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Dans notre ancienne législation, le rapport n'a- | expresse de rapport, et que lorsque cette dispense vait lieu en pays de droit écrit, qu'entre les en- n'existe pas, le défunt est toujours présumé avoir fants venant à la succession à titre universel. Il voulu que ce qu'il avait donné à quelqu'un de ses n'avait jamais lieu ni entre les ascendants, ni entre héritiers, en quelque temps que ce soit, fût raples collatéraux, et il était, au surplus, au pouvoir porté à sa succession. du donateur de défendre le rapport, ou d'en dis penser le donataire.

V. Aux termes de l'art. 306 de la coutume de Paris, de l'art. 308 de celle d'Orléans, qui forLes coutumes variaient beaucoup sur cette ma- maient le droit commun dans tous les pays coutière. Quelques-unes ne prescrivaient le rapport tumiers, ceux qui venaient à la succession de leurs qu'en ligne directe, d'autres le voulaient égale-père et mère ou autres ascendants, étaient obligés ment en ligne collatérale. Il y en avait qui ne permettaient pas de dispenser du rapport.

Le Code civil, par son article 843, a consacré les dispositions des coutumes qui prescrivaient le rapport, tant en ligne directe qu'en ligne collatérale. Il a en même temps consacré le principe du droit romain, qui autorisait la stipulation de la dispense de rapport.

Il a voulu aussi, comme le droit romain, que la clause portant dispense de rapport fût expresse et positive, et que cette dispense ne pût pas s'inférer d'énonciations vagues, dont on pourrait induire que le donateur ou testateur a eu intention de dispenser du rapport. L'article 843 du Code civil porte textuellement : « A moins que les dons et legs ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport.» II. Toutefois la dispense de rapport, quelque expresse qu'elle soit, ne peut avoir d'effet que jusqu'à concurrence de la quotité disponible; et lorsque les objets donnés ou légués excèdent cette quotité, l'excédant est sujet à rapport. (Code civil, art. 844.)

La donation faite sous la forme d'un contrat à titre onéreux, au profit d'un successible, est-elle censée faite à titre de préciput et hors part?

de rapporter ce qui avait été donné par eux à leurs petits-enfants. Ces lois considéraient le père et les enfants, la mère et les enfants, comme ne formant qu'une seule et même personne, et répu taient donné au père ou à la mère ce qui était donné à leurs enfants.

Le Code civil a constitué, à cet égard, un droit absolument opposé; il ne soumet au rapport que l'héritier qui a été lui-même donataire du défunt; il consacre en principe général, qu'il ne suffit pas qu'un héritier ait profité d'une donation faite par le défunt, pour qu'il en doive le rapport.

Par suite de ce principe, le Code dispose textuellement, art. 847:

« Les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l'époque de l'ouverture de la succession, sont toujours présumés faits avec dispense de rapport.

« Le père, venant à la succession du donateur, n'est pas tenu de les rapporter. »

On voit qu'à la différence des lois coutumières le Code civil a considéré ce qui est donné aux enfants, comme absolument étranger à leurs père et mère.

Par une conséquence du même principe, le fils du donataire, venant de son chef à la succesLa cour de cassation a expressément décidé sion du donateur, n'est pas tenu au rapport de l'affirmative, par un arrêt du 13 août 1817, rap-ce que son père en avait reçu, quoiqu'il eût acporté à l'article Avantage indirect, no 11.

III. La renonciation de l'héritier à la succession de celui dont il est donataire on légataire, n'emporte pas sa renonciation aux dons ou legs qui lui ont été faits, quand même il les aurait reçus à titre d'avancement d'hoirie. Il peut toujours, en renonçant, retenir les objets qui lui ont été donnés, parce que l'effet des dons ou legs faits à son profit, est indépendant de sa qualité d'héritier; mais la retenue et la réclamation ne peuvent avoir que jusqu'à concurrence de la quotité disponible. (Code civil, art. 845, conforme à l'art. 34 de l'ordonnance de 1731.)

cepté sa succession, et que par suite il eût recueilli le bénéfice de la donation. (Code civil, article 848.)

