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colonies ayant une fois embrassé le principe de l'abolition, et n'étant arrêtées dans l'exécution de ce principe par aucun intérêt particulier, ne pouvaient pas être considérées comme entièrement impartiales, dans une affaire dont par un zèle louable en lui-même, elles précipiteraient peut-être la marche aux dépens des états que leur position particulière obligerait aux plus grands ménagemens.

M. le chevalier de Labrador, se réunissant d'avis à M. de Palmella, a observé: que toutes les puissances se trouvant d'accord sur le principe général de l'abolition, il serait inutile d'en faire un objet de discussion; que la seule question à examiner était celle des moyens d'exécu tion, et surtout du terme à choisir pour faire cesser ce commerce; que cette question, se réduisant entièrement à des détails et à des considérations locales, ne pouvait être traitée que par des puissances qui possèdent des colonies et qu'il serait si non injuste, au moins inutile d'y admettre les autres; qu'il était facile de condam-. ner la traite par des assertions générales, mais que les puissances dont le systême colonial avait été fondé jusqu'ici sur l'importation des nègres, se trouvaient, pour ainsi dire, placées entre deux injustices, l'une envers les habitans de l'Afrique l'autre envers leurs propres sujets, propriétaires dans les colonies, dont les intérêts seraient grièvement compromis par un changement trop brusque dans le régime actuel; que cette dernière considération était d'une importance particulière pour l'Espagne, puisque l'état d'agitation où se trouvaient les colonies espagnoles de

terre ferme, imposait au gouvernement le devoir de redoubler de soin pour la conservation et la prospérité des isles de Cuba et de Porto-Rico; enfin que S. M. C. ne pouvait pas, avec la meilleure volonté, s'engager pour l'abolition de la traite à un terme plus rapproché que celui de

huit années.

MM. les plénipotentiaires de Russie, d'Au triche, de Prusse et de Suède, ont soutenu que, comme question de morale publique et d'humanité, l'abolition de la traite intéressait indubitablement toutes les puissances, que celles qui n'ont point de colonies ne prétendraient pas diriger les détails d'une mesure pareille, mais que les opinions sur ces détails, et notamment sur le terme de l'abolition, se trouvant partagées parmi les puissances directement intéressées dans cette affaire, l'intervention des autres seráit toujours utile pour concilier ces opinions, et pour amener un résultat conforme au voeu de l'humanité entière.

Lord Castlereagh a déclaré que l'Angleterre, quoiqu'attachant à l'abolition de la traite un intérêt bien prononcé, était cependant loin de vouloir donner la loi à cet égard à aucune autre puissance; que le tems de la durée, et le mode de préparer graduellement la suppression de ce trafic, étaient sans doute des questions sur lesquelles chaque puissance possédant des colonies pouvait avoir son opinion particulière; mais qu'une Commission, exclusivement composée de ces puissances; ne répondrait pas au but qu'il avait eu en vue en provoquant la discussion de cette affaire; qu'il s'agissait de connaître authentiquement les sentimens et la manière de voir

des principales puissances; relativement à une affaire d'un intérêt aussi général, et qu'il regardait la forme de délibération proposée par lui, comme la seule propre à fournir à cet égard les éclaircissemens satisfaisans.

A la suite de cette discussion, M. le prince de Metternich a établi la question préalable sur laquelle on avait à prononcer, dans les termes suivans:

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l'affaire de l'abolition de la traite des nègres doit-elle être remise en premier lieu à une Commission composée des plénipotentiaires des puissances possédant des colonies, ou traitée d'abord par les plénipotentiaires réunis des huit puissances?

MM. les plénipotentiaires de Portugal et d'Espagne ont persisté dans leur avis de n'admettre à la discussion, si on la jugeait absolument nécessaire, que les ministres des puissances possédant des colonies. M. le comte de Palmella a demandé, en outre, que dans le cas que l'opinion contraire prévalût, il fût inséré au pratocole que les plénipotentiaires de Portugal, sans se soustraire à la délibération commune, ne regardaient pas la question dont on allait s'occuper, comme une question de droit public.

De l'autre côté, MM. les plénipotentiaires d'Angleterre, de Russie, d'Autriche, de Prusse, de Suède et de France, ont volé contre la Commission particulière, et pour l'intervention des huit puissances dans cette question..

Lord Castlereagh en résumant sa première proposition, a dit alors qu'il n'insistait pas à n'admettre dans ces déliberations qu'un plénipo

tentiaire de chaque puissance; que le nombre dé ceux qui y assisteraient, était indifférent; que son intention avait seulement été de faire consacrer à cet objet quelques séances particulières, pour le traiter avec suite, et pour ménager le tems que d'autres affaires pourraient réclamer. 11 s'est réservé d'inviter MM. les plénipotentiaires à se réunir en conférence sur cette question, aussitôt qu'il serait préparé à l'entamer,

2.

Procès-verbaux

des séances particulières de MM. le Plénipotentiares des huit puissances signalaires du traité de paix de Paris, consacrées à délibérer sur l'abolition de la traite des Nègres *).

Première séance particulière.

Vienne le 20. Janvier 1815.

Furent présens:

Lord Castlereagh, premier plénipotentiaire de S. M. Britannique;

*) Voyez plus haut (Tom. IV, pag. 523 — 530) la „Nasive sur les cinq (quatre) conférences particulières de M.M. les plénipotentiaires etc, relativement aux moyens d'effectuer l'abolition générale de la traite des Nègres," Une série de lettres et de dépêches, écrites en 1813, 1814 et 1815. d'après les ordres des gouvernemens de la Grande-Bretagne, de l'Autriche, de la Russie, de la Prusse, de la Hollande, de la Suéde, du Danemarck, de l'Espagne et du Portugal, ont été publiées dans le Recueil de pièces officielles etc., par Fród Schoell, T. VII. (Paris, 1815. 8.) p. 67 273. Rem. de l'editor.

Lord Stewart; plénipotentiaire de S. M. Britannique;

M. le prince de Talleyrand, premier plénipotentiaire de S. M. T. C.;

M. le chevalier de Labrador, plénipotentiaire de S. M. le roi d'Espagne;

M. le comte Palmella; M. le comte de Saldanha; M. le chevalier de Lobo, plénipotentiaires des S. A. R. le prince-régent de Portugal;

M. le comte de Nesselrode, plénipotentiaire de S. M. l'Empereur de toutes les Russies; M. le comte de Löwenhielm, plénipotentiaire de S. M. le roi de Suède.

M. le baron de Humboldt, plénipotentiaire de S. M. le roi de Prusse;

M. le baron de Binder, remplaçant M. lo prince de Metternich, premier plénipotentiaire de S. M. l'Empereur d'Autriche. Les plénipotentiaires des Puissantes qui ont signé le traité de Paris, ayant arrêté, dans leur assemblée générale du 16. Janvier, et consigné dans le procès-verbal de ce jour, que pour s'occuper des moyens de faire cesser universellement la traite des Nègres, chaque puissance nommerait un ou plusieurs plénipotentiaires, qui se réuniraient dans des conférences particulières, exclusivement consacrées à cet objet, sauf à rendre compte du résultat de leurs délibérations à l'assemblée générale, la première de cesconférences a eu lieu aujourd'hui dans un des bureaux de la chancellerie de cour et d'état de S. M. I. et R. A.

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