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devant amener, dans un temps plus ou moins éloigné, la ruine des colonies et de la marine, la loi proposée, défendue par MM. de Morogues, Thenard, de Saint-Criq, d'Argout, rapporteur, et par M. le ministre des finances, fut adoptée (11 juillet) par 80 voix contre 58, minorité remarquable pour cette Chambre, qui ne parut céder qu'à la nécessité et à l'impuissance où elle se trouvait d'y faire des amendemeus qu'on ne pouvait plus reporter à l'autre Chambre.

Ainsi passa cette loi qui, dans la vérité, ne contentait personne et ne répondait complétement qu'aux besoins du Trésor.

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Le prince royal, duc d'Orléans, était arrivé à un âge où il ne pouvait, comme héritier du trône, tarder à faire une alliance généralement désirée, dans l'intérêt de la France et de la dynastie de juillet. Des négociations que les circonstances politiques rendaient difficiles et délicates, entamées par le président du Conseil du 6 septembre et suivies, sous sa direction, par le ministre de France à Berlin (M. Bresson), avaient fixé le choix du prince, avec l'agrément du roi, sur la princesse Hélène-Louise-Elisabeth, fille de Frédéric-Louis, grand-duc de Mecklembourg-Schwerin, née le 24 janvier 1814, issue de la plus ancienne maison régnante de l'Allemagne alliée de toutes les familles souveraines et moins brillante encore de l'illustration de sa race que des qualités qui devaient la rendre chère à la France, comme elle l'était à sa famille.

La princesse était de la communion luthérienne; mais la différence de religion qui eût fait obstacle à cette alliance, en d'autres temps, offrait à la dynastie nouvelle une occasion de donner un grand exemple de tolérance religieuse, et l'opinion publique y vit une garantie de son respect pour la liberté des cultes.

La demande faite au grand duc régnant par un ambassadeur spécial (M. le duc de Broglie) étant acceptée et le mariage annoncé (comme on l'a vu, pag. 167) aux deux Chambres

tout se disposa pour la célébration de cette grande alliance.

Alors eurent lieu de nombreuses promotions dans l'ordre civil et militaire, promotions entre lesquelles il faut signaler, comme une création politique, celle de M. le baron Pasquier, président de la Chambre des pairs, à la digaité de chancelier de France (ordonnance du 27 mai), et dans la Légiond'Honneur dont le grand cordon fut donné à M. Dupin, président de la Chambre des députés.

En même temps que la générosité royale faisait une large distribution de dignités, d'emplois et d'honneurs, elle rendait à la France et à leurs familles des enfans égarés (ordonnance d'amnistie du 8 mai), et le prince royal annonçait le bonheur de son avenir au peuple par des actes de bienfaisance qui s'étendaient à toutes les classes: il fondait des bourses à l'école royale de Saint-Cyr pour des enfans de militaires; il faisait porter des secours et remettre des livrets de caisses d'épargne à de pauvres ouvriers de différentes villes; bienfaits dont la somme s'est élevée à plus de 370,000 fr. De son côté, la ville de Paris ouvrait les fêtes qu'elle devait donner en dotant des filles pauvres; elle s'associait, par des actes de bienfaisance, aux joies de la famille royale.

La princesse Hélène, partie de Lwidsglust, résidence de l'auguste famille dont elle emportait les regrets, accompagnée de la grande duchesse douairière Auguste-Frédérique, à qui le grand duc régnant avait remis ses pouvoirs, avait pris sa route par Berlin, où elle reçut, avec les honneurs dus à son rang, de la part du vieux monarque, les témoignages du plus tendre intérêt. Partout les autorités et les troupes prussiennes lui rendirent les mêmes honneurs jusqu'à la frontière française, où l'attendaient des scènes plus grandes et plus touchantes pour elle.

