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il signalait les projets de lois de disjonction et de non-révélation comme des actes malheureux, qui soulevaient des questions irritantes et qui ne pouvaient rien pour préserver la vie du

roi...

En examinant l'état actuel du pays, M. Thiers ne pensait pas qu'il y eût maintenant à se pourvoir contre les dangers matériels, contre l'attaque de vive force, mais bien contre les élections prochaines. Le Gouvernement avait vaincu les attaques matérielles, « mais ce qu'il n'a pas fait, disait-il, c'est de conquérir et de garder l'opinion publique. »

Arrivé à la fin de son discours, M. Thiers répondant à ce que M. Guizot avait dit des inquiétudes que le pays manifestait, lorsque le Gouvernement semblait rechercher l'appui ou les ménagemens de l'opposition, et voyant dans cette observation une allusion claire à la politique du 22 février, demandait si l'autre tendance politique (celle du 6 septembre) n'inspirait pas aussi certaines inquiétudes; et la preuve qu'elle se défiait aussi d'elle-même, c'est qu'à plusieurs époques cette politique, craignant de se produire dans toute son homogénéité, avait cherché à devenir politique de coalition.

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« Qu'il me soit permis, dit M. Thiers en terminant, de lui rappeler que pendant tout le 11 octobre elle a cru qu'il lui importait de n'être pas seale; qu'au 6 septembre, elle a cru devoir rompre son homogénéité en s'adressant à M. le comte Molé; qu'après le rejet de la loi de disjonction, elle n'a pas voulu se produire dans son homogénéité, car elle m'a fait l'honneur, dont j'ai été touché, que j'ai reçu d'un ancien collègue comme je le devais, elle m'a fait l'honneur de vouloir, avec l'aide de ma personne, devenir encore politique de coalition. Après moi, elle s'est encore adressée à d'autres, et ce n'est qu'à la fin de la crise qu'elle a consenti à se produire elle-même et toute seule. Et j'ajouterais que les inquiétudes, que dans sa sincérité, mais aussi dans son ardeur, elle inspire peut-être au pays, peuvent être assez haut partagées, car nous avons, au lieu du cabinet de M. Guizot, le cabinet du 15 avril. (Rires approbatifs aux extrémités.)

« J'ajouterai que si elle m'a reproché les ménagemens que la politique du 22 février avait obtenus de l'honorable M. Odilon Barrot, elle a obtenu hier de l'opposition plus que des ménagemens, mais des voeux. M. Barrot lui a adressé un mot, à mon avis, bien grave. M. Barrot lui a dit : Je vous souhaite. (Nouvelle hilarité.)

« Et bien! non pas par des motifs personnels, car si l'ambition était chez moi supérieure aux convictions, je serais aujourd'hui ministre ; mais, dans la profonde conviction que je sers bien mon pays, je lui dis: Moi, je ne vous souhaite pas, et à cause de cela je donne ma boule blanche au ca

binet du 15 avril. (Mouvement d'adhésion.) Je dis enfin à cette politiqué qu'elle n'a plus son à-propos; elle l'a eu dans nos jours de danger, elle l'aurait tout au plus si l'émeute venait le lui rendre.

« Aujourd'hui, comme heureusement il n'est donné à personne de faire renaître ces dangers, je dis que cet à-propos elle ne l'a plus; non pas que dans cette Chambre, il y ait de l'exclusion pour les personnes, non : les personnes peuvent venir, elles auraient peut être la majorité, mais je n'ajoute qu'un mot, les personnes sans les choses. >>

Après ce discours, qui achevait de révéler les causes de la crise ministérielle, et qui, tout modéré qu'il était dans ses expressions, reproduisait à peu près toutes les imputations faites par l'opposition contre le parti doctrinaire, et qui pourtant ne faisait pas perdre l'espérance de revoir bientôt un ministère de conciliation, i ne restait plus qu'à voter sur le complément des dépenses secrètes de l'exercice 1857 (car l'amendement de M. de Vatry, n'étant pas appuyé, était comme non avenu); et, sur 362 votans dont l'appel nominal constata Ja présence, l'allocation intégrale fut adoptée par 250 voix contre 112; majorité imposante, où le ministère dut voir un triomphe dont M. Odilon Barrot avait d'avance averti et consolé l'opposition ...

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8 mai. Un acte de la puissance royale qui, rendu quelques jours plus tôt, aurait peut-être abrégé la discussion des fonds secrets; cette amnistie, que tous les orateurs de l'opposition avaient invoquée dans leurs discours, et que les minist s'étaient pas crus autorisés à faire espérer, fut accorde un rapport de M. le garde des sceaux. Sa Majesté n'avait lait voulu, disait-il, qu'à la veille d'un événement qui comb ses vœux, consolidait sa dynastie, confirmait les espéranc et la sécurité du pays, à la veille du mariage de son fils, a moment où toute la France allait se réjouir, des malheureu continuassent à gémir dans les prisons politiques; ses vives instances avaient enfin décidé une mesure que la politique ministérielle avait long-temps jugée impraticable. » Une amnistie était accordée à tous les individus actuellement détenu. dans les prisons de l'Etat par suite de condamnations prononcées pour crimes et délits politiques, en maintenant toute

fois la mise en surveillance à l'égard des condamnés à des peines afflictives ou infamantes. La même ordonnance commuait en dix ans de bannissement la peine capitale prononcée par la Cour des pairs contre l'assassin du 27 décembre. (Ordonnance du 8 mai.)ce paddarni q

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Cette fois encore, il est triste de le dire, on vit l'obstination repousser lé repentir, et se ráidir de nouveau contre la clémencé. Mais l'amnistic n'en fut pas moins accueillie par la reconnaissance publique, et, dans les deux Chambres, comme un gage de paix et de rapprochement de tous les Français.

