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MARIAGE DU DUC DE BRABANT AVEC MARIE-HENRIETTE, ARCHILUCHESSE D'AUTRICHE (22 août 1853).

CHAPITRE VIII.

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NÉGOCIATIONS COM

MINISTÈRE DU 31 OCTOBRE 1852 FORMÉ PAR M. H. DE BROUCKERE,
MERCIALES AVEC LA FRANCE; LOI DU 20 DÉCEMBRE 1852 CONCERNANT LA RÉPRESSION DFS
MAJORITÉ POLITIQUE ET
OFFENSES COMMISES ENVERS LES SOUVERAINS ÉTRANGERS.
MARIAGE DU DUC DE BRABANT. LOI DU 8 JUIN 1853 RELATIVE A L'ORGANISATION DE
L'ARMÉE. CABINET DU 30 MARS 1855 FORMÉ PAR M. DE DECKER. - FÊTES COMMÉMORATIVES
DU 21 JUILLET 1856. COUP D'OEIL SUR LES PROGRÈS DE LA BELGIQUE DEPUIS 1831.
(31 octobre 1852-21 juillet 1856)

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e roi fit un appel à M. Henri de Brouckere. Cet homme politique, ancien membre et secrétaire du congrès national, conseiller de la cour d'appel de Bruxelles de 1831 à 1840, gouverneur des provinces d'Anvers et de Liége de 1840 à 1846, ce vétéran des assemblées parlementaires appartenait également au libéralisme constitutionnel; mais, ayant

en 1849 renoncé au mandat législatif pour représenter la Belgique près des cours d'Italie, il n'avait pas été mêlé aux luttes ardentes des dernières années,

et cette circonstance pouvait faciliter sa tâche. Fidèle néanmoins aux doctrines. libérales qu'il avait professées, comme membre du congrès national et comme représentant, pendant plus de vingt années, M. de Brouckere, tout en consentant à diriger un ministère de conciliation, voulait que son principal appui fùt dans la gauche. C'est pourquoi, avant d'accepter définitivement le pouvoir, il se proposa d'éprouver de nouveau la majorité sortie des élections du 8 juin; il voulut s'assurer qu'elle n'avait pas cessé d'ètre libérale. L'élection du candidat qui serait présenté par la gauche pour la présidence de la chambre des représentants devait être le préliminaire de son entrée aux affaires. M. Verhaegen ayant renoncé à toute candidature, la gauche présenta M. Delfosse, de Liége, un des hommes les plus considérables et les plus respectés de la chambre par la fermeté de ses opinions, la sincérité de son patriotisme et l'intégrité de son caractère. M. Delfosse ayant été élu le 26 octobre, le nouveau cabinet fut définitivement constitué le 31 '.

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Le 3 novembre, M. de Brouckere fit connaître à la chambre les principes qui dirigeraient la nouvelle administration. Les élections du 8 juin, dit-il, avaient modifié les forces respectives des deux grandes opinions qui partagent le pays et siégent dans cette enceinte; mais, bien qu'un fractionnement se fût révélé par un scrutin dans le sein de la majorité, elle n'était pas détruite; elle était seulement amoindrie... A mon avis, un ministère pris dans les rangs de la majorité des dernières années ou un ministère mixte (combinaison repoussée par tous) étaient également impossibles. L'opinion libérale devait donc former les éléments de l'administration future. Toutefois, les résultats électoraux de 1852 et le vote du 28 septembre, sur la présidence de la chambre, devaient être pris en sérieuse considération; autant il était nécessaire que le ministère appartint à l'opinion libérale et fût reconnu comme tel, autant il importait que l'on ne pût contester ses vues modérées et son esprit de conciliation. Le ministère issu de cette situation nouvelle, et en présence d'une majorité quelque peu indécise et troublée, pouvait-il se livrer aux mêmes espérances, avoir les mêmes vues, se promettre le mème avenir, la même durée que ces ministères qui trouvent un point d'appui permanent - et assuré dans une majorité forte par le nombre et par l'énergie? Non! son rôle devait être plus modeste sans être moins digne. Que devait-il faire? Se tracer une ligne de conduite sage et modérée, s'appliquer à gérer les affaires - avec impartialité et dévouement, avec la volonté ferme de bien faire et de faire le bien. Loyal en toute chose et aussi peu disposé à déguiser son sentiment qu'à renier son drapeau, il devait se considérer comme une transition, prêt à céder la place à d'autres, le jour où une majorité compacte et décidée se serait produite soit sur les bancs de la gauche, soit sur les bancs de la droite. Ce ministère, en un mot, devait être libéral par essence, invariable dans ses principes, mais disposé à toute conciliation raisonnable et résolu

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Il était composé de la manière suivante : Affaires étrangères, M. H. de Brouckere; Intérieur, M. Piercot, bourgmestre de Liege; Justice, M. Ch. Faider, avocat genéral à la cour de cassation; Finances, M. Liedts; Travaux publics, M. Van Hoorebeke, ancien titulaire; Guerre, M. le lieutenant-général Anoul.

