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traire aux intérêts du Trésor, des caisses d'épargne et du commerce. M. Fould, recherchant les motifs secrets du projet, les attribuait au désir de faire passer celui des travaux publics dont on voulait assurer les fonds, sur la réserve de l'amortissement. Il avait fallu, pour employer la réserve de l'amortissement à cette éventualité de travaux, faire disparaître 'une partie de la dette flottante. Dans l'état actuel des choses, et d'après la loi de 1855 qui avait reconstitué la caisse d'amortissement, les réserves provenant de rentes non rachetées au pair devaient être appliquées à diminuer la dette flottante; et, en échange des réserves versées au Trésor, il lui était donné des rentes. Le projet ministériel avait voulu changer ces dispositions. Mais la commission, en refusant d'employer ainsi la réserve, et en ouvrant au contraire des crédits en rentes pour les travaux publics, avait en effet renversé l'édifice de la loi nouvelle qui, n'ayant plus de but ni patent, ni caché, ne pouvait obtenir l'assentiment de la Chambre.

M. Humann, ancien ministre des finances, dont l'opinion éclairée par la pratique était d'un grand poids dans la question, se prononçait avec plus d'énergie. Le projet n'avait d'autre résultat à ses yeux que de conférer à l'administration de la caisse des dépôts et consignations une partie des attributions du ministre des finances et de substituer le grandlivre aux comptes courans; et, en analysant les opérations de cette caisse, il y trouvait toutes sortes d'inconvéniens pour l'intérêt des déposans, pour le crédit public et pour le Gouvernement lui-même.

« Supposez, disait-il, que de mauvais jours nous soient réservés, que la confiance faiblisse, que l'inquiétude s'empare des esprits; que fera la caisse des dépôts pour se mettre en mesure de rembourser les fonds d'épargne ? Elle vendra les rentes que le projet de loi lui attribue, et peut-être celles qu'on lui aura données en gage de ses avances. Et ces importantes opérations se feront sans la participation, sans l'assentiment, ou même contre le gré du ministre des finances! Il y a plus: si l'Etat était forcé, par les mêmes circonstances, de contracter des emprunts, il lui faudrait subir la concurrence indépendante et dommageable des administrateurs de la caisse des dépôts. « Ce n'est pas tout. Supposez que leurs opérations amènent de fâcheux

résultats, sur qui pésera la responsabilité? Sur le ministré des finances? Par le fait de l'adoption de la loi, vous l'aurez dégagé. Sur le directeur de la caisse des dépôts ? La commission de surveillance l'en affranchira. Ce systéme, vous le voyez, anéantit les garanties tutélaires de la responsabilité. Me dira-l-on que je suis appréhensif et trop peu confiant dans notre avenir ? La confiance, Messieurs, exclut-elle la sagesse? Un gouvernement comprend-il bien sa mission, quand, au lieu de prévenir les dangers, il les dédaigne et s'y expose? Et que sont donc les lois, en général, si ce n'est des précautions et des actes de prévoyance ? Le ministre fait une faute grave, on le reconnaîtra plus tard, de se dessaisir de la partie la plus importante de ses attributions, celle de gouverner seul, sans partage, sans entraves, sans concurrence, l'ensemble des opérations de crédit et de trésorerie. »>

Déjà M. Jacques Lefebvre avait répondu aux argumens de l'opposition, surtout en ce qui concerne les opérations financières du Trésor et de la caisse des dépôts et leurs rapports avec la banque de France; mais le ministre des finances (M. Duchâtel) ne crut pas devoir tarder å prendre lui-même la défense de son projet.

Il s'était élevé dans le cours de la discussion quelques doutes sur les intentions du ministère relativement à l'institution des caisses d'épargne et à la conversion des rentes. M. Duchâtel commençait par exprimer nettement ses opinions à ce double sujet, Il avait été l'un des premiers à propager dans toute la France les caisses d'épargne; et, quant à la conversion des rentes, il rappelait avoir déclaré formellement qu'aussitôt que les circonstances permettraient de l'entreprendre, il viendrait demander les moyens de l'exécuter.

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Entrant dans des détails sur la situation et les opérations du Trésor, le ministère rappelait et ajoutait aux motifs donnés dans l'exposé du projet de loi sur l'embarras et les graves inconvéniens qui résultaient pour l'Etat, pour le crédit public, pour le commerce et pour l'industrie, de la surabondance et de la stagnation des capitaux improductifs encaissés au Trésor, ne devait jamais recevoir de fonds que pour les rendre à la circulation.

