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d'envisager les choses. Suivant elle, les coupables, tout en conspirant dans Francfort, n'avaient voulu attaquer que la Confédération, et la procédure, bien qu'ayant eu lieu aussi dans Francfort, avait été dirigée par une commission instituée ad hoc, au nom de la Confédération, qui ne s'était pas contentée des magistrats de Francfort. Les prisonniers condamnés étaient donc ceux de la Confédération et non ceux de la ville; et, la Diète, chargée de veiller à la sûreté intérieure et extérieure de toute l'Allemagne, avait pu opérer la translation dont il s'agissait, en donnant tout simplement à Francfort l'ordre de livrer les prisonniers, et à Mayence de les recevoir. Tels étaient les deux systèmes qui divisaient les esprits. Dans tout cela, une chose dominait, c'est que l'action avait précédé la discussion, que les prisonniers avaient été enlevés, qu'ils étaient à Mayence, et qu'aucune protestation ne les ferait revenir.

Du moins, si cette translation eût déterminé la Dièté à faire cesser l'occupation de Francfort par les troupes de la Confédération, la république se serait sans doute aisément consolée de cette nouvelle atteinte portée à son indépendance, Il est de fait qu'on ne voyait plus en ce moment de motif pour persister dans ces mesures militaires extraordinaires; la Diète ne fut cependant pas de cet avis, et Francfort continua à être gardée par des Autrichiens et des Prussiens.

Cracovie, où nous avons vu l'année dernière la Prusse, l'Autriche et la Russie mettre aussi garnison, a dû, au mois de septembre 1857, introduire, sur l'ordre de ces trois puissances, plusieurs modifications importantes dans sa constitution. Il en résultait que désormais le journal des séances de la Diete ne pourrait être publié sans l'autorisation du président du Sénat, à la censure duquel ce journal serait soumis; que les listes des candidats au Sénat devraient être communiquées aux ministres résidens des trois puissances protectrices, lesquels, réunis en conférence, excluraient ceux de ces candidats qu'ils jugeraient à propos de rejeter; que les mêmes ministres

prononceraient, à la demande du Sénat, sur les différends qui pourraient s'élever entre ce corps et la Chambre des représentans à l'occasion du budget; que le Sénat était autorisé à disposer des fonds de l'Etat, dans les circonstances pressantes et non prévues par le budget, jusqu'à concurrence de 600,000 florins. Enfin, un nouvel article qui devait être ajouté à la fin de la constitution, était conçu en ces termes :

« Si des désordres graves ont lieu dans la Chambre des représentans, qui pourraient troubler la tranquillité intérieure de Cracovie et ses rapports avec les puissances protectrices, le Sénat est autorisé à proroger à six mois les délibérations des Etats; et si après cet intervalle les désordres se renouvellent, le Sénat pourra dissoudre cette Chambre et faire procéder à de nouvelles élections, après en avoir donné connaissance aux résidens des trois cours et obtenu leur consentement à cette mesure. Dans ce cas, ou dans celui où des circonstances imprévues feront paraître nécessaire la prorogation de la session ordinaire des Etats, ce qui ne pourra également avoir lieu que de l'agrément des trois cours ou à leur demande, les fonctionnaires judiciaires et civils élus par la dernière assemblée des Etats devront rester en fonctions jusqu'à la prochaine réunion de la Chambre des représentans ; et si pendant ce laps de temps, des charges dont la nomination appartient aux Etats deviennent vacantes par décès, destitution ou autrement, le Sénat aura à nommer provisoirement des remplaçans. L'ancien budget demeurera en vigueur. >>

Moyennant ces mutilations,de sa constitution, et toujours sous la tutelle d'une garnison autrichienne, la république apprit, vers le milieu de décembre, que les trois hautes puissances protectrices avaient déclaré au Sénat, par l'intermédiaire de leurs résidens, que les raisons qui avaient fait ajourner indéfiniment la session des Etats ne subsistant plus, et la réunion des représentans étant devenue nécessaire pour la marche des affaires administratives, une convocation de la Diète pourrait avoir lieu dans le courant du mois. Néanmoins la volonté des puissances protectrices n'était pas encore que la Diète procédât à l'élection des fonctionnaires publics; car lesdites hautes puissances avaient jugé bon et convenable que la composition du Gouvernement restât telle qu'elle était actuellement, et de plus elles avaient l'intention d'introduire des changemens dans l'organisation des autorités judiciaires.

CHAPITRE III.

DANEMARCK. Nouvelle loi sur la presse. Finances. Améliorations dans la législation pénale.

RUSSIE ET POLOGNE. Ukases relatifs aux divisions administratives de la Pologne, à la religion catholique, à la confiscation. — Voyage de la famille impériale dans les provinces méridionales de l'empire. — Question circassienne. Opérations militaires.

TURQUIE. Actes d'opposition des partisans de l'ancien régime. - Ordonnance tendant à une observation plus fidèle des pratiques du mahométisme.-Voyage du sultan dans les provinces septentrionales de la Turquie d'Europe. Exécutions à Constantinople. - Révolution ministérielle.La Porte envoie vers Tunis une flotte que la France empêche d'arriver à sa destination. - Négociations entre la Porte et Méhémet-Ali, relativement à la succession de ce dernier.