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à éviter tout ce qui pourrait faire naître des luttes vives entre les partis; il devait avoir surtout pour mission et pour but une trève honorable pour tout - le monde et heureuse pour le pays qui la désire... Les circonstances actuelles nous commandent, commandent à tout le monde la plus grande réserve, la prudence, la modération en toute chose : cette réserve, cette prudence, cette modération seraient aujourd'hui la règle de conduite de tous les ministères doués de quelque tact ou de quelque prudence, ne fussent-ils pas dans leurs caractères et dans leurs sentiments comme ils sont dans les nôtres. Nous pen" sons avoir des droits

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- aux sympathies de la

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gauche, et nous ne dés

espérons pas d'obtenir par notre franchise et notre justice l'impartialité bienveillante de

la droite... "

Cette profession de foi, très-sensée et très-loyale, donnait une juste idée de l'intelligence nette et judicieuse du chef du nouveau cabinet par son expérience consommée des affaires, sa dialectique pressante, son habileté diplomatique, M. H. de Brouckere avait acquis un grand ascendant dans les chambres et près du souverain. M. Faider, à qui les circonstances devaient im

M. HENRI DE BROUCKERE..

poser une rude tâche, était un savant jurisconsulte, et non-seulement très-docte, mais droit et conciliant. M. Liedts, ancien collègue de M. de Brouckere au congrès, avait, comme économiste et comme financier, une réputation solide.

Pour faire droit aux réclamations d'une puissance voisine et sortir de la position difficile où le plaçait la rupture des négociations commerciales avec la France, le nouveau ministère débuta, en quelque sorte, par la présentation d'un projet de loi relatif à la répression des offenses commises par la presse envers les chefs des gouvernements étrangers.

Le 2 décembre 1852, le lendemain de la proclamation du second empire français, la chambre des représentants belges aborda la discussion du projet de loi, et le ministre des affaires étrangères s'exprima en ces termes : « La Belgique, admise dans la grande famille européenne, ne peut se soustraire aux obliga

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tions qui résultent pour elle, explicitement ou implicitement, des traités qui l'ont reconnue. Indépendante, elle a des droits à faire respecter; neutre, elle a des devoirs particuliers à remplir. Les grandes puissances ont consacré son existence; elles l'ont solennellement garantie. La Belgique affaiblirait de ses propres mains cette garantie, si elle ne s'appliquait et si elle ne réussissait à prouver qu'elle ne veut être pour personne une cause de défiance ou d'embarras, et qu'elle désire ardemment vivre en paix avec les uns et les autres, en consolidant ses institutions et en maintenant sa dignité vis-à-vis "de tout le monde. » La loi proposée donna lieu cependant aux débats les plus vifs; mais les principaux opposants s'élevèrent plutôt contre certaines dispositions qui leur paraissaient trop sévères que contre le principe même. Le gouvernement fit des concessions, et son projet fut adopté, le 6 décembre, à la chambre des représentants par 68 voix contre 21 et une abstention'. « Accorder « aux gouvernements étrangers le droit d'obtenir justice de nos tribunaux, ce n'est point s'humilier, avait dit M. Devaux, c'est plutôt rendre hommage à nos propres institutions. Je ne vote pas la loi par crainte du courroux d'un de nos voisins. La Belgique, si elle sait remplir tous ses devoirs de nation - avec sagesse et prudence, me paraît assez forte et de ses propres ressources et de l'appui qu'elle rencontre en Europe pour n'avoir à craindre aucune puissance isolée. » Le 16, le sénat, à une majorité considérable, donna son assentiment, et, le 20, la loi fut promulguée. Dès le 9, un arrangement était intervenu en vertu duquel le gouvernement français consentait à remettre en vigueur, à partir du 15 janvier 1853 et jusqu'à la conclusion d'un traité définitif, la convention commerciale du 13 décembre 1845; quant à la convention littéraire conclue le 22 août pour l'abolition de la contrefaçon, elle était indéfiniment ajournée; enfin, à dater du 15 janvier, la surtaxe dont le décret du 14 septembre avait frappé les houilles et les fontes belges devait être supprimée.