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12 mai. A la Chambre des pairs, où la loi des fonds secrets venait d'être portée, l'honorable rapporteur de la commission chargée de l'examiner (M. Gautier); regardant l'amnistie comme la manifestation d'un système autre que celui du ministère précédent, y voyait le motif principal de la confiance et de l'approbation que la Chambre devait donner à la politique et à la demande du cabinet nouveau.

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23-27 mai. Ce rapport donna lieu à quelques observations de M. de Gasparin, qui entreprit de justifier le ministère dont il avait fait partie, des reproches qui venaient de lui être adressés

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On nous reproche, dit M. de Gasparin, d'avoir persévéré dans une politique qui, dit-on, a fait son temps! Messieurs, ne nous bâtons pas trop de mettre au rebut les principes qui nous ont sauvés; ne disons pas si vite que tout est fini; et quand bien même tout serait fini, ne répudions pas les paix, les

nobles venirs de nos en rejetant comme impropres à protéger la

fait vainere pendant la guerre. (Très bien !).

« Mou rôle serait trop facile, en vérité, si je cherchais à justifier devant vous le systéme dont on proclame le terme. Ce système, c'est le vôtre; le tort u'on nous reproche, il vous appartient; c'est vous qui avez prêté à la polide résistance, à la politique de répression légale l'appui le plus éner

Pt le plus décisif; c'est vous qui avez voulu qu'il n'y eût pas impunité

ique

our la révolte, et la révolte est venue se briser devant votre tribunal. Ces esécautions législatives, dont l'honorable rapporteur vous a dit que leur cessité n'était pas assez justifiée, vous, Messieurs, vous les avez jugées né19ssaires. Les deux Chambres, ces représentans légaux de la France, qui sont our nous du moins la seule et véritable expression de l'opinion publique, les ux Chambres ont approuvé solennellement la politique que je défends Ijourd'hui. »

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Relativement aux projets de lois présentés par le cabine Ann. hist. pour 1837.

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du 6 septembre, M. de Gasparin faisait observer que le nouveau ministère ne les avait pas retirés; et, au sujet de l'ordonnance d'amnistie, il répondait que celui dont il faisait partie, avait accueilli dans les limites d'une politique ferme et prévoyante, des mesures de clémence et de générosité.

« D'ailleurs, dit l'ex-ministre en terminant, je ne puis, je ne dois, je ne veux pas croire que la proclamation de l'amnistie implique, comme l'a déclaré l'honorable rapporteur de votre commission, l'abandon de la politique suivie depuis 1830. J'en ai pour gage les déclarations solennelles que MM. les ministres ont faites à cette tribune et dans une autre enceinte. J'ai la plus entière confiance en leur loyauté, et je ne doute pas qu'ils ne s'empressent de répudier un éloge qu'ils ne voudront jamais mériter. >>

A cette justification de l'ancien cabinet, M. le président du Conseil répondit, comme il avait déjà eu occasion de le faire devant l'autre Chambre, qu'il ne répudiait, qu'il ne désavouait aucun des actes du 6 septembre. Quant à l'amnistie, c'était de sa part une conviction profonde que cette mesure était dans l'avenir du pays, qu'elle était nécessaire, indispensable pour terminer notre révolution, pour clore l'ère déjà trop prolongée de nos dissensions civiles; qu'il ne s'agissait, en un mot, que de saisir l'opportunité. Il était entré aux affaires le 6 septembre, avec la ferme volonté de la proposer au roi, quand le moment en serait venu, et de se retirer, si elle n'était pas accordée.

Enfin, quant aux demandes répétées tant de fois sur la question de savoir s'il entendait suivre la politique des sept années précédentes, M. Molé répondait que le cabinet du 13 avril continuerait du passé ce qui lui paraîtrait approprié au présent. Il ne pouvait se dissimuler que de mauvaises passions fermentaient encore au sein de la société ; et, comme il y avait nécessité de redoubler de surveillance, il insistait sur l'allocation des fonds secrets que ie ministère précédent avait demandée et qui fut accordée, presque sans discussion, à la majorité de 85 voix sur 98 votans.

CHAPITRE VII.

Suite des travaux de la session législative.

Question des sucres.

Objets divers.

Après les vives émotions des débats auxquels on vient d'assister, l'attention publique, fatiguée des discussions parlementaires, ne paraissait plus s'inquiéter de ce que deviendraient les projets de lois de non révélation et de déportation, et les deux Chambres poursuivirent, dans la solitude et dans l'indifférence des partis, des travaux dont il faut néanmoins rappeler les plus importans.

3 mai. La Chambre des pairs, après l'adoption des crédits supplémentaires accordés pour les lacunes des routes royales et pour les travaux d'amélioration de divers ports, s'occupa d'un projet de loi relatif aux faillites et banqueroutes contenant des modifications au Code de commerce. Il fut voté le 10 mai; mais il eut le sort de plusieurs autres non moins importans, que le ministère du 6 septembre avait présentés en masse au commencement de la session. Il ne fut point soumis à l'autre Chambre.

De ce nombre étaient deux projets présentés le 25 janvier, et rapportés le 10 avril, qui devaient être discutés ensemble, comme formant le Code d'organisation de la haute Cour judiciaire.

Le premier, concernant sa compétence, ne consistait qu'en trois articles portant définition des attentats déférés et des personnes qui pourraient être traduites devant elle.

La discussion ouverte se prolongea principalement sur la question de savoir si l'on devait ajouter à sa compétence obli

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