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«Le Gouvernement qu'elle s'est donné ne s'appuie pas sur le passé, mais sur l'avenir; il met sa gloire comme sa force à imprimer une impulsion de plus en plus rapide à tous les développemens de la civilisation. Chaque époque a sa destinée; la nôtre, toute pacifique, doit instruire, civiliser, enrichir. Les moyens sont simples des écoles pour toutes les classes, d'utiles travaux pour toutes les parties du territoire. Nous commençons à recueillir les fruits des efforts accomplis depuis quelques années. Des résultals plus heureux nous attendent, si nous savons marcher avec persévérance dans les mêmes voies et continuer avec une courageuse prévoyance de profitables sacrifices.

« Dans la seconde moitié de l'année qui vient de finir, nous ne voulons pas le dissimuler, un certain embarras s'est fait sentir sur toutes les grandes places commerçantes, l'argent est devenu plus rare. Nous vous citerons les faits avec détail, au sujet d'une question que nous serons bientôt amenés à traiter devant vous. Les causes de cette rareté sont étrangères à la situation de notre propre commerce; mais elle n'en a pas moins exercé de l'influence sur les affaires. Il en est résulté un peu de gêne pour les transactions, un peu de langueur et de stagnation pour l'industrie; mais cet état de choses, qui déjà commence à se dissiper, n'a rien qui puisse éveiller l'inquiétude; il commande des ménagemens et de la prudence; il ne doit pas inspirer de craintes. Le progrés, un moment suspendu, reprendra bientôt sa rapidité premiére. »

A la suite du budget de 1838, le ministre présentait deux projets qui tendaient, l'un à employer les fonds de réserve de l'amortissement à l'exécution de travaux publics extraordinaires, l'autre à charger la caisse des dépôts et consignations de recevoir et d'administrer les fonds que les caisses d'épargne et de prévoyance avaient jusqu'ici été admises à placer en compte courant au trésor public, capital qui s'élevait, au 31 décembre dernier,

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Le même ministre présentait encore, dans la même séance, un projet pour l'exploitation du sel minéral;

Un autre pour la réduction des droits sur les sucres provenant des colonies françaises, combiné de manière à prévenir la ruine dont elles étaient menacées par l'accroissement de la fabrication du sucre indigène. Le Gouvernement, après avoir long-temps discuté la question du dégrèvement des droits sur les sucres coloniaux et celle de l'impôt sur les sucres is digènes ou la combinaison des deux systèmes, s'était décidé pour

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le premier par la difficulté de percevoir l'impôt en France, et dans la persuasion que la réduction des droits sur les sucres coloniaux suffirait pour établir une concurrence utile à la consommation, sans être trop défavorable à la production coloniale ou indigène;

Et enfin un plan ou système général de pensions pour les fonctionnaires ou employés de l'Etat.

6 janvier. Deux jours après, M. le garde des sceaux, ministre de la justice (M. Persil), soumettait à la même Chambre plusieurs projets non moins importans dans l'ordre politique ou civil sur la responsabilité des ministres, sur l'organisation du conseil d'Etat, et pour l'extension de la compétence des juges de paix en matière civile.

Le ministre de l'intérieur y joignait d'autres propositions ayant pour objet, l'une d'assurer au Gouvernement le monopole des télégraphes, l'autre de réformer la législation ancienne, relativement aux mesures que la situation des aliénés réclame de l'autorité publique; projets dont l'importance témoignait la vive sollicitude du Gouvernement pour l'amélioration de l'organisation politique et judiciaire, mais dont la plupart ont été renvoyés, faute de temps, à la décision de la législation prochaine. Nous ne les annonçons ici que pour indiquer dans quelles dispositions le ministère du 6 septembre se présentait aux deux Chambres.

L'opinion publique était impatiente de l'y voir comparaître dans la discussion de l'adresse qui commença, comme de coutume, par la Chambre des pairs.