Quant aux objections faites sur le placement et l'administration des fonds des caisses d'épargne à celle des dépôts et consignations, le ministre relevait ce que les reproches qui lui avaient été faits offraient de contradictoire. Il s'attachait

particulièrement à repousser l'idée que le ministère cût voulu se soustraire à toute responsabilité, à toute surveillance sur la gestion de la caisse des dépôts et consignations. Il ne dissimulait pas les difficultés et les dangers qui pourraient résulter d'une demande subite, extraordinaire de remboursemens......

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pas

« Vous n'avez pas paré à tous ces dangers, disait-il, vo secours des

délivré le Trésor de l'obligation qui pèserait sur lui de venir au
caisses d'épargne dans un moment de crise..... Le projet de loi, je le recon-
nais, a cet inconvénient de ne pas apporter un remède complet à l'état des
choses. La raison en est simple: c'est que vous ne pourriez apporter un re-
méde complet à ces inconvéniens qu'en enlevant aux caisses d'épargne les
avantages qui leur ont été donnés il y a deux
tenir, inconvéniens qui, du reste, avaient été fort exagés

nous

main

Maintenant, disait-il en terminant, jugez, si les objections sont fondées, s'il est vrai qu'il y ait abnégation de la part du ministre des finances, transport de l'autorité ministérielle dans un établissement indépendant. Jugez si

une

le projet mérite ces graves reproches, ou s'il n'est pas la préten nesure

de finances destinée à remédier à un mal réel,

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prévenir tout danger, mais qui aurait pour effet d'affaiblir les inconvéniens notables de l'état actuel des choses, sans décourager les caisses d'épargne doit hous sommes les plus zélés défenseurs, et dont nous serons toujours les plus sincères partisans, aggermunt ab enodrolar 29! qu2

M. Thiers, qui parut ensuite à la tribune, réduisait la quêstion à ces deux points: 'surabondance de fonds, et possibilité d'une crise' si 'on venait trop subitement demander le remboursement de tous les capitaux des caisses d'épargné, et, sous ces deux rapports, le projet ne résolvait pas pour lui les difficultes. Jika abomuq zool zugzott el 19baumos. Quant à la surabondance des fonds, il observait qu'indépendamment des 34 millions avancés par les rece1021 receveurs généle Trésor avait encore 90'Ligh: ns de bons royaux,

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il en concluait

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et

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le Trésor avait des besoins, puisque
bons royaux sont des effets à échéance fixe portant intérêt,
dont on ne se charge sans doute que par nécessité........ Dans le
cas d'une surabondance réelle, on pourrait réduire les avances
demaudées aux receveurs généraux et l'émission des bons
royaux; d'ailleurs on avait dans le courant de l'année des tra-
vaux publics annoncés qui feraient renaître la dette flottante.
Le plus grand inconvénient, qui était de payer 4 pour 100
d'intérêt,, se retrouvait toujours en fin de compte: puisqu'on

1

envoyait les fonds, sauf à les reprendre sous forme de bons royaux, à la caisse des consignations qui payait le même intérêt, il n'en résultait pour l'Etat aucun bénéfice. On éludait la difficulté, on ne la résolvait pas.

M. Thiers, s'attachant ensuite à démontrer qu'il serait impossible d'éviter une crise, quant aux caisses d'épargne, le jour d'une véritable détresse industrielle, en cas de suspension de travaux dans nos manufactures, le jour où les ouvriers viendraient demander le remboursement de la plus grande partie des fonds déposés, faisait observer que la caisse des dépôts et consignations, à qui l'on confiait leurs fonds, n'aurait pas d'autres moyens de satisfaire aux demandes de remboursement que d'aliéner ses rentes.

«Eh bien, dit M. Thiers, voici le danger qui m'émeut, et qui m'a fait prendre la parole dans l'intérêt du pays et de l'administration du Trésor. J'ai, pour mon compte, assisté, en 1850, à une des crises financières les plus graves que nous avons traversées, et nous avons été assez heureux pour la traverser sains et saufs. Eh bien ! si, à côté du Trésor, il avait existé, à cette époque. une autorité qui aurait pu un jour donner, vendre, un, deux, trois, quatre millions de rentes sans l'autorisation du ministre des finances, indépendamment de son pouvoir, on aurait pu précipiter la crise, et lui donner une gravité immense. Ma seconde et grave objection, c'est que le projet de loi n'évite pas une crise; la crise consisterait dans la possibilité d'une demande subite de remboursemens considérables. Or, cette crise, on ne l'évite pas; on la renvoie à la caisse des dépôts et consignations, on se repose entièrement sur elle du soin d'y faire face; on abandonne le gouvernement d'une partie de la crise à cette caisse, qui n'a pas de responsabilité générale et universelle, comme le ministre des finances, qui n'a qu'une responsabilité isolée, et qui n'aura qu'un mobile, celui de réaliser le plus tôt possible ses rentes et ses bons royaux pour fournir aux demandes de remboursement qui lui seront faites.