VI. Il en est autrement lorsque le fils du donataire ne vient à la succession du donateur que par représentation; il doit, dans ce cas, rapporter à la succession du donateur tout ce que son père en a reçu, quand même il aurait renoncé à la succession de ce dernier. (Ibid., art. 848, conforme dans cette dernière disposition aux art. 308 de la coutume de Paris, et 307 de celle d'Orléans, qui prenaient leur source dans cette règle de droit, qui alieno jure utitur, eodem jure uti debet.)

IV. L'héritier doit le rapport de ce qui lui a Toujours par suite du principe consacré par le été donné par le défunt, encore bien qu'il ne fût Code, et d'après lequel l'héritier n'est tenu de pas son successible au moment de la donation, à rapporter qu'autant qu'il est lui-même donataire, moins qu'il n'en ait été dispensé (Code civil, ar-les dons et legs faits à l'époux d'un successible ne ticle 846). La raison en est que le rapport est attaché à la qualité d'héritier, qu'il a pour objet d'établir une égalité parfaite entre les cohéritiers, que cette égalité ne peut être altérée que par la volonté du défunt, manifestée par une dispense

sont pas sujets à rapport par l'époux successible devenu héritier; l'art. 849 du Code civil répute toujours ces dons et legs faits avec dispense de rapport.

Dans le cas où les dons sont faits aux deux époux

conjointement, l'époux successible en rapporte la | Lebrun, décide l'affirmative; et ajoute que cette moitié (Code civil, art. 849). Il doit en être de opinion ne fait pas de difficulté. La raison en est même lorsque les dons ou legs sont faits à la com- que les créanciers sont alors loco hæredis, et peu. munauté, ou lorsqu'il est exprimé qu'ils tombe- vent, par suite, exercer tous les droits attachés à ront en communauté, puisque dans ces deux cas, cette qualité. comme dans celui où les dons et legs sont faits aux deux époux conjointement, chacun d'eux en profite pour moitié.

VII. On voit qu'en cette matière le principe général est que l'obligation de rapporter n'est imposée qu'à celui qui joint à la qualité de donataire celle d'héritier du donateur, ou qui joint à la qualité d'héritier celle de représentant du donataire, quand même il n'aurait pas profité du don.

N° 2.

A qui le rapport est-il dû?

Le rapport ayant été introduit pour établir l'égalité entre les cohéritiers, il en résulte qu'il n'est dû par le cohéritier qu'à ses cohéritiers, et qu'il n'est du ni anx légataires, ni aux créanciers de la succession. C'est la disposition de l'article 857 du Code civil.

Le cohéritier qui, en cette qualité, fait opérer le rapport, peut-il en profiter pour établir le quantum de son legs fait par préciput et hors part? Voy. ci-après n° 4, nombre 6.

N° 3.

A la succession de qui se fait le rapport?

Le rapport se fait à la succession du donateur. (Code civil, art. 850.)

Ce principe est infiniment clair, précis, et positif, et cependant il a besoin de quelque expli

cation.

Lorsqu'un père donne seul à quelqu'un de ses enfants quelques biens de la communauté, le rap port en sera-t-il dù pour le total à sa succession, ou pour moitié seulement, et pour l'autre moitié à la succession de la mère.

Dans l'ancien droit et aux termes de l'art. 225 de la coutume de Paris, et de l'art. 193 de celle On demande si une femme donataire de por- d'Orléans, le mari avait la faculté de disposer tion d'enfant par son mari, qui a laissé des en-entre-vifs, à titre gratuit, des biens de la comfants du premier lit, venant à partage avec ces munauté; et lorsqu'il en disposait au profit des enfants, peut exiger d'eux le rapport des dons enfants communs, la donation était réputée faite qui leur ont été faits par leur père. tant par lui que par la femme. Par une suite ultérieure, lorsque la femme acceptait la communauté, le rapport des objets donnés se faisait pour moitié à la succession du père, et pour moitié à celle de la mère; en cas de renonciation à la communauté, le rapport se faisait en entier à la succession du père, qui était alors seul donateur.

