 1850, par M. V. Tesch;

d'Hoffschmidt, ministre des affaires étrangères;

Veydt, ministre des finances, remplacé, le 28 mai 1848, par M. Frère-Orban;

Frère-Orban, ministre des travaux publics, remplacé, le 18 juillet 1848, par M. Rolin et le 12 août 1850, par M. Van
Hoorebeke;

le lieutenant général baron Chazal, ministre de la guerre, remplacé, le 12 noût 1850, par le lieutenant général Brialmont,
remplacé lui-même, le 13 juin 1851, par le lieutenant général Anoul.

* On lisait dans le programme du ministère du 12 août 1847 : Il n'est pas possible d'envisager froidement la détresse où - sont tombés plusieurs districts des Flandres, provinces jadis si florissantes. Il faut qu'ils soient relevés de cet état de déca dence. Il y va de l'honneur des Flandres; il y va de l'honneur du pays et du gouvernement. Fidèle à cette promesse, M. Ro gier proposa au roi l'institution, auprès du ministère de l'intérieur, d'un comité consultatif chargé d'examiner et de discuter les remèdes à appliquer à la situation des Flandres. Ce comité fut institué par un arrêté royal du 22 octobre 1847, signé par Leopold ler, à Saint-Cloud.

Le même jour, le roi écrivit de ce château au ministre de l'intérieur une lettre qui paraît ici pour la première fois :
Mon cher ministre,

Il est indispensable de se rendre avant tout compte de la véritable position d'une partie des populations des Flandres, pour

tandis que la monarchie constitutionnelle était à la veille de périr en France, le gouvernement soumettait à la législature, le 23 février 1848, un autre projet qui avait également pour but d'amener l'amélioration matérielle et morale de la classe ouvrière. C'était faire le meilleur usage du pouvoir et donner à l'Europe. une preuve éclatante de sagesse et de prévoyance.

[ocr errors][ocr errors]

pouvoir y trouver un remède. Jadis il existait dans les Flandres un travail mixte qui était très-favorable aux populations et infiniment préférable à l'état pur et simple d'ouvrier des fabriques.

- L'invasion de la mécanique a détruit cet heureux état de choses, sans qu'on ait pu trouver jusqu'à présent un équivalent. Prendre des mesures temporaires, accorder des subsides pour des travaux de peu d'utilité, qui ne donneront que peu ou point de revenu, c'est entrer dans le système de l'aumône d'une partie du pays qui possède, à une autre qui ne produit rien: pareil système mènerait à la ruine du pays.

Il faut donc viser à établir, d'une manière permanente et pour un certain avenir, du travail productif qui, en augmentant les capitaux du pays, augmenterait les demandes pour le travail.

Je crois que le ministère actuel est en bonne position pour obtenir les moyens indispensables pour créer ce commerce d'exportation que la Belgique ne possède pas et ne possédera que lorsque le gouvernement l'aura établi, et dirige dans les bonnes voies. Les particuliers en profiteront plus tard; mais ils n'ont ni les moyens, ni l'audace d'entreprendre cette rude tache à leurs frais et périls. Je fais des voeux pour le succès de la commission et je compte sur votre zèle.

[ocr errors][merged small][merged small][graphic]
[graphic][subsumed][merged small][merged small]
[ocr errors]

ÉBRANLEMENT CAUSÉ PAR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE DU 21 FÉVRIER 1818. -ATTITUDE DE LA BELGIQUE PENDANT CETTE GRANDE CRISE. LES DÉMAGOGUES REPOUSSÉS A RISQUONS-TOUT. - RÉFORMES INTRODUITES PAR LE MINISTÈRE DU 12 AOUT 1847. CARACTÈRE NATIONAL ET MONARCHIQUE DES ÉLECTIONS GÉNÉRALES. MONUMENT DÉCRÉTÉ EN L'HONNEUR DU CONGRÈS MORT DE LA REINE DES BELGES. COUP D'ÉTAT DU CIRCONSTANCES QUI AMÈNENT LA DISSOLUTION DU CABINET FORMÉ

NATIONAL ET DE LA CONSTITUTION.

2 DÉCEMBRE 1851.

LE 12 AOUT 1847.

[ocr errors]
[ocr errors]

[merged small][graphic][subsumed][subsumed][merged small][merged small]

contraste avec ce qui se passait ailleurs démentait avec éclat les erreurs et les défiances qui avaient accueilli les premiers pas de notre nationalité '."

1 Réflexions politiques, etc., par un ancien membre du congrès national de 1830, p. 8.

Le 1er mars, M. Castiau, le seul représentant qui inclinât vers les idées républicaines, interpella le cabinet sur les relations de la Belgique avec le nouveau gouvernement de la France. Le ministre des affaires étrangères répondit que le gouvernement belge n'avait reçu aucune notification officielle directe du gouvernement provisoire de la république. Toutefois il ajouta que M. de Lamartine, en annonçant au prince de Ligne, naguère ambassadeur du roi Léopold près du roi des Français, qu'il avait pris possession du ministère des affaires étrangères, lui avait fait connaître les dispositions pacifiques du nouveau gouvernement. En effet, M. de Lamartine s'exprimait en ces termes : La forme républicaine du nou

66

66

[graphic]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

M. le prince DE LIGNE.

[blocks in formation]

nés le même jour en France. A la suite de cette communication, le prince de Ligne fut chargé de déclarer à M. de Lamartine que le gouvernement belge avait accueilli avec empressement l'annonce des dispositions pacifiques et loyales du gouvernement provisoire. Le ministre des affaires étrangères ajouta La Belgique n'a point à intervenir dans les affaires des autres pays, ni à s'occuper de la forme de gouvernement qu'il leur convient d'adopter. Maintenir l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire, la neutralité

66

66

66

1 C'est ce que M. Castiau reconnut loyalement, le 4 avril suivant. Il dit que son opinion étant isolée dans la chambre, dans le pays et dans son district électoral, son devoir était de se retirer de la vie parlementaire et publique. L'estime de tous accom pagna dans sa retraite cet homme aussi remarquable par son caractère que par sa brillante eloquence.

« PreviousContinue »