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répondant aux besoins du temps. On se rendait bien compte que, pour certaines parties plutôt philosophiques du droit international, il était prématuré de choisir la forme de code, mais on avait hautement approuvé la rédaction précise proposée par M. Bluntschli pour d'autres parties de ce droit, notamment pour les lois de la guerre, les droits et obligations des neutres, l'exterritorialité, les droits des étrangers, etc.

La guerre franco-allemande de 1870-71 a profondément troublé ceux qui avaient foi dans la force pacifique de l'opinion publique. On s'est donc mis à chercher, dans les livres de droit des gens, avant tout des faits, des principes positifs, des règles en vigueur, plutôt que des théories humanitaires. L'ouvrage de M. Bluntschli était de ceux qui, sous un petit volume, donnait le mieux satisfaction à ce désir; en outre, dans la seconde édition, publiée en 1873, l'auteur avait cherché à compléter le texte primitif par l'adjonction de nombreuses notes; M. Bluntschli y a développé, sous forme de nouveaux commentaires, ajoutés à la plupart des articles, les principes précédemment exposés par lui; il l'a fait courageusement et avec franchise, ne craignant pas d'émettre une opinion très nette sur les faits. survenus pendant la dernière guerre et de blâmer tantôt les uns, tantôt les autres; il a été naturellement attaqué, avec une grande vivacité, tant en Allemagne qu'en France. - Il importe de rappeler ici, pour éviter tout malentendu, que M. Bluntschli n'a pas la prétention de codifier un droit des gens idéal, ni d'exposer toujours ce qu'il désirerait voir prévaloir; il a en général, entendu formuler le droit international positif, tel qu'il est actuellement pratiqué entre les États; c'est ainsi qu'il a dû constater le fait qu'on annexe encore

des provinces sans consulter la population des territoires cédés. Cependant la forme choisie par l'auteur, - le principe formulé dans le texte de l'article du code, puis développé sous forme de note et appuyé sur des exemples, lui a permis le plus souvent d'exposer les desiderata de la science ou de l'opinion publique. C'est ce qui fait à la fois le grand mérite, et aussi, par moments, la faiblesse de ce livre le mérite, en ce que l'ouvrage est fréquemment animé d'un souffle élevé, réformateur, que l'auteur y flagelle énergiquement les abus, et fournit des faits historiques à l'appui de sa manière de voir; la faiblesse, en ce que le lecteur ne sait pas toujours assez exactement s'il se trouve en présence d'un principe universellement admis ou d'une opinion personnelle de l'auteur. - Déjà comme rédacteur du code civil de Zurich, sa patrie, M. Bluntschli avait adopté cette manière de procéder; chaque article du code zuricois est appuyé de notes officielles qui en développent le sens et l'éclaircissent par des exemples.

M. Bluntschli a eu la satisfaction de voir toutes les puissances de l'Europe, réunies en 1874 à Bruxelles sur l'initiative de la Russie, tenter de codifier les lois de la guerre, et arrêter en commun un projet de déclaration qu'on trouvera reproduit à la fin du présent volume. Le lecteur pourra se convaincre, par la comparaison des textes, de l'influence considérable exercée par l'ouvrage de M. Bluntschli sur les délibérations de la conférence de Bruxelles.

La troisième édition que nous soumettons aujourd'hui au public a été soigneusement mise au courant des événements survenus depuis la publication de la seconde édition. Elle contient notamment tout ce qui a trait au Congrès de Berlin, ainsi qu'aux principales conventions signées dans

les dernières années. Elle s'inspire aussi des ouvrages parus récemment sur le droit des gens; il a été en particulier tenu compte des travaux de l'Institut de droit international, composé, on le sait, de soixante savants éminents des divers pays de l'Europe et de l'Amérique, et que M. Bluntschli a eu l'honneur de présider de 1875 à 1877. Il n'a donc été rien négligé pour que cette nouvelle édition trouve, dans les cercles compétents, un accueil aussi favorable que les précédentes.