Aux termes de l'art. 857 ci-dessus, qui n'a fait que consacrer les anciens principes, il semblerait qu'elle ne le peut pas, puisqu'elle n'est pas héritière, mais donataire, et que le rapport n'est dû qu'aux cohéritiers.

Pothier néanmoins, en son Traité des successions, chap. 4, art. 2, § 6, décide l'affirmative. Il en donne pour raison, « que la mesure de la donation faite à la belle-mère est la quotité de ce que l'enfant a eu des biens de son père, à quelque titre qu'il les ait eus, soit de donation, soit de succession; que par conséquent ce qui lui a été donné doit lui être compté avec ce qu'il prend dans la succession; que sans cela, il serait au pouvoir du mari d'anéantir en entier la donation faite à sa femme, en faisant des donations ou des legs à ses enfants du premier lit, et en ne laissant presque rien à sa succession; ce qui ne doit pas être, la donation qu'il a faite à sa femme, étant une donation entre-vifs qui de sa nature est irrévocable: c'est, continue Pothier, l'avis de Lebrun, qui en cite un arrêt. Cette opinion est » également conforme aux principes du droit et de l'équité.

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Quid? Dans le cas où un père laisse deux enfants à l'un desquels il a donné certains biens, et où l'autre renonce à la succession en fraude de ses créanciers qui sont reçus à exercer ses droits; ces créanciers auront-ils le droit de demander à l'enfant donataire le rapport des biens qui lui ont été donnés? Pothier, d'accord encore avec

L'art. 1422 du Code civil n'a laissé au mari la faculté de disposer, à titre gratuit, des immeubles et de l'universalité ou d'une quotité du mobilier de la communauté, qu'en faveur des enfants communs, et pour leur établissement.

Les principes qu'on vient de rappeler sur le rapport des objets de la communauté, donnés par le mari, seul, à un de ses enfants, s'appliquent entièrement au cas exprimé par l'article 1422 du Code civil.

Si donc une donation d'immeubles, ou de l'universalité ou d'une quotité du mobilier de la commuuauté, est faite par le mari seul au profit de quelques-uns des enfants pour leur établissement, le mari, dans ce cas, est censé disposer en sa qualité de chef de la communauté; la donation est réputée être faite conjointement par lui et par la femme, et par suite le rapport en est dû, pour moitié à la succession du mari, et pour moitié à celle de la femme, en cas d'acceptation de la communauté; mais en cas de renonciation, le rapport se fait en entier à la succession du mari.

Il en

est de même du rapport d'effets mobiliers, dont le mari aurait disposé, à titre gratuit et particulier, au profit de quelqu'un de ses en

fants, sans même que la disposition eût son éta- | lativement aux dettes contractées en minorité, et Llissement pour objet; le mari ayant la faculté cependant adopté comme conforme aux anciens de disposer de ces objets, en sa qualité de chef principes. Mais on voit par la discussion qui eut de la communauté, il est toujours réputé disposer en cette qualité, et conséquemment tant pour Ini que pour sa femme.

Mais, lorsque le mari et la femme donnent conjointement à quelques-uns de leurs enfants des effets de la communauté, ce n'est plus alors la communauté qui donne, c'est chacun des conjoints; et alors le rapport des objets donnés est dû pour moitié à la succession de chacun d'eux, soit que la femme accepte la communauté, soit qu'elle y renonce. Dans ce dernier cas seulement, n'ayant plus rien, par l'effet de sa renonciation, dans les biens qu'elle avait donnés pour moitié, elle doit récompense de cette moitié à son mari,

ou à sa succession.

Voy. l'arrêt rapporté ci-après, no 4, nombre 7.