9 janvier. Le projet présenté au nom de la commission spéciale par M. le comte de Bastard, mais rédigé, dit-on, par M. Barthe, n'était, suivant l'usage de cette Chambre, qu'une paraphrase plus ou moins élégante et flatteuse du discours de la couronne.... Il félicitait le Gouvernement d'avoir su apporter dans toutes les branches de la législation les amélibrations réclamées par la raison publique, repousser les théories insensées et réprimer les attaques des factions. La

Chambre s'y montrait heureuse et fière d'avoir secondé par son loyal concours une politique conforme à ses convictions et anx intérêts du pays.

Le projet ne semblait pas devoir y trouver une opposition dangereuse à la sécurité du ministère; mais il y souleva pourtant des questions assez graves pour nous y arrêter.

M. le marquis de Dreux-Brézé condamna tout d'abord le système suivi à l'égard de l'Espagne par tous les ministères qui s'étaient succédé, comme se rattachant plus ou moins au traité de la quadruple alliance: il s'efforça d'établir que le traité de 1854 était contraire à la vraie politique de la France, qu'il tendait toujours à soutenir les idées et les principes révolutionnaires, et qu'il ne s'agissait en dernier ressort que de savoir le degré de développement qu'on leur accorderait. — Il n'avait eu d'autre effet jusqu'ici que de donner aux Anglais un nouveau Gibraltar dans le golfe de Gascogne et de les mettre en possession d'une forteresse dont les canons pouvaient être braqués sur nos vaisseaux.

« Mais ce ne sont pas les canons anglais envoyés à Saint-Sébastien et au Passage qui inquiétent le ministère, dit l'honorable pair; il se contente de voir la malheureuse légion étrangère en rase campagne, se battant pour les idées révolutionnaires qu'il s'efforce de contenir chez nous

a Qui ne comprend cependant combien il est dangereux pour la paix intérieure de la France de maintenir une sorte de fraternité de nation avec un peuple qui donne l'exemple de tous les démons, un peuple où les soldats dictent des lois à la pointe de leurs baïonnettes, où ils refusent d'obéir à leurs chefs, où les Cortès accomplissent le régicide dans leurs cœurs, en le plaçant dans leurs lois.

« Non, Messieurs, la France ne peut sans danger rester l'alliée d'un gouvernement qui, loin de hâter les progrés de la civilisation, tend à renouveler tous les excès qui la firent rétrograder parmi nous à une époque de douloureuse mémoire. »>

Signalant alors l'alliance avec l'Angleterre comme née de la révolution de juillet, alliance où l'intérêt de la France lui paraît avoir été sacrifié à l'intérêt révolutionnaire, M. de Dreux-Brézé n'en voit résulter des avantages que pour l'Angleterre, soit dans l'hypothèse du triomphe de la cause d'lsabelle II, soit dans celle du triomphe de la légitimité et du

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droit. - Là, comme en Portugal, l'Angleterre doit recueillir tous les fruits d'une politique désastreuse pour la France.

Après cette accusation contre le système suivi par le ministre dans les affaires de la Péninsule, M. de Dreux-Brézé déplorait celui qu'il suivait à l'intérieur, et la destruction des monumens qui devaient être consacrés sur la place de l'ancien Opéra et sur celle de la Concorde à la mémoire du duc de Berri et de Louis XVI, et il gémissait de voir élever sur la place de la Bastille une colonne triomphale où devaient être gravés «< ces mots, hélas! trop clairs, disait-il, pour les po«< pulations souffrantes qui habitent cette partie de la grande «< cité, » 14 juillet 1789-29 juillet 1850, et il conjurait les ministres d'abandonner une politique « qui semble jeter un <«< imprudent défi aux idées de révolte et d'anarchie, de sortir << enfin des ambiguités et des contradictions dans lesquelles se « déconcerte et s'enivre l'opinion publique. »

Abordant ensuite les affaires d'Afrique, l'honorable pair s'affligeait de leur triste situation et du mauvais succès de l'expédition de Constantine, entreprise trop tardivement et avec des moyens sans proportion avec le but qu'on se proposait, et il demandait pourquoi on avait attendu six mois pour compléter la conquête de la régence, et comment on avait laissé aux indigènes le temps de se fortifier dans une position devenue aussi redoutable.....

