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celui de la France, aurait sa clientèle distincte qu'alimenteraient principalement les voyageurs de Trieste, de l'Allemagne et de l'Italie orientale. Il commença le 16 mai. La compagnie de Trieste avait décidé en outre que son capital social serait augmenté de plusieurs millions, afin de procurer à tous les rivages de l'Adriatique les avantages de la navigation à la vapeur. Dans ce but, deux lignes seraient établies; l'une de Trieste en Albanie, l'autre de Venise à Messine. Une communication journalière aurait lieu entre les deux ports principaux, Venise et Trieste.

La Diète de Transylvanie, contre l'attente qu'avait fait naître sa dissolution en 1855, s'ouvrit, le 17 avril, à Hermanstadt, dans les dispositions les plus favorables au Gouvernement. Recevoir le diplôme par lequel l'empereur confirmait, à l'instar de ses prédécesseurs, la constitution du pays; prêter le serment d'hommage, nommer aux places vacantes pour lesquelles les Etats ont droit de présentation; examiner et achever divers travaux des diètes précédentes, tels devaient être les principaux objets de celle-ci. Les débats qu'ils pouvaient exciter furent d'autant moins orageux qu'un certain nombre de membres de l'opposition jugèrent à propos de ne pas paraître à l'assemblée, et la session fut aussi paisible que la dernière avait été bruyante et difficile.

En revanche, la Hongrie offrait le spectacle d'une agitation politique qui se révélait par les poursuites du Gouvernement contre des journalistes, par les efforts du parti libéral pour donner à ses actes et à ses opinions une plus large publicité, et par les discussions des diétines accessoires, qui se réunirent, en octobre, dans les principales villes. Là, se manifestèrent des vœux énergiques pour que la langue hongroise prédominât entièrement sur le latin et l'allemand; pour que les garnisons de la Hongrie fussent composées de troupes indigènes, à l'exclusion des troupes italiennes ou allemandes ; pour que la condition des paysans fût de plus en plus améliorée; pour que les jésuites ne fussent pas replacés à la tête

de l'instruction publique en Hongrie et en Transylvanie, où un grand nombre d'habitans ne professaient pas la religion catholique romaine.

Cette dernière question excitait d'autant plus vivement l'intérêt, que, quelque temps auparavant, l'empereur avait ordonné de rendre ce poste aux jésuites en Gallicie. Ils y étaient rentrés en possession de leurs anciens établissemens; et, non seulement des membres de la société avaient été attachés comme professeurs à l'université de Lemberg, mais on en avait même mis à la tête de séminaires de prêtres séculi ers.

Un autre événement, qui peut encore servir à marquer les tendances religieuses du Gouvernement autrichien, s'était passé dans le mois de septembre. Plusieurs centaines de paysans tyroliens pratiquaient le culte réformé dans le canton de Zillerthal, où ils donnaient l'exemple d'une vie laborieuse et soumise aux lois. Le fanatisme fut si bien attisé autour de cette petite colonie de protestans, qu'ils aimèrent mieux abandonner le pays que de changer de religion ou de continuer à supporter les persécutions auxquelles ils étaient en butte. Après avoir demandé asile au Gouvernement prussien, qui leur concéda des terres dans un canton de la Silésie, ils allèrent s'y établir tous, hommes, femmes, enfans, maîtres et serviteurs. Le Gouvernement autrichien ne s'opposa nullement à cette émigration; au contraire il avait réglé tranquillement cette affaire avec la Prusse, ne regrettant nullement, à ce qu'il semblait, qu'une population schismatique s'éloignât de son territoire.

PRUSSE.

La Prusse et tous les états allemands compris dans son union commerciale avaient donné de tels développemens à leur industrie, que bientôt leurs produits avaient dépassé leurs besoins, et qu'il avait fallu songer å les écouler par l'exportation. De là, pour cette association manufacturière, la néces

sité de s'adjoindre une puissance maritime qui pût, sans frais de transit et de douane, se charger du transport des marchandises allemandes, et de les placer au-dehors. Telle fut la cause d'un traité conclu à Berlin entre la Prusse et la Hollande, le 5 juin 1837. Il mettait sur le pied de l'égalité la plus parfaite les bâtimens de deux parties contractantes à leur entrée dans les ports des deux royaumes; tous les avantages accordés, en fait de navigation maritime ou fluviale, à l'un des deux états, deviendraient communs à l'autre ; les bâtimens hollandais et prussiens jouiraient d'une entière franchise de droits pour leurs chargemens dans les ports des deux peuples; enfin les importations et les exportations réciproques ne pourraient être grevées de droits plus forts que ceux que les tarifs en vigueur établiraient.

Après tant de transactions de ce genre heureusement conclues par la Prusse, dans ces dernières années, on s'étonnait d'autant plus des difficultés qu'elle éprouvait à déterminer ses relations commerciales avec la Russie, que l'alliance entre les deux familles régnantes était plus intime.

