Page images
PDF
EPUB

56619

Cet ouvrage,

précédé d'un exposé historique et juridique du droit conventionnel au Maroc. et d'une chronologie des principaux évènements de l'histoire du Maroc,

de 1757 à nos jours,

a été honoré d'une souscription du Ministère des Affaires étrangères et du Protectorat de la République française au Maroc.

YRABGLI

RABAT, 6 mars 1924.

MON CHER AMI,

Vous avez bien voulu me demander une préface pour les Traités, Codes et Lois du Maroc.

Vous savez que je me suis interdit d'en signer aucune tant que j'occuperai la charge qui m'est confiée à la tête du Maroc, mais, étant donné le grand intérêt pratique de l'ouvrage que vous publiez, je ne puis vous refuser de le présenter au public qui y trouvera un véritable «< corpus » de la législation marocaine, dont le besoin se faisait vivement sentir et que vous avez réalisé avec autant de méthode que de précision.

Je suis assuré que cet ouvrage rendra les plus grands services à tous ceux qui s'intéressent au Maroc, et je vous prie d'agréer, mon cher ami, l'assurance de mes sentiments cordialement dévoués.

LYAUTEY.

INTRODUCTION

ET EXPOSÉ HISTORIQUE ET JURIDIQUE DU

AU MAROC

OIT CONVENTIONNEL

C'est la première fois, croyons-nous, que les textes internationaux concernant le Maroc sont réunis au complet. Jusqu'à ce jour, il fallait, pour les retrouver, compulser maints recueils, et encore bien des textes manquaient-ils à l'appel.

Cette lacune était d'autant plus regrettable, que les traités conclus par le Maroc avec les diverses puissances ou intervenus entre ces dernières à propos du Maroc avaient non seulement pour objet de régler des questions d'ordre politique, mais encore contenaient des dispositions de droit interne, civil ou commercial, qui ont servi de base à la législation du Protectorat. C'est à ce titre qu'ils devaient figurer dans un recueil du genre de celui que nous offrons au public. Avant de les lire in extenso, passons-les rapidement en revue, en rappelant, en manière de préambule, ce qu'ont été, au cours des siècles derniers, les rapports du Maroc avec les puissances européennes.

C'est au début du xive siècle, cent ans après que la puissance arabe implantée en Espagne, eût été frappée à mort à Las Navas (1212), que nous voyons surgir les premiers accords entre les princes du Maghreb et les États chrétiens : les Hafsides de l'Ifrikiya (Tunis) traitent successivement avec les Républiques de Pise (1313, 1353, 1366, 1397), de Gênes (1391), de Venise (1392), avec les Rois de Majorque (1313) et d'Aragon (1323). Les Mérinides, maîtres du Maghreb-el-Acsa (1) depuis 1270, concluent de leur côté une entente avec la République de Pise en 1358. Ces traités, qui ont à l'ordinaire pour but de supprimer la piraterie dont souffre cruellement le commerce européen tant du Levant (Méditerranée) que du Ponent (Atlantique) (2), sont généralement déchirés tout aussitôt que conclus, d'où la nécessité de les refaire souventes fois. Lorsque les Chérifs Saadiens, après avoir, au milieu du xvie siècle, détrôné les Mérinides, ont à lutter, pour sauvegarder leur indépendance, contre les Turcs d'Alger, qui ont soumis à leur loi le reste du Maghreb, ils trouvent dans

(1) Littéralement : l'Extrême Occident, dénomination arabe du Maroc.

(2) V. sur ce sujet : de Castries, « Le Maroc d'autrefois et les corsaires de Salé », Revue des Deux-Mondes, 15 avril 1903, p. 823.

Rivière

1

leur intérêt le motif d'une alliance avec l'infidèle d'Espagne, alliance qui prépare le règne glorieux d'El Mansour, victorieux des Portugais à la bataille des Trois-Rois. Mais c'est le 3 septembre 1630 seulement, alors que leur puissance est à son déclin, qu'au lendemain d'un double échec du pavillon fleurdelisé contre le nid de pirates de Salé, ils signent avec l'Empereur de France » u traité de trève, que complètent l'année suivante, sur des négociations menées par le, chevalier de Razilly, ambassadeur du roi Louis XIII, deux traités de paix et d'alliance (17-24, septembre 1631) (1). Ceux-ci stipulent notamment l'établissement, dans les ports, de consuls français et inaugurent la juridiction consulaire. Ces dispositions sont confirmées par un nouvel accord conclu le 18 juillet 1635.

«

Il était réservé a la dynastie des sultans Alaouites, fondée en 1666, et qui règne aujourd'hui sur le Maroc, d'inaugurer l'ère des rapports suivis avec les rois très chrétiens. Grand admirateui de Louis XIV, prétendant malheureux à la main de la princesse de Conti, Moulay Ismael, qui voulut faire de Meknès un second Versailles, fut demandeur au traité d'amitié signé à Saint-Germain le 29 janvier 1682, qui mit fin au blocus des ports du Maroc, riposte de la France aux entreprises des pirates de Salé.

Après la période anarchique qui suivit le règne de Moulay Ismaël, l'un de ses successeurs, Moulay Mohamed, traita successivement de la paix avec l'Angleterre (1760 et 1765), la Suède (1763), l'Espagne et le Danemark (1767). Au cours de cette dernière année, le bombardement des ports de Larache et de Salé par les vaisseaux de l'amiral du Chaffaud fut le prélude d'un nouveau traité d'amitié avec la France (28 mai 1767) ayant, « pour base et fondement »>, celui de 1682, et qui, entre autres avantages, concédait à notre pays l'application du traitement de la nation la plus favorisée. Des conventions analogues furent conclues avec l'Espagne en 1767, 1780 et 1799.

Tous ces accords sont généralement taillés sur le même patron: promesse, de part et d'autre, de paix et d'amitié perpétuelle, octroi du libre exercice du culte et du libre exercice du commerce; rachat des captifs chrétiens et des prisonniers mores. Des présents sont échangés ils consistent, de la part de la France, en armes et en munitions, dont les sultans se servent, soit pour réprimer les révoltes incessantes de leurs fidèles sujets, soit contre les autres puissances chrétiennes avec lesquelles ils guerroyent, quand ce n'est pas, au lendemain même, contre ceux qui les leur ont fournies.

Nous voyons, toutefois, une innovation dans le traité de 1767, qui consacrait par ailleurs la représentation et la juridiction consulaire pour la première fois, la protection française est stipulée au profit de sujets marocains (art. 11). Le mot n'est pas prononcé, mais la chose résulte implicitement des termes employés.

Les relations diplomatiques entre la France et le Maroc au XIXe siècle débutent, sous les règnes de Louis XVIII et de Moulay-Abderraman, par la signature d'un acte additionnel au traité de 1767. Cet instrument, qui porte la date du 17 mai 1824, est relatif à la vente au Maroc des prises de guerre et à l'approvisionnement de nos vaisseaux. Il est complété, l'année

(1) Avant l'expédition menée contre Salé en 1830, le chevalier de Razilly avait, par trois fois, en 1619, en 1624 et en 1630, tenté de nouer des relations avec la cour de Marrakech (alors capitale du Maroc). Malgré l'appui qui leur avait été prêté par le cardinal de Richelieu, ces tentatives avaient échoué.

« PreviousContinue »