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village de Rumersheim, le défit complétement et le rejeta dans le pays de Bade, après lui avoir fait deux mille cinq cents prisonniers et lui avoir tué quinze cents hommes. Mercy, blessé, se réfugia à Bále, abandonnant, dans sa fuite précipitée, son carrosse et sa cassette où l'on trouva tous les plans de l'invasion méditée par nos ennemis, ainsi qu'un projet de partage des provinces françaises rédigé par le prince Eugène. La victoire de Rumersheim déconcerta tous ces plans. L'Électeur de Hanovre, qui attendait le départ du maréchal pour forcer les lignes de Lauterbourg, n'osa les attaquer du moment qu'il continua à les défendre. Daun, privé des renforts sur lesquels il comptait, reprit le

chemin du Piémont.

Ainsi prirent fin, avant le traité d'Utrecht, les luttes sanglantes qui s'étaient poursuivies sans relâche, depuis 1702, en Allemagne, en Alsace, sur le Rhin, entre la France et l'Empire. Jusqu'à la conclusion de ce traité, et sauf quelques engagements sans importance, on se borna de part et d'autre, dans ces régions, à conserver la défensive.

CHAPITRE IV

GUERRES DES PAYS-BAS.

Boufflers, Villeroy et l'Électeur contre Marlborough.

Perte de la

Gueldre, du Luxembourg et du Brabant. Mauvaise administration de

l'Électeur. Ramillies.

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Perte des Pays-Bas.

Vendôme, Berwick

et le duc de Bourgogne contre Marlborough et le prince Eugène.

Oudenarde. Boufflers à Lille.

çaise.

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État misérable de l'armée fran

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la France. Neutralité anglaise.

Les fautes de Vendôme et de la Feuillade, la trahison du duc de Savoie venaient de nous faire perdre l'Italie. Ce fut en Flandre que vinrent se concentrer, à partir de 1708, les principaux efforts de la guerre. Elle n'avait pas cessé d'y sévir depuis le moment où Louis XIV, agissant en vertu des pleins pouvoirs que lui avait conférés la junte, fit surprendre et occuper, au mois de février 1701, par les troupes du maré- 1701. chal de Boufflers', Luxembourg, Namur, Charleroy,

1 Voir l'Introduction qui figure en tête de cette étude.

2 Capitale du grand-duché du même nom, à sept lieues nord-est de Lunéville, sur l'Alzette. Ce fut plus tard une des trois grandes forteresses fédérales. Ses fortifications, auxquelles Vauban avait travaillé, furent rasées, en 1869, à la suite des événements politiques qui agitaient l'Allemagne à cette époque.

Ville forte, dans une situation très-importante, au confluent de la Meuse et de la Sambre, à treize lieues sud-est de Bruxelles; ses fortifications avaient été complétées par Cohorn en 1691. Elle resta entre nos mains jusqu'à la fin des guerres de la succession d'Espagne.

4 Sur la Sambre, à neuf lieues ouest de Namur.

1702.

Mons', Ath', Oudenarde' et Nieuport', échelonnés dans les Pays-Bas espagnols, parallèlement à nos frontières, depuis la mer du Nord jusqu'aux pays allemands. Ces villes avaient été confiées par l'Espagne, après la paix de Ryswick, à la garde des États-Généraux; c'étaient leur sûreté, leurs barrières, comme ils les appelaient, contre les entreprises de la France. Les garnisons qu'ils y avaient établies protégeaient en même temps, dans ces parages, la Hollande et l'Espagne contre l'ambition du grand Roi. On a vu que ces garnisons s'étaient soumises, le même jour, sans la moindre résistance et que, la guerre n'étant pas encore déclarée, Louis XIV n'avait pas voulu qu'on les retint prisonnières, en sorte qu'elles étaient retournées dans leur pays avec armes et bagages. En témoignant ainsi aux États-Généraux une magnanimité hautaine qui satisfit les apparences et qui flatta sans doute son orgueil, il commit, au point de vue militaire, une faute déplorable dont les conséquences ne tardèrent point à se faire sentir. Les hostilités s'engagèrent dans les Pays-Bas dès l'année suivante. Marlborough avait reçu la direction suprême des forces alliées; à son arrivée sur le continent, il trouvait une armée toute prête.

Cette première campagne ne fut point heureuse pour la France. Elle débuta par un brillant fait d'armes, mais elle finit par des revers. Le maréchal de Boufflers y comman

1 Sur la petite rivière de la Trouille, à neuf lieues ouest de Charleroy, actuellement capitale de la province belge du Hainaut; c'était alors une des villes les plus fortes des Pays-Bas.