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Enfin, après avoir rappelé que la Restauration avait su braver la malveillance de l'Angleterre contre l'occupation et la colonisation d'Alger par la France, M. de Dreux-Brézé voulait qu'on la forçât à s'expliquer sur cette question et sur l'établissement des forces anglaises à Saint-Sébastien et au Passage, et que le ministre lui-même donnât des explications sur les causes qui avaient amené un changement de cabinet: il lui demandait si ce changement apporterait une modification dans la politique extérieure, ou s'il se maintiendrait dans la ligne équivoque adoptée jusqu'à présent; s'il y avait eu coopération ou non dans la tentative contre-révolutionnaire

du Portugal, et si le Gouvernement avait obtenu du cabinet de Saint-James l'assurance que Saint-Sébastien et le Passage seraient évacués après la pacification de la Péninsule.

M. le président du Conseil (le comte Molé), prenant alors la parole, sans s'attacher à suivre l'orateur dans ses digressions, lui répondit d'abord « que la politique de la France << n'avait pas changé, que les ministres actuels étaient les «< continuateurs de la politique des cabinets du 11 octobre et « du 22 février, jusqu'aux événemens et aux circonstances << qui avaient amené la fin de leur existence. »>

Entrant alors dans l'examen du traité de la quadruple alliance, le ministre démontrait que les deux principales puissances, la France et l'Angleterre, avaient concouru à son exécution, chacune dans la mesure et avec les moyens convenus, l'une en fermant sa frontière et empêchant de tout son pouvoir qu'on n'envoyât aucun secours au prétendant, l'autre au moyen de ses forces navales..

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«La différence des deux coopérations, dit M. le comte Molé, ne s'explique-t-elle pas par la nature même des deux pays? La France a considéré qu'il n'était pas de sa prudence de s'engager d'avance à une coopération plus active, parce qu'elle n'était pas certaine de pouvoir s'arrêter dans cette carrière, et devait craindre les conséquences incalculables où elle pourrait être entraînée. L'Angleterre, au contraire, en promettant le concours de ses vaisseaux, sait bien qu'elle les promènera à son gré, qu'elle les rappellera quand bon lui semblera, enfin qu'elle restreindra ou étendra leur action selon sa prudence et sa volonté.

«Toutefois, la France pouvait coopérer davantage après avoir de nouveau consulté ses alliés. Cette éventualité prévue par l'art. 4, on a cherché à l'accomplir; une fois la France, une fois l'Angleterre a pris l'initiative à cé sujet. La France, sous le ministère du 11 octobre, a consulté l'Angleterre pour savoir si le moment était venu de ccopérer davantage. L'Angleterre a répondu négativement.

« Plus tard, sous le cabinet du 22 février, à la fin de mars 1856, l'Angleterre propose à la France, non pas l'intervention, mais l'occupation par la France de plusieurs points importans, en un mot, une large coopération. Ici se trouve la réponse à une des questions qui m'ont été faites. Parmi les points qu'elle nous propose d'occuper se trouve le Passage. Le cabinet du 22 février délibére, et il répond catégoriquement que, dans l'état actuel de P'Espagne, it ne peut que se refuser à toute coopération armée dans la Pêninsule. Quant à l'intervention, il déclare qu'elle entraînerait pour la France des conséquences incalculables, dont il ne saurait accepter l'immense respon*sabilité. Réponse d'autant plus absolue, que l'Angleterre avait laissé au cabinet français le soin de déterminer les limites de la coopération, de l'étendre ou de la restreindre autant qu'il le voudrait. Notre cabinet ajoute que, si à d'autres époques une coopération de cette nature avait pu être utile, dans

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