GRÈCE. Arrivée du roi et de la reinc.— M. d'Armansperg est remplacé dans la présidence du ministère par M. de Rudhart. Démêlés du nouveau président du conseil avec le ministre anglais à Athènes. · Impopularité croissante des Bavarois. Le conseil d'Etat se prononce pour le maintien des troupes étrangères en Grèce. — Loi sur la conscription. — Loi relative à la presse. Démission de M. de Rudhart et recomposition du ministère.-Organisation générale politique et administrative du royaume. - Etat des finances.

DANEMARCK.

Au mécontentement que les Danois éprouvaient de ne pas voir s'ouvrir la session des Etats provinciaux, qui, s'étant réunis le 1er octobre 1855, auraient dû être convoqués de nouveau pour le 1er octobre 1837, suivant la loi du 28 mai 1831, une ordonnance rendue en matière de presse, dans les premiers jours de novembre, vint ajouter un grief beaucoup plus sérieux. « Les lois destinées à réprimer les abus de la liberté de la presse nous ayant paru insuffisantes, disait le roi dans le préambule de cette ordonnance, nous avons jugé conve

nable d'obvier à cet inconvénient qui, s'il avait subsisté plus long-temps, aurait miné la confiance des sujets envers le Gouvernement, laquelle est si importante pour le maintien de l'ordre dans la société civile. Un projet de loi a été, en conséquence, présenté, par notre ordre, à nos fidèles Etats provinciaux; mais les Etats, tout en manifestant une vive indignation contre la direction d'une partie de la presse quotidienne, ont exprimé le désir que les peines ne fussent pas aggravées pour le moment, parce qu'ils espéraient que l'opinion publique ferait justice d'un pareil abus. Cette attente ne s'étant pas réalisée, nous avons cru devoir publier la loi précitée, en modifiant toutefois la rédaction de ses dispositions de manière à éloigner tous les doutes. » Suivant cette loi, quiconque aurait dépassé les limites légales de la liberté de la presse dans un écrit ou dans une feuille imprimée, en attaquant la constitution du royaume, les lois ou les actes du Gouvernement, serait condamné à une amende de 100 à 500 rixthalers, au profit des pauvres, s'il y avait infraction aux paragraphes 2, 5 et 7 de fordonnance de 1799, mais seulement par une négligence judiciairement constatée. Lorsqu'un écrivain serait reconnu coupable d'avoir critiqué en termes inconvenans la constitution, les lois ou les actes du Gouvernement, les tribunaux pourraient, s'il existait des circonstances atténuantes, le punir d'un emprisonnement d'un mois à trois mois, et d'une amende de 100 à 500 rixthalers. Suivaient plusieurs dispositions qui soumettaient à une censure d'un an à cinq ans, ou de cinq ans à dix ans, d'après la gravité des cas, les journaux ou écrits périodiques dont les rédacteurs auraient été condamnés pour délit de la presse.

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Après s'être mis en opposition par cette loi avec les vœux exprimés par les Etats provinciaux, le Gouvernement donna une première satisfaction aux réclamations qu'ils avaient fait 'entendre sur la nécessité d'introduire une publicité complète ainsi que l'ordre et l'économie dans le système des finances et de la dette nationale, et d'arriver à balancer les recettes et

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les dépenses. Les comptes de 1835, qui étaient impatiemment attendus, furent publiés vers la fin de l'année; ils paraissaient favorables. Les dépenses avaient été évaluées à 14,266,000 rixthalers, et cependant elles n'avaient pas dépassé 14,247,531 rixt. Les recettes, évaluées à 15,945,000 rixthalers, en avaient donné 14,884,000. Ainsi, au lieu d'un déficit de 321,000 rixt., c'était un excédant de 636,000 rixt. que ces comptes semblaient offrir en résultat.

Le mois de décembre vit encore publier deux dispositions remarquables sur la législation pénale. La première abolissait, sur la proposition faite par les Etats provinciaux, les derniers vestiges de la torture en Danemarck. Jusqu'alors, il avait été permis à la commission d'inquisition de procéder à un interrogatoire rigide, c'est-à-dire de faire flageller l'accusé, lorsque des preuves juridiques démontraient sa culpabilité, et qu'il persistait dans ses dénégations. Maintenant il était interdit à cette commission d'employer ce moyen extraordinaire de contrainte pour obtenir des aveux. Quant à la seconde de ces dispositions, qui avait également été délibérée avec les Etats provinciaux, elle avait pour objet de déterminer plus exactément les attributions de juridiction en matière criminelle.

RUSSIE ET POLOGNE.

En abandonnant la Pologne à la Russie, le congrès de Vienne avait non seulement stipulé que l'ancien duché de Varsovie formerait un royaume séparé, avec sa constitution nationale; mais il avait même posé les bases de l'administration des provinces de ce pays. Ainsi un article de l'acte du congrès dispose que chaque palatinat ou waivodie sera gouverné par une commission composée d'un président et de commissaires. On sait comment, en 1852, après avoir triomphé de la révolution polonaise, l'empereur Nicolas abolit la constitution de Pologne et avec elle toute représentation nationale. Cepen

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