N° 4.

Quelles choses sont sujettes à rapport, et quelles

choses en sont dispensées ?

I. L'obligation de rapport s'étend à tout ce qu'un cohéritier peut avoir reçu du défunt à titre gratuit. L'article 843 du Code civil dispose, en termes généraux, que tout héritier doit rapporter tout ce qu'il a reçu du défunt directement ou indirectement.

Cette disposition, malgré la généralité des expressions dans lesquelles elle est conçue, reçoit quelques exceptions; elles sont établies par les articles du Code civil, depuis et compris 852, jusques et compris 857.

lieu à ce sujet, que le rapport des sommes employées au paiement des dettes contractées par l'un des cohéritiers pendant sa minorité, doit beaucoup dépendre des circonstances. (Voy. Conférence du Code civil, tome 4, page 89.)

II. Une exception à l'obligation de rapport, est celle qui en dispense les profits que l'un des cohéritiers aurait pu faire par suite d'une convention intervenue entre lui et le défunt, pourvu toutefois que cette convention ne renfermât aucun avantage indirect, lorsqu'elle a été formée. (Code civil, art. 853.)

Tel serait le cas d'une vente qui aurait été faite à juste prix par le défunt à un de ses héritiers, et dont l'objet, par l'effet des circonstances postérieures à la vente, aurait acquis une augmentation de valeur considérable. Cet excédant de valeur ne serait point sujet à rapport, parce qu'il ne pourrait, sous aucun point de vue, être considéré comme un avantage indirect, puisqu'il n'existait pas au momeut de la vente.

Au contraire, dans le cas de la vente à vil prix par le défunt à un des héritiers, cette vente est considérée comme renfermant un avantage indirect de toute la différence du prix stipulé, à la véritable valeur de l'objet vendu. (L. 38, ff. de contrah. empt.)

Si une vente de ce genre avait été faite à un héritier incapable de recevoir du défunt à titre gratuit au moment de la vente, cette vente serait nulle. Mais si l'acquéreur, devenu héritier, était capable de recevoir du défunt à titre gratuit, à L'article 852 dispense nominativement du rap-l'époque du contrat, l'acte n'est pas nul, et il y port les frais de nourriture, d'entretien, d'édu-a seulement lieu au rapport de l'excédant de vacation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équi- leur. Ainsi jugé par plusieurs arrêts de la cour quements, ceux de noces et présents d'usage. de cassation, rapportés aux articles Avantage inToutes ces exceptions à l'obligation de rapport direct, u° 11, et Donation entre-vifs, sect 1, § 111, sont conformes à l'ancienne jurisprudence. (Voy. n° vi. Rousseau de La Combe, au mot Rapport, sect. 3, n 9 et 10.)

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Mais les sommes employées à l'établissement d'un des cohéritiers, ou au paiement de ses dettes doivent être rapportées. (Code civil, article 851, aussi conforme à l'ancienne jurisprudence.)

Les bénéfices qu'un héritier aurait faits dans une association avec le défuut, ne sont pas non plus soumis au rapport, pourvu que l'acte qui en à réglé les conditions ait une date authentique (Code civil, art. 854). Ces bénéfices en effet ne peuvent être considérés comme un avantage indirect, puisqu'ils sont, ou le fruit d'une spéculation quelconque, dont le succès était incertain, ou devaient être le prix de travaux communs; que dans le premier cas, l'héritier a couru la chance de la perte et du gain; que dans le second il a gagné sa portion dans les bénéfices par son travail, et que dès lors il n'a rien reçu du défunt son coassocié. Mais il était nécessaire d'exiger l'authenticité de l'acte d'association, pour préve nir les abus, on peut même dire les fraudes qui A l'égard du rapport des sommes employées auraient pu être pratiquées au préjudice des copar le défunt au paiement des dettes de l'un des héritiers, par des actes d'association faits postécohéritiers, il fut contredit au conseil-d'état, re-rieurement aux bénéfices acquis, et antidatés.

il est à remarquer que les frais d'établissement dont il est parlé dans cet article, ne doivent pas s'entendre de ce qui est donné pour mariage, mais seulement de ce qui est donné pour l'exercice d'un métier, d'une profession, d'un commerce, ce qu'on désignait autrefois par ces expressions: frais de métier, outils et autres instruments, et meme les frais de doctorat. (Voy. Lebrun, Traité des successions, liv. 3, chap. 6, sect. 3, n° 49, jusques et compris 52.)