L.

Paris, le 26 octobre 1880.

INTRODUCTION

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SOMMAIRE: Base du droit international. — Objections contre le droit international (1. Législation internationale. 2. Jurisprudence internationale. 3. Le droit du plus fort). — Origines du droit international (1. Antiquité. 2. Moyen ȧge. Influence du christianisme. - Les peuples germaniques).

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- Naissance du droit international moderne Le droit international est indépendant de la religion. Limites du droit international. Mesures prises contre l'esclavage. Liberté religieuse. - Légations et consulats. - Droits des étrangers. Les états ne doivent pas rester isolés. Liberté des mers et des rivières. Liberté de la navigation. Moyens de mettre fin aux conflits. Les lois de la guerre. Droits contre l'ennemi. Les états sont ennemis et non leurs ressortissants. - Biens de l'ennemi dans les guerres continentales. Biens de l'ennemi en temps de guerre maritime. - La neutralité. Développement national, vie indépendante des peuples.

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Arbitrages.

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Base du droit international.

Partout où les hommes se trouvent en contact les uns avec les autres, on voit naître chez eux le sentiment du juste et de l'injuste. Une certaine organisation devient nécessaire. Chacun apprend à respecter le droit d'autrui. Ce fait peut être constaté même chez les tribus barbares; mais c'est seulement chez les peuples civilisés que le sentiment du droit arrive à son entier développement; ce sentiment peut être contenu, jamais supprimé; il peut être mal dirigé, jamais anéanti.

Si donc on admet, ce qui me semble une vérité incontestable, que l'homme est pourvu par la nature de tout ce qui est nécessaire pour concevoir et appliquer le droit, on doit admettre aussi que le droit international a dans la nature humaine une base solide et des racines indestructibles.

Le droit international est l'ensemble des principes qui régissent les rapports des états entre eux. Mais les états, c'est-à-dire

les nations organisées, se composent d'hommes; chaque état est un ensemble, une personnalité, un être qui a des droits et une volonté tout comme les personnes physiques. Les états sont d'un côté des êtres individuels, ayant une existence indépendante, et de l'autre des membres de l'humanité. Ces droits et ces caractères, que chaque état et chaque nation possèdent, se rencontrent de nouveau chez les autres états et chez les autres nations. Ils réunissent les peuples par les liens tout-puissants de la nécessité.

Voilà la base inébranlable sur laquelle repose le droit international. Voudrait-on aujourd'hui en nier l'existence, que demain il renaîtrait avec plus de vigueur.

Objections contre le droit international.

On n'en exprime pas moins aujourd'hui des doutes graves sur l'existence d'un droit international. Les objections de fait et de droit sur lesquelles se fondent ces doutes ne laissent pas que d'avoir une certaine importance. On objecte qu'avant tout il n'existe pas de droit international exprimé sous forme de loi et sanctionné par la loi; qu'ensuite le droit international manque de la protection efficace des tribunaux; qu'enfin, dans les conflits entre états ou nations, la décision dépend bien plutôt du succès d'une bataille que d'une autorité judiciaire quelconque. On se demande donc s'il peut être sérieusement question d'un droit international, quand il n'y a ni lois internationales, ni tribunaux internationaux, et qu'on voit en dernier ressort la force seule mettre fin aux conflits.

Nous ne pouvons le nier, ces objections ont pour cause les nombreuses et importantes lacunes qu'on rencontre dans le droit international. Et cependant conclure de là que ce droit n'existe pas, ce serait agir à la légère et commettre une grave erreur. Reprenons en détail les objections que nous venons de mentionner.

1. Législation internationale.

Aujourd'hui, lorsqu'une question de succession, de propriété ou d'état civil se soulève, nous sommes habitués à ouvrir un code civil et à y chercher les principes du droit en vigueur; ou bien

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