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De grands événements, comme nous l'avons dit, venaient de s'accomplir en France. Le 9 octobre 1852, Louis-Napoléon, se trouvant à Bordeaux, avait annoncé, dans un discours mémorable, la restauration de l'empire et cherché à combattre les appréhensions produites par cette perspective. Il est, disait-il, « une crainte à laquelle je dois répondre. Par esprit de défiance, certaines personnes disent : L'empire, c'est la guerre. Moi, je dis : L'empire, c'est la paix. C'est la paix, car la France le désire; et lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille... A ces époques de transition où partout, à côté de tant d'éléments de prospérité, germent tant de causes de mort, on peut dire avec vérité : Malheur à celui qui le premier donnerait à l'Europe le signal d'une collision dont les conséquences seraient incalculables! » Le 21 novembre, huit millions de suffrages se prononcèrent pour le rétablissement de la dynastie napoléonienne, et le 1er décembre, l'empire fut proclamé : Louis-Napoléon Bonaparte, ancien président de la république, devint l'empereur Napoléon III,

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M. Delfosse, président, s'abstint.

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En Belgique, l'événement le plus remarquable de la session de 1852-1853 fut la proclamation de la majorité politique du duc de Brabant. Le 9 avril 1853, Léopold, prince royal des Belges, né à Bruxelles le 9 avril 1835, atteignit sa dix-huitième année, âge fixé par la constitution pour la majorité du roi et pour l'admission au sénat de l'héritier présomptif du trône. Le jour même, le duc de Brabant vint prendre dans cette assemblée la place que la constitution lui assignait, et en réponse au discours de félicitations du prince de Ligne, président du sénat, il prononça des paroles qui attestaient un attachement profond à la Belgique. Appelé désormais à partager vos travaux, dit-il,« je m'associe - avec bonheur à la tâche que le sénat poursuit depuis vingt-deux ans avec un patriotisme si soutenu. Il ne m'a pas encore été donné de m'adresser à la - nation tout entière. Jamais pourtant je ne pourrai lui parler avec un cœur plus dévoué et plus reconnaissant. Les acclamations dont le peuple belge veut bien saluer mon entrée dans cette enceinte me prouvent une fois de plus que, satisfait de son passé, il n'en désire que la continuation dans l'avenir. Tel est, en effet, le but vers lequel nous devons marcher ensemble. Quant à moi, vous connaissez les sentiments qui m'animent. Vous savez que, sincèrement dévoué à l'existence du pays, je la confonds avec la mienne. Vous trouverez toujours en moi un compatriote heureux et fier de pouvoir con- tribuer au maintien de notre indépendance et de notre prospérité. Tel a toujours été mon vœu le plus cher. Puisse le Ciel qui, depuis vingt-deux ans, protége si visiblement ma patrie, m'exaucer encore aujourd'hui ! „

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A la proclamation de la majorité du duc de Brabant se rattachent deux actes importants pour la capitale du royaume, alors administrée, avec une råre supériorité, par M. Charles de Brouckere, bourgmestre depuis 1848. Le QuartierLéopold, cette splendide création de la Belgique nouvelle, fut définitivement rattaché à Bruxelles, et, le même jour, le roi voulut présider à la pose de la première pierre des vastes constructions qui allaient bientôt amener dans tous les quartiers de la cité des eaux abondantes et saines. Le roi remercia M. Ch. de Brouckere, l'éminent bourgmestre, d'avoir choisi, pour l'inauguration de cette grande œuvre, un jour à tant de titres cher à son cœur.

L'avénement du duc de Brabant à la vie politique pouvait être considéré comme une nouvelle consécration de l'ordre de choses fondé en 1830. La joie des Belges était d'autant plus vive qu'ils n'avaient pas oublié les cruelles déceptions éprouvées par leurs aïeux lorsque, après le règne sans lendemain des archiducs Albert et Isabelle, le pays retomba sous la domination étrangère. Ils n'avaient pas oublié que l'absence d'une dynastie nationale exclusivement belge fut une des causes principales de tous les malheurs subis par les anciens PaysBas catholiques. Après tant de vicissitudes, les Belges possédaient enfin cette maison royale que leurs pères désiraient si ardemment; ils avaient vu naître et grandir ces princes, qui sont l'espoir du pays, la garantie de sa nationalité, le gage d'un avenir heureux. De là, leur allégresse, leur confiance. Partout, depuis la capitale jusqu'au plus humble village, les conseils communaux, le clergé, les gardes civiques, la bourgeoisie, le peuple, toutes les classes voulaient

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