III. L'immeuble qui a péri par force majeure «En considération du mariage, la demoiselle ou cas fortuit, et sans qu'il y ait eu faute de la Bertin a donné et constitué à la future épouse, part de l'héritier donataire, n'est pas sujet à rap-sa nièce, 2,000 livres de rente perpétuelle, que port (Code civil, art. 855). Dans ce cas en effet la donatrice s'est obligée de payer annuellement l'immeuble aurait péri dans les mains du défunt, à la donataire..........., et tant que cette rente aura comme il a péri entre les mains du donataire, et cours....., laquelle sera rachetable à la volonté ne se serait pas trouvé dans sa succession; les co- de la donatrice et de ses représentants, en payant héritiers ne souffrent donc aucun préjudice par à ceux qui en auront droit la somme de 40,000l., l'effet de la donation. D'un autre côté l'héritier pour leur tenir lieu de capital, avec les arrérages donataire ne profite de rien, et n'a conséquem- qui se trouveront alors dus.... » ment rien à rapporter.

Lorsque l'immeuble n'a péri qu'en partie, ce qui en reste doit être rapporté. Par exemple, si une maison avait été donnée et avait été incendiée par le feu du ciel, la place sur laquelle existait cette maison devrait être rapportée.

Dans le cas où l'immeuble a péri par la faute du donataire, par sa négligence, ou par défaut de réparations, le rapport en est dû en entier. C'est une conséquence implicite de l'art. 855 du Code

civil.

IV. La femme doit le rapport intégral de la dot qui lui a été constituée, dans le cas même où cette dot a péri, soit en partie, soit en totalité, par l'effet de l'état d'insolvabilité dans lequel son mari serait tombé. Mais si à l'époque de la constitution de la dot, le mari était déja insolvable, et s'il n'avait à cette même époque ni métier, ni profession, la femme n'est tenue de rapporter que l'action en restitution qu'elle peut avoir, soit contre son mari, soit contre sa succession. (Code civil, art. 1573.)

L'héritier donataire ne doit pas le rapport des fruits ou intérêts qu'il a perçus des choses données pendant la vie du donateur; il doit seulement le rapport des fruits et intérêts perçus, à compter du jour de l'ouverture de la succession. (Code civil, art. 856, conforme à l'article 30g de la contume de Paris.)

Cette rente n'a été acquittée que pendant deux ans. Depuis, le service en a été interrompu.

Le 22 septembre 1813, la donatrice est décédée, laissant des héritiers qui, la plupart, acceptèrent sa succession par bénéfice d'inventaire. De ce nombre était le sieur Chasseriau, fils et représentant de Marie-Louise Bertin, que la défunte avait dotée en 1790.

Après avoir fait vendre le mobilier qui composait la succession, les héritiers procédèrent à un ordre pour la distribution du prix de la vente.

Le sieur Chasseriau demanda à être colloqué pour le montant de tous les arrérages de la rente constituée en dot à sa mère.

Je suis, disait-il, donataire de cette rente et du capital de 40,000 livres qui la constitue. Ayant accepté la succession de la demoiselle Bertin, je dois, conformément à l'article 843 du Code civil, rapporter le capital de la rente. Mais les arrérages échus avant le décès de la donatrice m'appartiennent; et n'en ayant pas été payé par la défunte, j'ai le droit, d'après l'article 856, de les prélever sur la succession avant tout partage.

