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réflexions « Pour partir d'une époque non contestée, dit-il, admettons que le monde n'existe que depuis 5,588 ans. Le déluge a eu lieu, selon cette manière de compter, l'an du monde 1656; Noé, à cette époque, possédait déjà assez de connaissances pour construire l'arche qui a dû surnager pendant trois-cent soixante-quinze jours au milieu du plus vaste océan. Cent cinq ans après, toutes les familles réunies sont en état d'élever la tour de Babel; deuxcent quarante ans après le déluge fut creusé le lac Moris, et onze cent quarante-quatre ans après le même événement furent construites les deux grandes pyramides de Memphis. Ces étonnantes productions nous montrent clairement que, si dans cet espace de temps ceux qui vinrent après le déluge purent arriver à de tels résultats, nous n'avons aucun droit de contester aux anté-diluviens des notions suffisantes pour avoir élevé un simple temple. Les premiers hommes ne furent pas étrangers au sentiment d'adoration de la Divinité; ils lui présentèrent leurs offrandes et lui élevèrent des autels.

» Le séjour des eaux à la surface du globe, pendant trois cent soixante-quinze jours est-il donc suffisant pour avoir détruit tous les ouvrages des hommes? Non! Par quels moyens donc notre temple situé au sommet d'une montagne insulaire, pourrait-il avoir été comblé, si ce n'est par une inondation générale? Les eaux, s'étant retirées, ont déposé, dans l'intérieur de l'édifice, des limons auxquels les murs ont servi de barrière en fermant les issues; le temps a insensiblement découvert les faces extérieures; mais la main seule des hommes pouvait en deblayer l'intérieur.»>

» Ce ne sont donc point les rêves d'une imagination fantastique, et bien moins encore le désir du merveilleux qui ont porté l'auteur à faire remonter si haut dans l'histoire du monde l'origine de ce temple. La contemplation des restes des premiers âges, leur comparaison avec les monumens que nous a légués l'antiquité, les traditions de

l'histoire, les limites, la nature, la situation et l'aspect du sol qui supporte ces ruines, tout confirme l'idée d'une ancienneté primitive, et tout semble nous dire que ce temple a précédé le déluge.....

» Mais, par une destinée commune à tout ce qui existe, il semble que ce temple ne se soit montré que pour courir à une ruine complète. Au milieu d'une population ignorante, chaque jour les pierres taillées en sont enlevées pour les moindres besoins, et ses masses informes sont brisées pour servir de barrières qui retiennent les terres sur la pente des rochers.

«L'auteur a donc regardé comme un devoir de faire connaître ces restes précieux au monde savant qui accueille toujours favorablement jusqu'aux moindres découvertes. Hen

si ces vestiges, dignes d'un si haut intérêt, doivent à ses efforts leur conservation et l'attention des hommes éclairés! » P.

Bulletin dramatique.

THEATRE-FRANÇAIS.-L'Envieux, comédie en cinq actes et en vers, par M. Dorvo. - Cette pièce aura coûté infructueusement des frais de mémoire aux acteurs du Théâtre-Français. Elle a été écoutée froidement par le peu de monde qui se trouvait dans la salle. Les spectateurs ont dit qu'ils n'y retourneraient pas, et que bien des gens n'iraient pas du tout. Malgré les observations sévères que l'on a faites sur le caractère outré de L'Envieux, il serait injuste de ne pas reconnaître qu'au milieu de l'exagération qui le défigure, il offre plusieurs traits d'une profonde énergie, et cet homme incessamment tourmenté du besoin de nuire, et à qui le bonheur des autres, a ôté le sommeil, est peint quelquefois avec habileté. Le style de la pièce est naturel. Les acteurs ont médiocrement joué. Ennui général: presque chute.

E.

THEATRE-ITALIEN. — Le Théâtre- Italien a donné pour son ouverture Rosemunda, tragédié en cinq actes, d'Alfieri, et la Casa disabitata, comédie en un acte de M. Giraud.