Au reste, c'est malgré cette alliance que le roi FrédéricGuillaume III avait sagement persisté, depuis 1850, dans un système de politique pacifique à l'égard de la France, et que cette année encore il encouragea vivement et facilita de tous ses efforts le mariage du duc d'Orléans avec la princesse Hélène de Mecklembourg (voyez plus haut page 265), même en dépit des obstacles que ce mariage rencontrait dans la famille de cette dernière. Aussi, lorsque la jeune princesse, avant de se rendre en France, passa par la Prusse, au mois de mai, elle y reçut de la Cour l'accueil le plus distingué et le plus affectueux.

On a vu tout à l'heure (page 592) comment la Diète germanique avait cherché à protéger contre la contrefaçon les œuvres de littérature, de science ou d'art. Peut-être la Diète germanique aurait-elle fait plus, s'il n'eût tenu qu'à la Prusse. Du moins, la loi que le Gouvernement prussien sanctionna

le 11 juin, sur le même objet, est-elle bien supérieure, dans son ensemble, à la résolution de la Diète. Cette loi (voyez l'Appendice) accorde sa protection à l'auteur pendant toute sa vie, et à ses héritiers pendant trente ans après sa mort, pourvu que son véritable nom ait été énoncé sur le titre du livre ou dans la préface. Dans le cas contraire, l'ouvrage ne sera protégé que pendant quinze ans contre la contrefaçon. Les discours, les leçons, les lectures faites en lieu. public, sont également placés sous la protection de la loi. L'artiste et ses héritiers, aussi long-temps que l'original d'un dessin, d'un tableau, d'une sculpture, restera leur propriété, conserveront pendant dix années le droit exclusif de le multiplier par un procédé quelconque. Quant au droit des héritiers sur la représentation publique d'un ouvrage dramatique ou musical, il subsistera pendant dix années après la mort de l'auteur. Le droit des auteurs et des héritiers, en général, pourra être transmis par eux à d'autres, au moyen d'une convention. Enfin cette loi sera applicable aux ouvrages publiés dans un pays étranger, lorsque les lois de ce pays conféreront les mêmes avantages aux ouvrages publiés en Prusse.

A côté de cette loi empreinte d'un grand respect pour les droits de la pensée, il faut malheureusement placer un décret du 6 août, rendu dans un esprit tout contraire. Destiné à éclaircir et à renforcer ceux qui avaient déjà été promulgués en matière de presse, il déclare passible des peines qu'ils ont établies tout imprimeur qui indiquera par des lacunes les suppressions de la censure. Il en sera de même pour tout libraire prussien, qu'il ait ou non un établissement hors du royaume, qui ne soumettra pas à la censure de l'intérieur les écrits qu'il se proposera de livrer à l'impression, quand même ces écrits ne devraient être imprimés et débités qu'à l'étranger.

Quelques mois plus tard, le Gouvernement ajouta encore à la rigoureuse surveillance dont la presse est l'objet dans le royaume de Prusse. Jusqu'alors les censeurs mettaient leur

visa sur chaque feuille des ouvrages à imprimer, et la publication avait ensuite lieu sans obstacle; maintenant il faudrait que l'ouvrage entier passât à un nouvel examen, et reçût dans son ensemble l'approbation des censeurs, nonobstant le visa exigé pour chacune des feuilles dont il devait se composer.

Berlin, qui n'avait pas été trop rudement traitée par le cholóra, en 1831, vit, cette année, comme Vienne, Prague et beaucoup d'autres villes d'Autriche, l'année dernière, le fléau rentrer dans son sein, et y causer plus de ravages qu'à sa première invasion. Dans l'espace de quatre semaines, da 22 août, époque de sa seconde apparition, jusqu'au 19 septembre, il frappa 2,411 habitans dont 1,401 moururent, sur une population d'environ 280,000 âmes. A partir de cette époque il alla toujours en s'affaiblissant, jusque vers le milieu d'octobre, où il put être considéré comme éteint, non sans avoir encore attaqué plus de 500 personnes, dont il enleva environ les trois cinquièmes. D'autres villes du royaume, par exemple, Magdebourg, Breslau, Dantzick, avaient aussi été visitées de nouveau par la fatale maladie; mais elle y fut moins violente qu'à Berlin. Elle avait, d'ailleurs, suivi exactement le même itinéraire qu'en 1831; elle s'était étendue de la Prusse orientale et de la Silésie sur la capitale et sur l'Elbe, épargnant les mêmes localités que lors de sa première apparition, et entre autres le Brandebourg. Elle avait perda de son intensité sur les bords de l'Elbe; du moins à Magdebourg, les cas avaient été peu nombreux et peu dangereux.

Pendant qu'il accueillait toute une peuplade de réformés qui se voyaient persécutés, en Autriche, au nom de la religion catholique, le Gouvernement prussien entrait en lutte, de son côté, avec un des plus hauts dignitaires de cette religion, dans ses Etats, au sujet de la célébration des mariages mixtes, c'est-à-dire des mariages entre catholiques et protestans. Un bref du pape Pie VIII, donné le 25 mars 1830,

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