Les cohéritiers du sieur Chasseriau se sont opposés à cette demande, et elle a été rejetée par jugement du tribunal de la Seine et par arrêt de la cour royale de Paris.

Les principaux motifs de décision sont,

1o Que le sieur Chasseriau n'est pas, comme Ainsi, sauf les exceptions qu'on vient de par- il le prétend, tout à la fois donataire et de la rente courir, tout ce qui constitue avantage direct ou qu'il répète, et du capital de cette rente. Le caindirect de la part d'un défunt à l'un de ses hé-pital ne lui a pas été donné; car il n'y a pas eu, ritiers, est soumis à la loi du rapport.

V. Le donataire de choses sujettes au rapport est-il fondé à en réclamer les fruits échus que devait payer le donateur, lorsqu'ils n'ont pas été perçus avant l'ouverture de sa succession, dans laquelle le donataire vient prendre part comme héritier?

La donation d'une rente annuelle, avec stipulation qu'elle sera rachetable à la volonté du donateur, moyennant le paiement d'un capital déterminé, constitue-t-elle une donation d'une véritable rente perpétuelle ?

Le 5 février 1790, il fut passé contrat de mariage entre le sieur Chasseriau et la demoiselle Marie-Louise Bertin.

La demoiselle Marie-Jeanne Bertin, tante de la future, intervint au contrat pour doter sa nièce. La clause est ainsi conçue:

de la part de la demoiselle Bertin, obligation de le rembourser, mais seulement faculté de faire ce remboursement. Le sieur Chasseriau n'a jamais eu que le droit de percevoir la rente qui lui a été promise: ainsi il n'était donataire que d'une prestation ou jouissance annuelle, sans capital, formant elle-même un capital, lequel serait rapportable s'il avait été payé par la défunte; lequel, à défaut de paiement, appartient à sa succession, et ne peut être demandé par le sieur Chasseriau à l'exclusion des autres héritiers;

2° Que la demande du sieur Chasseriau ne serait pas mieux fondée, quand on considérerait les a rérages qu'il réclame, non comme formant le capital de sa donation, mais comme les fruits ou intérêts de cette donation, car.... « le droit com mun de la France et la jurisprudence des arrêts « ont consacré ce principe, que les fruits ou in

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térêts, non perçus par l'un des successibles (do- | qu'elle a constitué cette rente, c'est elle qui s'est nataire) pendant la vie du défunt (donateur), obligée à la servir.

« n'étaient plus exigibles, parce qu'ils rentraient dans les objets sujets à rapport....

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Le sieur Chasseriau s'étant pourvu contre cet arrêt, son principal moyen consistait à dire,

1° Que la donation faite à la mère du sieur Chasseriau était d'une rente perpétuelle de 2,000l., constituée au capital de 40,000 liv.; que ce capital et cette rente avaient été également donnés; que l'un et l'autre appartenaient au sieur Chasseriau au même titre; qu'il n'avait droit à la rente que parce qu'il avait droit au capital qui la produisait;

2° Que, cette rente ne constituant pas à elle seule la chose donnée, mais étant le produit, ou, suivant l'expression de l'article 584 du Code civil, étant le fruit civil d'un capital donné, l'arrêt n'avait pu, sans violer cet article, considérer la rente dont il s'agit comme formant elle-même un capital;

3o Que, d'après la disposition de l'article 856 du même Code, le sieur Chasseriau avait droit de percevoir, sur la succession de la donatrice et à l'exclusion de ses cohéritiers, les arrérages non payés de cette rente, et qu'en jugeant que ces arrérages appartenaient à la succession et devaient entrer en partage, l'arrêt avait encore contrevenu à cet art. 856.