Ainsi, Messieurs, je résume en peu de mots toute la question, et je ne crois pas (je m'abuse peut-être) qu'il soit possible de répondre d'une manière, je ne dis pas spécieuse, mais solide, aux objections que voici : vous n'évitez pas la surabondance de fonds, car les fonds dont vous ne voulez pas, vous les renvoyez à la caisse des dépôts et consignations; vous n'évitez pas la perte des intérêts qui consiste à payer 4 pour cent. Quant à une crise possible, si des demandes de remboursement étaient trop subites, vous ne l'évitez pas davantage, car la caisse des consignations sera obligée de vendre ses rentes, et produira sa crise en les vendant, et vous, vous abandonnerez la possibilité d'aggraver la crise à une autorité qui ne relève pas de vous.

« Ainsi, je le répète, on n'a pas répondu aux deux difficultés; surabondance de fonds et crise commerciale. »

Il paraissait difficile de répondre à cette argumentation appuyée de chiffres; mais M. le ministre des finances l'entreprit, et non sans succès. Suivant son adversaire dans la division

de son discours, il démontra que l'encaisse de 50 millions, existant au Trésor, n'était pas disproportionnée à la masse de la dette flottante, laquelle était encore au 1er février de 347 millions. On pouvait, en effet, diminuer de quelques millions les avances des receveurs-généraux et la masse des bons royaux; mais on ne pouvait faire une forte réduction ni sur l'une ni sur l'autre ressource, sans détruire le mécanisme et le principe même de notre système financier, ou du moins de la trésorerie.

Quant à l'objection fondée sur ce que le projet de loi ne faisait que déplacer une dette dont le fardeau retomberait toujours sur l'Etat, le ministre répondait :

« Je trouve que l'argument n'est pas concluant. Nous avons, cela est vrai, 100 millions aux caisses d'épargne, nous en payons 4 pour cent ; nous donnerons en paiement des rentes 4 pour cent ; nous continuerons, pour cette somme, de payer un intérêt de 4 pour cent comme par le passé.

« Je ne le nie pas, je ne veux pas méconnaître des faits qui sont clairs comme le jour; mais j'ajoute lorsque les fonds des caisses d'épargne augmenteront, au lieu de peser sur le Trésor, qui paierait des intérêts sans pouvoir employer les fonds, ils seront placés sur la caisse des dépôts au soulagement du Trésor. Il ne s'agit pas là de remplacer une dette à 4 pour cent par une dette à un autre intérêt, mais simplement de ne pas supporter des inté rêts pour des stagnations de fonds inutiles, de ne pas laisser s'accroître une dette sans motif et sans profit.....

« Vous avez proposé, a-t-on ajouté, une loi de travaux publics; yous aurez des dépenses à faire qui seront imputées sur la dette flottante; c'est la marche naturelle des choses. Quand on veut faire des dépenses au-delà des revenus ordinaires, c'est par la dette flottante qu'on commence.

« L'orateur a oublié une considération décisive: c'est qu'à côté des fonds des caisses d'épargne, qui vont chaque jour grossissant, qui augmentent par conséquent la réserve du Trésor, il y a encore un autre élément de la dette flottante qui tend à l'augmenter. Cet élément, c'est la réserve de l'amortissement qui, chaque jour, verse plus de 150,000 fr. au Trésor. Nous ne pouvons refuser aucun de ces deux fonds. Eh bien, Messieurs, on aura là beaucoup plus qu'il ne faudrait pour fournir aux travaux publics. C'est ainsi qu'on a fait en 1833. A cette époque, les travaux publics ont été payés sur la dette flottante; mais les fonds en réserve de l'amortissement sont venus successivement réduire la dette flottante, et payer ainsi les travaux.

Passant à l'hypothèse des crises, le ministre, admettant la distinction faite entre les crises politiques, financières et industrielles, faisait remarquer que celle de 1850 avait été grave sous tous les rapports, et que pourtant les remboursemens demandés à cette époque aux caisses d'épargne n'

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