La première de ces deux pièces a été écoutée avec froideur, et ce n'est pas sans raison : l'auteur en voulant s'écarter d'un excès est tombé dans un autre. Il essayait de réformer les arlequinades, les bouffonneries, en un mot, les farces de mauvais goût, si usitées alors chez les auteurs italiens, et

il a élevé sa pièce à une telle sévérité de paroles qu'il en est résulté une monotonie qui a fini par ennuyer. On s'est bientôt lassé des scènes d'amour, de fureur et de vengeance qui se passent entre quatre personnages, seuls acteurs de la pièce.

On s'est amusé au contraire à la Casa disabitata qui a fait beaucoup rire : nous devons des éloges à M. Taddei, qui a joué dans cette pièce avec un naturel et un comique admirables le rôle d'un poète famélique. Ce n'est encore qu'une farce italienne; mais elle attirera du monde.

- Carlotta e Werter, drame en cinq actes. -Les acteurs italiens devraient de préférence jouer des pièces comiques. Charlotte et Werther est un drame qui marche sérieusement pendant les quatre premiers actes, et dont le dénouement a été emprunté à une scène du Désespoir de Jocrisse. Il y a dans cette pièce un amalgame de pensées sévères et de plaisanteries qui n'est pas heureux; du reste, la pièce a été jouée avec ensemble. Le public est resté spectateur assez froid.

-Mal fare per far bene, comédie en deux actes.- Cette farce, qui rappelle ces mille canevas où les geoliers sont toujours dupés par leurs jolies captives, a été unanimement accueillie on a beaucoup ri. Succès.

P.

THEATRE DE L'ODÉON. Le mari de ma femme, comédie en trois actes et en vers, par M. Rosier. Succès complet. Il n'y a peut-être rien de neuf dans la pièce de M. Rosier; mais il y a une peinture de mœurs assez vraie, de la plaisanterie bien entendue, et au théâtre la gaîté fait passer sur bien des imperfections. Les acteurs ont tous bien joué, Duparay et madame Moreau-Sainti surtout.

E.

THEATRE DU VAUDEVILLE. — Le Voyage par désespoir. Un jeune homme est trahi par une danseuse

qu'il, adore: il veut la fuir. Sa vieille bonne, avant qu'il ne monte en voiture, lui fait de la morale dont voici à peu près le sens : « Avant d'être abandonné, vous avez abandonné Victorine, puis Laurette: elles seront mortes sans doute. Le ciel vous punit. — Oui, le ciel est juste, reprend le jeune homme, je mourrai probablement comme elles. » Il part. Sa voiture se brise en route : il est obligé de s'arrêter dans une auberge; il retrouve là Victorine, bien fraîche et heureuse; il commence par croire qu'on ne meurt pas d'amour. Il poursuit son chemin; mais la voiture, qui n'avait pas été solidement raccommodée, éprouve dans un village un second accident. Il y a une noce : il retrouve Laurette qui se marie et feint de ne pas le reconnaître. Enfin il se remet en route pour la troisième fois; mais son cocher qui, à ce qu'il paraît, avait décidement envie de le tuer, va accrocher la voiture d'une danseuse qui venait dé— buter à l'Opéra. Le jeune homme, échappé à ce troisième danger, s'embrase subitement à la vue de sa jolie voisine. Bref, il revient à Paris avec elle pour recommencer peutêtre un nouveau voyage de désespoir dans un mois. Il y a des scènes plaisantes, d'autres invraisemblables. La pièce, qui ne roule que sur des voitures, a failli tomber comme elles, mais on en a ri. Léger succès.

La Petite Prude a obtenu un succès complet et mérité. On pourrait reprocher aux auteurs d'avoir choisi un sujet vieux et usé; mais ils ont jeté sur cette pièce comique tant de traits d'esprit qu'ils ont désarmé la critique.

E.

THEATRE DE LA GAITÉ, Jeffries ou le GrandJuge, quoique assez purement écrit, a fait bâiller tous ses auditeurs, et, pour les achever, les acteurs ont joué trèsfaiblement. Mais cela se conçoit : il ne pouvait pas y avoir de vérité à rencontrer pour eux dans un drame qui fourmille d'invraisemblances et qui n'en finit pas. P.

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