De Forbach, où elle mit pied sur la terre de France, le 24 mai, jusqu'à Fontainebleau, où le mariage devait être célébré, le voyage de la jeune princesse fut une sorte de marche triomphale, une suite de fêtes civiles et militaires,

un concert incessant de complimens, de vœux et d'acclamations répétées des autorités et des populations empressées de se trouver sur son passage, témoignages d'affection et de respect dont elle parut vivement pénétrée, et auxquels elle répondit par des bienfaits et des paroles plus généreuses encore que ses bienfaits. Le prince royal, qui était allé, sous le voile de l'incognito, lui présenter ses premiers hommages à Châlons-sur-Marne, put jouir de l'accueil populaire qu'elle recevait et en rapporter l'heureuse nouvelle à Fontainebleau.

Déjà s'étaient rendus dans cette résidence, théâtre de tant de grands événemens, les membres de la famille royale, le roi et la reine des Belges arrivés à quelques jours de distance pour assister au mariage.

Le roi avait voulu que tous les pouvoirs de l'Etat, que les Chambres, la justice, l'armée, la garde nationale, l'industrie, toutes les illustrations, toutes les grandes influences, tous les services rendus à la monarchie de juillet fussent au moins représentés au mariage du prince royal. Aussi voyait-on réunies dans la galerie de François Ier, au moment de l'arrivée des princesses de Mecklembourg, presque toutes les célébrités civiles et militaires de la France (1).

29 mai. A sept heures, la voiture de la princesse, escortée par les écuyers du roi, annoncée par les acclamations de la multitude, par le bruit des tambours et de la musique et des cris de vive le roi! ayant dépassé la grille, le duc d'Orléans et le duc de Nemours allèrent recevoir les princesses an bas de l'escalier. Le roi, qui les attendait sur le haut du balcon, ayant fait quelques pas au-devant de la princesse Hélène, la relevant comme elle se baissait pour lui baiser la main, l'embrassa avec une émotion qui parut pénétrer dans tous les

(1) Des écrivains de l'opposition ont remarqué qu'il ne s'y trouvait d'autres ministres étrangers que le baron de Werther, ministre de Prusse; M. Weylaud, chargé d'affaires de Mecklembourg-Strélitz, et le comte Lehon, ministre de Belgique.

cœars... Présentée ensuite aux membres de la famille royale, elle en fut accueillie avec un empressement qui renouvelait l'émotion religieuse qu'elle venait d'éprouver. Un dîner d'apparat, des présentations nombreuses et un feu d'artifice, tiré sur le bassin du grand parc, dont la ville avait fait les frais, terminèrent cette journée, après laquelle les princesses de Mecklembourg se retirèrent dans l'appartement qu'elles devaient occuper jusqu'à la célébration du mariage.

30 mai. Dans la matinée de ce jour solennel, passée par la famille royale dans son intérieur, les dames invitées avaient été faire une promenade dans les voitures de la cour, et furent aussi admises à voir la corbeille et le trousseau de la princesse Hélène. Trois salles étaient remplies d'objets divers du plus ingénieux choix et du plus admirable travail; tous, excepté deux châles de cachemire envoyés par la reine d'Angleterre, et un magnifique tissu donné par la reine des Belges, étaient des produits de l'industrie française, qui ne s'était jamais montrée mieux inspirée ni plus habile.

A huit heures et demie, le roi, donnant le bras à la princesse Hélène, s'est rendu, suivi de toute la famille royale, de sa maison, de celle des princes et de toutes les personnes invitées à différens titres, dans la galerie de Henri II.

Là se trouvaient déjà M. le chancelier de France, EtienneDenis baron Pasquier, remplissant, aux termes de l'ordonnance royale du 23 mars 1816, les fonctions d'officier de l'état civil, à l'égard des princes et princesses de la maison royale, et le grand-référendaire, M. le duc Decazes, accompagné du garde des archives de la Chambre des pairs, désigné pour faire office de greffier dans la cérémonie.

Les témoins du mariage étaient, pour le prince royal, les quatre vice-présidens de la Chambre des pairs, le président et les quatre vice-présidens de la Chambre des députés; le maréchal Soult, duc de Dalmatie, comme doyen des maréchaux; le maréchal comte Gérard, comme grand chance

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