Les défendeurs ont répondu,

1° Que, pour juger que la demoiselle Bertin avait donné au sieur Chasseriau, ou à sa mère, une rente sans capital, formant elle-même un capital, la cour royale s'était fondée sur les clauses de la donation; qu'elle avait interprété cet acte dans le sens qui lui avait paru le plus juste, et que l'interprétation d'un contrat, alors même qu'elle est fautive, ne peut donner ouverture à cassation;

2" En supposant qu'on pût considérer le sieur Chasseriau comme donataire d'un capital de 40,000 liv. produisant annuellement 2,000 livres de rente ou d'intérêt, il en résulterait bien que les 2,000 liv. sont, comme il le dit, les fruits civils de sa donation; il en résulterait bien que ceux de ces fruits qu'il a perçus et consommés pendant la vie de la donatrice, ne sont pas rapportables; mais il ne pourrait en conclure, comme il le fait, que ceux qu'il a laissé arrérager soient exigibles. Il a, en effet, été toujours jugé, avant le Code civil, que les arrérages non perçus pendant la vie d'un donateur appartenaient à sa succession, qu'ils étaient partageables entre tous ses héritiers; et l'article 856 du Code civil ne dit rien de contraire principe, que l'ancienne jurisprudence avait

adopté.

3 Il est à remarquer qu'en constituant, au profit du sieur Chasseriau ou de sa mère, la rente dont il s'agit, la demoiselle Bertin n'en a pas assigné le paiement sur un tiers ; c'est sur elle-même

Si un tiers en eût été débiteur, il serait peutêtre possible de soutenir que les arrérages non payés pendant la vie de la donatrice ne pouvaient profiter à sa succession, dans laquelle ils ne se trouvaient pas matériellement au moment de son décès.

Mais, la demoiselle Bertin ayant toujours été elle-même débitrice de cette rente, il est clair qu'elle est restée saisie des sommes qu'elle n'a pas payées, et qu'après sa mort, ces sommes ont réellement fait partie de son hérédité, et par conséquent que tous ses hétitiers y avaient un droit égal.

4° Avant comme depuis le Code civil, il a toujours été de principe en France que l'on ne pouvait cumuler les qualités d'héritier et de donataire; que celui-ci, en acceptant la qualité d'héritier, renonçait de plein droit à sa donation; qu'il était dès-lors dépourvu de titre pour exiger de ses cohéritiers les arrérages d'une rente que le défunt lui avait donnée. En fait, il est certain que le sieur Chasseriau a accepté la succession de la demoisselle Bertin, sa donatrice, et qu'il a formellement acquiescé à la disposition de l'arrêt qui le déclara héritier: donc il ne peut faire valoir aucun droit en qualité de donataire.

Mais ces raisons ne pouvaient pas couvrir la contravention expresse à la loi. En conséquence, la cassation a été prononcée en ces termes, par arrêt du 31 mars 1818:

« Oui le rapport de M. Zangiacomi, conseiller en la cour ; les observations de Delagrange, avocat du demandeur; celles de Loiseau, avocat des défendeurs; ensemble, les conclusions de M. l'avocatgénéral Cahier; et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ;

« Vu les articles 584 et 856 du Code civil; « Considérant que l'objet donné à la mère de Chasseriau consiste en une rente perpétuelle de 2,000 livres;

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Que cette rente était rachetable de sa nature; que, d'après les stipulations de l'acte, le prix du rachat avait été fixé à 40,000 livres ;

"

Qu'ainsi le remboursement de ce capital aurait pu être fait à Chasseriau et à sa mère, sans qu'il leur fût possible de le refuser;

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Qu'il résulte de ces faits constatés par l'acte, qui ne pouvaient être contredits et ne le sont effectivement pas par l'arrêt, que la donation ne consiste pas seulement dans la rente de 2,000 liv., mais encore dans le capital de 40,000 liv. qui la constitue;

« Considérant, 1° qu'aux termes de l'art. 584 ci-dessus, les arrérages d'une rente perpétuelle ne peuvent être considérés que comme des fruits civils; qu'ainsi l'arrêt attaqué a contrevenu à cette disposition, en jugeant que les arrérages de la rente dont il s'agit constituaient un capital;

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