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Chambres du 1er au 15 avril. composition du ministère.

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- Embarras, intrigues des partis. — ReProfession de foi. Annonce du mariage

du duc d'Orléans. - Retrait de lois d'apanage, de déportation et de non révélation. Affaires d'Afrique. - Crédits supplémentaires accordés. — Adoption de crédits pour le mariage du duc d'Orléans et la dot de la reine des Belges.

La monarchie de juillet avait eu depuis sept années bien des jours d'angoisses et de douleurs; mais jamais peut-être elle n'avait eu plus de difficultés à résoudre, plus d'embarras à démêler, plus d'intrigues à déjouer et plus d'inimitiés à yainere qu'à l'époque où nous sommes arrivés. Elle avait triomphé des dispositions malveillantes des restes de la Sainte-Alliance et des émeutes et des conspirations de la propagande républicaine; elle avait échappé aux poignards et aux machines infernales; elle avait vaincu ses ennemis à ciel ouvert; mais elle ne remportait pas de victoire qui ne lui fit de nouveaux ennemis et de nouveaux embarras. Elle avait essayé de huit à dix ministères, élargi sans mesure la carrière gouvernementale et les choix qu'elle avait à faire n'en paraissaient ni plus faciles ni plus heureux...

Déjà la formation du cabinet du 6 septembre, après la retraite de M. Thiers, avait souffert d'extrêmes difficultés. M. Molé, avec la haute considération qui s'attachait à son nom, à ses antécédens pour la direction des affaires étrangères; M. Guizot, avec son influence parlementaire; M. Duchâtel, avec l'ascendant de ses talens financiers, formaient assurément un faisceau de capacités incontestables. Mais ces

capacités pouvaient-elles balancer la défection du tiers-parti qui devait suivre la retraite de M. Thiers? Le cabinet du 6 septembre voulait, dit-on, reprendre le système du 13 mars, modifier les lois de septembre; mais il n'avait compté ni avec ses anciens amis, ni avec la fortune, ni avec lui-même.

Nous ne voulons pas revenir sur cette déplorable affaire de Strasbourg, qui ne laissait peut-être même dans sa non-réussite que le choix d'une faute ou d'un mauvais parti. Il nous suffit d'observer qu'elle donna sans doute lieu à cette malheureuse combinaison de lois que le ministère se crut obligé de présenter à l'ouverture de la session, comme des préservatifs ou des garanties nécessaires, indispensables pour le salut du monarque et du trône.

Un de ces projets remettait en vigueur les dispositions du Code pénal de 1810, abrogées par la loi du 28 avril 1832, qui punissaient de la réclusion la non-révélation, mais seulement lorsqu'il s'agirait de complots formés ou de crimes projetés contre la vie ou la personne du roi.

Un autre portait qu'il serait établi à l'Ile-Bourbon une prison destinée, conformément à l'art. 2 de la loi du 9 septembre 1835, à recevoir les individus condamnés à la déportation, qui, aux termes des arrêts de condamnation, devront subir la peine de la détention hors du territoire continental du royaume. A ces lois sévères on en accolait d'autres de dotation ou d'apanage en biens fonds pour les membres de la famille royale.

On vient de voir que la première de ces lois, celle de la disjonction, avait été repoussée par une majorité bien faible, il est vrai, mais par un parti où était toute la vitalité de la représentation nationale : les autres, mal accueillies dans les bureaux et flétries dans l'opinion publique, étaient menacées du même sort.

On ne croyait pas que le ministère, déjà ébranlé par des dissentimens intérieurs, pût survivre à l'échec du 7 mars. En vain ses écrivains essayaient de donner le change à l'opinion,

en disant qu'il n'avait point regardé cette loi comme une question de cabinet, cette loi sans laquelle il disait tout à l'heure qu'il ne pouvait répondre ni de la discipline de l'armée ni du salut de l'Etat, et, cette loi perdue, il craignait d'aborder la discussion des autres.

Chaque jour, depuis cette défaite, était marqué par des attaques nouvelles dans les journaux; alors aussi se propageaient les bruits les plus alarmans sur les effets de la loi qui avait fait verser les fonds des caisses d'épargne dans celle des dépôts et consignations, où les ouvriers et les domestiques se pressaient d'aller redemander le fruit de six ans d'économies (1). Alors parut un pamphlet de M. de Cormenin, qui, en attaquant l'apanage proposé pour M. le duc de Nemours, en biens fonds, d'un produit d'environ 500,000 fr. (2), en prenait occasion pour verser à pleines mains la dérision et l'injure sur la famille royale, dont il exagérait d'ailleurs les revenus pamphlet plus dangereux que n'eût été l'attaque la plus violente à la tribune législative, où la cause royale eût du moins trouvé des défenseurs, que les partis eussent été forcés d'entendre.

Vainement le président du Conseil avait, en présentant ce

(1) Les demandes de remboursement s'élevérent, en deux jours, du 15 au 16, à plus de 1,500,000 fr. (Voy. chap. III, p. 107.)

