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remettait encore une somme de 200,000 francs au Ministre de l'intérieur, pour faciliter le retrait par leurs familles des enfants trouvés et abandonnés placés dans les divers hospices de France. Quelques jours après, il ordonnait la création, à ses frais, dans trois des quartiers les plus pauvres de Paris, de trois établissements de bains et lavoirs publics modèles.

En même temps, des décrets accordaient remise de la prison et de l'amende à tous les condamnés pour contraventions et pour simples délits. Les soldats et les matelots étaient relevés des punitions encourues par eux pour fautes contre la discipline; les déserteurs et insoumis des armées de terre et de mer voyaient s'étendre sur eux la même miséricorde. Pareille mesure était prise en matière de presse périodique et en matière d'imprimerie.

La clémence de l'Empereur ne s'arrêtait pas là. Elle allait chercher sur la terre d'exil ou derrière les verroux des prisons les condamnés politiques, et leur offrait à tous leur grâce, à une seule condition, bien légitime assurément, c'était de se soumettre à la volonté nationale, et de prendre l'engagement de respecter les lois à l'avenir. Cette offre généreuse a été acceptée par plusieurs. Parmi ceux qui n'ont pas cru devoir y répondre, beaucoup n'en ont pas moins ressenti les effets des bontés impériales. A l'heure qu'il est, seize cents condamnés politiques ont obtenu, depuis le 8 décembre 1852, remise entière ou commutation de leurs peines.

Cependant la transformation du Gouvernement appelait des conséquences nécessaires. D'abord, il importait de donner au nouvel Empereur les moyens d'entourer son autorité de l'éclat qu'elle doit avoir. C'est ce qu'a compris le Sénat, qui lui a voté une liste civile de vingt-cinq millions. Nos lecteurs connaissent maintenant assez Louis-Napoléon pour être sûrs que les pauvres profiteront de ce vote plus que luimême.

La Constitution du 14 janvier demandait de nombreuses

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modifications. Il fallait, en effet, élever le pouvoir à la hauteurdu nouveau titre. Ces changements, le Sénat lés a faits. Les deux plus importants sont : 1° celui relatif au vote du budget⠀ par le Corps Législatif; 2o celui qui concerne les traités de

commerce.

On avait reconnu, à la dernière session du Corps Législatif, l'inconvénient de faire voter le budget par chapitres. L'assemblée élective ne saurait être juge des besoins administratifs; ces besoins, le Gouvernement seul peut les apprécier. Elle a le droit de vérifier tout, de rejeter ou de voter des ensembles' de chiffres, mais non celui de pratiquer une inquisition tracassière sur les détails; autrement ce serait elle qui gouverne- ́ rait en réalité, et non le pouvoir exécutif. Or, sa mission, c'est de faire les lois et non de gouverner. Le Sénat a donc décidé' que le budget serait désormais présenté par chapitre, mais voté par Ministère,

D'après la Constitution, le Prince Président concluait les traités de commerce, mais ils étaient soumis à la ratification' de l'assemblée. Or, les traités de commerce sont bien de leur nature des actes d'administration, et, d'un autre côté, de quoi servait au Corps Législatif la faculté de les blâmer ou de les approuver? Jamais traité de ce genre, conclu par le Gouvernement français, n'a été repoussé par les Chambres. Le Sénat a encore décidé qu'à l'Empereur seul appartient le droit de' faire, avec les gouvernements étrangers, des conventions commerciales, sans que ces conventions aient à subir la discussion du Corps Législatif.

Pendant que le Sénat modifiait ainsi la Constitution, l'Empereur, de son côté, réformait quelques-unes des dispositions" du décret du 22 mars, celles qui concernent l'organisation du Corps Législatif. Aux termes de ce décret, les bureaux de l'assemblée n'étaient tirés au sort qu'une fois par session, et ils étaient présidés par le membre le plus âgé. Dorénavant ils seront tirés au sort tous les mois et nommeront leurs prés

dents. Le président du Corps Législatif dirigeait seul la rédaction des procès-verbaux des séances; désormais il partagera cette direction avec les présidents des bureaux. - Enfin, on se rappelle que, d'après le décret, tout amendement adopté par une Commission législative, pour pouvoir être proposé à l'assemblée, devait être accepté par le conseil d'État. Or, les amendements ainsi renvoyés au Conseil y arrivaient sans défenseur, car la Commission n'avait pas le droit d'aller plaider leur cause. A l'avenir, la Commission pourra charger de leur défense trois de ses membres.

Ces modifications prouvent qu'une liberté sage n'est pas incompatible avec l'Empire, et que le Gouvernement actuel sait au besoin faire au principe de discussion les concessions qui ne sont pas contraires à l'ordre et à la paix publique.