2 Ville de la province du Hainaut, à six lieues nord-ouest de Mons.

3 Place forte sur l'Escaut, à sept lieues nord-ouest de la précédente, célèbre par la défaite que Marlborough et le prince Eugène y infligèrent à l'armée du duc de Bourgogne en 1708; voir la suite de ce récit,

4 Ville fortifiée de la Flandre occidentale, située près de la mer, à quatorze lieues nord-ouest d'Oudenarde, et à six lieues nord-est de Dunkerque.

5 L'expédition fut exécutée, sans coup férir, avec une dextérité et un ensemble qui firent grand honneur au maréchal de Boufflers.

dait, sous les ordres du duc de Bourgogne, une armée nombreuse que l'on croyait destinée à de 'grandes actions et qui opéra d'abord dans la Gueldre espagnole '. Négligeant de secourir Kayserwerth', Boufflers s'avança rapidement dans le pays de Clèves, entre l'Électorat de Cologne et le Brabant, poussa l'ennemi jusqu'à Nimègue 3, lui infligea, sous les murs mêmes de cette ville, une défaite signalée qui le frappa de découragement et parut pour nous pleine de promesses. Bientôt, cependant, les choses changèrent entierement de face. Rappelé par le manque de vivres dans le pays de Clèves, obligé, par les ordres formels du Roi, d'affaiblir son armée pour renforcer Catinat, persuadé qu'il valait mieux, dans l'intérêt des deux couronnes, assurer la défense du Brabant que de lutter, avec des chances incertaines, pour la conservation de la Gueldre, il se retira dans la direction de Louvain. Les forces alliées, réunies, après la prise de Kayserwerth, sous la direction de Marlborough, étaient devenues redoutables. L'Angleterre et le Hanovre avaient envoyé des renforts. En quelques semaines Venloo, Ruremonde, une grande partie de la Gueldre espagnole furent perdus. Le 31 octobre, Liége ouvrit ses portes. En dépit des instances réité

1 C'était la partie méridionale de l'ancien duché de Gueldre qu'Arnoul, comte d'Egmont, avait vendu, en 1471, à Charles le Téméraire. Les territoires de ce duché, situés au nord du Rhin, faisaient partie, depuis la révolution de 1579, de la confédération des Provinces-Unies.

* A deux lieues nord-ouest de Dusseldorff, près de la rive droite du Rhin.

3 Place forte de l'ancien duché de Gueldre, située, sur le Wahal, à treize lieues sud-est d'Utrecht; célèbre par les traités qui y furent conclus, en 1678, entre la France, la Hollande, l'Espagne et l'Empire. (Voir l'Introduction.)

4 Qui opérait alors sur le Rhin.

5 Ville forte sur la Meuse, dans le Limbourg hollandais, à dix lieues sud-est de Clèves.

6 Ville fortifiée du Limbourg hollandais, également sur la Meuse, à six lieues sud-ouest de Venloo et onze lieues nord-est de Maestricht,

rées de Louis XIV et des pressants conseils de Chamillard, Boufflers n'avait pu secourir suffisamment cette grande ville qu'il eût été si important de conserver à notre ami, l'Électeur de Cologne. Le parlement d'Angleterre en exalta la conquête, en proclamant que Marlborough avait « restauré l'honneur britannique » et en votant à l'heureux général une pension de cinq mille livres sterling.

1703. Il conquit, l'année suivante (1703), de nouveaux lauriers. Louis XIV, ainsi qu'on l'a vu plus haut, méditait alors une expédition sur Vienne. C'était en Allemagne et en Italie qu'il voulait frapper les coups décisifs. Boufflers et Villeroy, qui commandaient l'armée de Flandre, avaient reçu l'ordre de se borner à la défense. Marlborough mit à profit leur inaction. Le 15 mai, il s'empara de Bonn, la seule ville qui restât encore à l'Électeur de Cologne, malgré la valeureuse défense du commandant d'Aligre, puis il marcha rapidement vers l'Ouest pour donner la main aux Hollandais et, après avoir, de concert avec eux, forcé les lignes françaises, il envahit le pays de Waes, y leva de fortes contributions, commença les préparatifs du siége d'Anvers. La brusque attaque dirigée par Boufflers, le 30 juin, contre l'armée des États-Généraux à Écheren et l'avantage signalé qu'il remporta sur elle, forcèrent, il est vrai, les alliés à les interrompre. Marlborough envahit alors le Luxembourg, et occupe sa capitale. Au commencement de décembre, il avait achevé la conquête de la Gueldre espagnole.

2

Ses glorieux succès de 1704, sa victoire de Blenheim,

1 Sur le Rhin, à six lieues sud-est de Cologne.

2 L'une des huit provinces qui constituaient, depuis la formation de la République hollandaise et les conquêtes de Louis XIV, l'ensemble des Pays-Bas espagnols.

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