(2) Voici quel était ce projet présenté le 23 janvier :

Art. 1er. « Les château, maisons, bâtimens, terres, prés, étangs, corps de fermes, bois et forêts composant le domaine de Rambouillet, et les forêts de Sénonches, de Châteauneuf et de Montécant, tels qu'ils se poursuivent et comportent aujourd'hui entre les mains de l'Etat, sont attribués à S. A. R. le duc de Nemours, pour en jouir lui et ses descendans en ligne directe, de mâle en måle, et par ordre de primogéniture, à titre d'apanage. Art. 2. « Dans le cas d'avènement à la couronne ou d'extinction de la descendance mâle de S. A. R. le duc de Nemours, les biens composant l'apanage de ce prince feront retour ou domaine de l'Etat. »>

Disposition transitoire.

«S. A. R. le duc de Nemours jouira de son apanage à partir du 1er janvier 1837.»>

projet (23 janvier), exposé les motifs de convenance politique et sociale qui devaient engager les Chambres à ne pas différer plus long-temps d'assurer au duc de Nemours un revenu indépendant. Vainement avait-il invoqué l'opinion du géneral Foy qui soutenait, dans une discussion, en 1823, que, dans notre état social, il était mieux de faire les apanages des princes en biens fonds que de les constituer en rentes; raisonnement que l'opposition de 1837 n'admettait que dans les conditions de la Restauration. En vain M. Molé ajoutait-il que c'était donner aux princes le moyen de concourir, comme les autres citoyens, et plus utilement encore, aux progrès de l'agriculture, des arts et de l'industrie, en participant comme eux au sentiment de la propriété et aux charges publiques. Inutilement faisait-on valoir d'ailleurs des raisons tirées de ce que l'établissement de la monarchie entraînait nécessairement l'entretien des princes placés auprès du trône. Ces raisons touchaient peu les classes envieuses de tout ce qui s'élève audessus d'elles, ou les partis hostiles au ministère, et même au trône de juillet, et qui voyaient en tout occasion et moyen de les renverser.

Tant de sujets délicats, livrés à la polémique des journaux et des pamphlets, absorbaient l'attention d'un public avide d'émotions et de nouveautés, de manière à le distraire, à le rendre fort indifférent aux débats de la tribune étrangers à la querelle ou aux passions du jour.

Ainsi, le 1er avril, à l'occasion d'une demande de crédits supplémentaires pour l'Afrique, sujet où devait intervenir le maréchal Clausel pour défendre sa conduite inculpée par une dénonciation envoyée de Tlemcen, un député s'étant plaint de ce que les pièces relatives aux crédits demandés n'avaient pas été remises à la commission, MM. Odilon Barrot et Mauguin interpellèrent vivement le ministère, et demandèrent l'ajournement de la discussion, d'abord parce que les pièces promises n'avaient pas été déposées, ensuite parce qu'il n'y avait pas aujourd'hui, selon eux, de ministère constitué,

capable de soutenir une discussion sérieuse et de répondre aux argumens de l'opposition.

Au fond, ce n'était ni par générosité ou par scrupule de l'opposition, ni pour donner à la discussion des affaires d'Afrique plus de solennité, qu'on voulait la retarder : c'était pour forcer le ministère à s'expliquer, sans doute aussi pour augmenter ses embarras et trouver une occasion de l'accuser des préoccupations de la Chambre.

Le ministère assura, par l'organe de M. Guizot, qu'il existait toujours, et qu'il était forcé à répondre à tout, à discuter tous les projets présentés; il fit remettre à la Chambre les pièces demandées. Mais la discussion des affaires d'Alger n'en fut pas moins ajournée, et lui-même n'en parut que plus occupé des siennes.

Il faudrait remonter bien au-delà de la crise actuelle pour faire apprécier les difficultés et les obstacles même que la couronne trouvait à recomposer le ministère.

C'est un grave inconvénient attaché à la nature d'un Gouvernement représentatif, que les divisions qui viennent à s'y élever entre les notabilités ministérielles dégénèrent trop souvent de manière à les rendre irréconciliables, jusqu'au moment où le sentiment d'un grand danger commun vient à les rapprocher sur les bords de l'abîme.

Ainsi, depuis la séparation fatale de M. Thiers et de M. Guizot, lors de la dissolution du cabinet du 11 octobre, leurs dissentimens s'étaient aigris au point de les faire regarder, quelque soin qu'ils prissent de le dissimuler, comme les chefs d'une politique si opposée qu'ils ne pouvaient plus siéger ensemble au Conseil; que le rappel de l'un était regardé comme la conséquence forcée de la retraite de l'autre, et que la nécessité de subir leur influence alternative devait en faire tour à tour les dominateurs, ou du moins les arbitres du système à suivre, ce qui ne pouvait manquer de restreindre et d'embarrasser les choix de la couronne.

Déjà la formation du cabinet du 6 septembre, opérée par

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