En même temps qu'il fortifiait de cette façon le droit d'amendement, l'Empereur, s'inspirant encore une fois des traditions de son oncle, instituait une commission de pétitions, qu'il composait d'un conseiller d'État, de deux maîtres de requêtes et de six auditeurs. Cette création témoignait une fois de plus du désir qu'il a de ne laisser aucun intérêt légitime en souffrance. La Commission des pétitions, dont le personnel offrira les garanties nécessaires d'impartialité et de bienveillance, sera une sorte de tribunal d'enquête où toute réclamation pourra se faire entendre, où tout grief pourra être exposé, tout abus dénoncé. Ce sera aussi un canal qui conduira la vérité jusqu'au Chef de l'État, lequel fera prompte et bonne justice.

L'Empire, on le comprend sans peine, n'était pas fait pour calmer les fureurs de l'esprit de parti. Vaincue dans le scrutin des 21 et 22 novembre, la passion politique recommençait contre le Gouvernement transformé sa guerre déloyale de bruits menteurs et de fausses nouvelles. Elle n'accusait plus Louis-Napoléon de nourrir des projets d'invasion, mais elle soutenait que l'établissement du régime nouveau était une

violation des traités de 1815, et, il y a quinze jours à peine, elle montrait encore à la frontière quatre cent mille hommes, Cosaques, Prussiens, Autrichiens, prêts à fondre sur nous. Cela était absurde, et voilà tout. Une invasion pour nous punir d'avoir changé la forme de notre Gouvernement, ce ne serait pas seulement une atteinte au droit le plus sacré d'un peuple, ce serait aussi, de la part des souverains d'Autriche, de Prusse et de Russie, un acte d'ingratitude et de folie. Comment donc auraient-ils oublié les dangers qui les menaçaient eux-mêmes il n'y a pas deux ans, les éléments de conflagration générale, les germes d'anarchie disséminés à cette époque sur tout le continent? Comment auraient-ils méconnu le service rendu le 2 décembre 1851, non-seulement à la France, mais à l'Europe entière? Mais les traités de 1815, disaient les `hommes de parti, sont entamés par le rétablissement de l'Empire! Il y a, en effet, dans un de ces traités, une clause qui exclut du trône de France Napoléon Ier et tous les membres de sa famille? Mais c'est l'esprit et non la lettre de ce document qu'il importe d'interroger. Est-ce donc aux personnes que les souverains coalisés en voulaient? Qui ne sait que la question personnelle sauvegardait ici un intérêt de dynastie et de territoire? Or, le nouvel Empereur a formellement déclaré qu'il n'entendait remanier en rien la carte du continent, qu'il voulait respecter les limites des différents États européens. Quel serait alors le motif d'une guerre étrangère? l'origine du Gouvernement actuel. Mais si cette origine était un crime aux yeux des souverains de Prusse, de Russie et d'Autriche, comment n'auraient-ils pas vu du même œil celle du Gouvernement de Juillet? Ils consentiraient aujourd'hui à se faire les Don Quichotte du principe légitimiste, et ils ne l'auraient pas voulu en 1830! C'était une inconséquence impossible.

Aussi les Gouvernements de Berlin, de Saint-Pétersbourg et de Vienne n'ont-ils jamais eu la pensée qu'on leur altribuait. Ils ont pu regretter il est vrai, de voir Louis-Napoléon,

prendre le nom de Napoléon III, mais ce regret n'a pas tardé à disparaitre devant la réflexion. On ne supprime pas les faits. La France n'a-t-elle pas eu, avant le chef du Gouvernement actuel, deux souverains du nom de Napoléon? D'abord Napoléon Ier, et, après l'abdication de celui-ci, après la bataille de Waterloo, son fils que proclamèrent les deux Chambres sous le nom de Napoléon II? Mais, objectera-t-on, le roi de Rome n'a pas régné en fait. Qu'importe? il a régné en droit, jusqu'au retour de Gand, cela suffit. Louis XVII n'a pas régné non plus, et cependant le comte de Lille, en ceignant la couronne, s'appela Louis XVIII.

Il est donc évident que Louis-Napoléon, en prenant place après son malheureux cousin, obéit à l'histoire et subit l'empire des faits. C'est ce que tout le monde a compris; et, à l'heure qu'il est, l'Europe entière, dans l'espace d'un mois, a reconnu la légitimité de son titre nouveau, l'Europe sans exception, depuis l'Empereur de Russie jusqu'au vicaire du Christ, depuis l'Angleterre, qui refusa de reconnaitre Napoléon Ier, jusqu'au Bourbon de Naples, parent du comte de Chambord.

Pendant que les partis cherchaient, par des mensonges sans cesse renouvelés, à répandre l'inquiétude et à affaiblir le pouvoir, la confiance générale dans l'avenir s'affermissait, et la prospérité publique faisait tous les jours des progrès. Dans un des précédents chapitres nous avons fait connaître la différence existante entre les revenus des impôts indirects pendant les six premiers mois de l'année écoulée, et ces mêmes revenus pendant les mois correspondants de l'année 1851. Nous avons vu que cette différence était de 25,837,000 francs au profit des six premiers mois de 1852.

Voici maintenant l'augmentation survenue dans les six derniers mois.

Juillet...

2,946,000 fr.

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