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des Siciliens envers les Napolitains, en maintenant entre les uns et les autres une juste égalité, pour guérir enfin les plaies de la Sicile et lui donner tous les élémens de bien-être dont elle était profondément dépourvuc; si c'était à cette fin que la force du Gouvernement central avait été augmentée, qu'on avait ramené à l'unité les deux grandes divisions de la monarchie, il n'est pas douteux que la Sicile ne dût un jour bénir les décrets du 31 octobre 1857, et les regarder comme l'ère d'une époque de prospérité.

CHAPITRE V.

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ESPAGNE. Divisions du parti carliste.—Nominations militaires et politiques. - Disgrâce de Gomez.-Récompenses accordées à la ville de Bilbao et à ses libérateurs. Situation du parti constitutionnel. Etat des choses dans le royaume de Valence. Cabrera. - Mésintelligence des généraux chargés de l'attaquer. Incursion des carlistes dans la Manche. faire de Buno!.

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- Avantages obtenus par les carlistes en Catalogne. Etat des deux armées dans les provinces du nord. - Nouveau plan de campagne des constitutionnels. Echec du général Evans devant Ernani. — Loi sur la presse. - Projet de constitution. Discussion de ce projet. Opérations des carlistes dans les royaumes de Valence et de Murcie, et dans la Manche. Exposition de la députation provinciale de Valence. Opérations des deux armées dans la Catalogne. · Opposition au ministère Calatrava. · Changement dans ce ministère. -Votes des Cortès en sa faveur.- Troubles dans diverses villes. Insurrection des exaltés en Catalogne. - Adresse de la minorité des Cortés à la reine sur les événemens de la Catalogne. - Dissolution et désarmement des gardes nationales de cette province. - Dernières délibérations des Cortés sur la nouvelle constitution. — Loi qui supprime les établissemens monastiques. · Loi électorale. Promulgation solennelle de la nouvelle constitution. - Amnistie. Loi qui supprime la dîme et adjuge tous les

biens du clergé à la nation.

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Le parti carliste avait, comme le parti constitutionnel, ses divisions, quoique moins apparentes et plus souvent comprimées par le besoin de s'unir contre l'ennemi commun. Elles prenaient naissance dans la diversité des opinions, des intérêts, et surtout de l'origine des hommes dont le prétendant était entouré. Les Basques et les Castillans ne se trouvaient pas toujours d'accord sur la manière de conduire la guerre, ni sur le but final que le parti devait se proposer. Les premiers songeaient particulièrement aux priviléges, aux franchises républicaines de leurs provinces; pour les seconds, il s'agis

sait surtout d'établir don Carlos victorieux à Madrid et de placer avec lui le pouvoir absolu sur le trône. Aussi les uns avaient-ils une grande répugnance à quitter leurs montagnes et à passer l'Ebre, tandis que les autres voulaient opérer dans les provinces du centre de l'Espagne et contre Madrid.

Il en arriva, après l'échec éprouvé par les carlistes devant Bilbao, ainsi qu'il arrive souvent dans la mauvaise fortune; ces divisions éclatèrent avec une nouvelle force : les chefs se renvoyèrent mutuellement la responsabilité de la défaite. Lorsqu'au mois de juin 1936, le général Villaréal avait remplacé le comte de Casa Eguia dans le commandement de l'armée, cet acte de M. Erro, le ministre universel de don Carlos, avait été considéré comme une atteinte à l'influence du parti castillan. Enthousiaste des immunités de son pays, Villaréal était, en effet, un Basque dans toute la force du terme. Maintenant les Castillans prenaient leur revanche en imputant à leurs adversaires le mauvais succès du siége de Bilbao. Ces altercations déterminèrent une sorte de crise politique dans la petite cour du prétendant; il nomma son neveu, l'infant don Sébastien, général en chef, et pour mettre d'accord les divers partis, pour tenir la balance égale entre eux, il lui adjoignit simultanément Villaréal et Moreno, celui-ci comme chef d'état major, celui-là comme aide-de-camp. Bientôt après, le ministre universel, M. Erro, se démit de ses fonctions, et le ministère fut reconstitué avec ses divers départemens, sous la présidence de l'évêque de Léon.

On aurait pu croire que dans ces changemens, Gomez n'aurait pas été oublié, et que son audacieuse excursion à travers toute l'Espagne lui aurait valu quelque récompense éminente loin de là, Gomez encourut la disgrâce de don Carlos et fut même privé de sa liberté on avait trouvé que les sommes rapportées par le chef carliste étaient bien faibles en comparaison de celles que l'on espérait. Il paraît que lui et ses lieutenans, dans cette expédition, avaient plutôt songé à leurs affaires particulières qu'à celles de leur maître. En d'autres

temps, Gomez aurait sans doute payé de sa tête les accusations auxquelles son intégrité était en butte.

Dans le parti constitutionnel, on était tout à la joie, à l'enthousiasme qu'inspirait la délivrance inattendue de Bilbao. Un numéro du journal officiel fut distribué dans les théâtres de Madrid, et de bruyantes acclamations accueillirent la nouvelle du triomphe obtenu par les armes de la reine. Il sembla que le Gouvernement et les Cortès ne pouvaient aller trop loin pour témoigner leur reconnaissance aux défenseurs et aux libérateurs de Bilbao. Un décret royal fut rendu le 5 janvier, portant que cette ville ajouterait le titre d'invincible, à ceux de très noble et très loyale qu'elle possédait déjà ; que la municipalité aurait en corps le titre d'Excellence; que les bataillons de la garnison, la milice nationale, et les corps de l'armée libératrice qui s'étaient le plus distingués, auraient le droit de porter, sur la cravate de leur drapeau, les insignes de l'ordre militaire de Saint-Ferdinand; que les défenseurs de Bilbao recevraient une croix d'honneur avec cette légende : Il défendit l'invincible Bilbao, dans son troisième siège. 1856; que la même croix, avec la légende: il sauva Bilbao, serait décernée à tous les soldats, sous-officiers et officiers de l'armée libératrice et à tous les individus de la marine nationale et alliée, militaire et marchande, qui avaient contribué à faire lever le siége; qu'il était conféré au général Espartero, pour lui et ses descendans en ligne directe, la dignité de titré de Castille avec le nom de comte de Luchana, saus obligation de payer aucun droit; qu'un service funèbre serait célébré dans toutes les cathédrales de la monarchie, pour les braves morts au siége de Bilbao. Ensuite, les Cortès décrétèrent que les défenseurs de Bilbao, les troupes de mer et de terre et la marine anglaise avaient bien mérité de la patrie; que le président adresserait au général en chef de l'armée libératrice, au commandant de l'escadre anglaise et à la municipalité de Bilbao, une lettre de félicitations; qu'une place publique de Madrid prendrait le nom de place de Bilbao, et qu'il y serait élevé un monument qui

perpétuerait le souvenir d'un glorieux fait d'armes ; que les habitans de Bilbao seraient indemnisés; que des pensions seraient accordées aux veuves et aux orphelins des braves qui avaient péri en défendant cette ville; enfin qu'un monument y serait érigé pour consacrer le souvenir du siége.

Ces décrets, rédigés avec toute l'emphase castillane, ne donnaient-ils pas à entendre que la victoire du 24 décembre élait le coup de mort de l'insurrection carliste? Cependant cette victoire n'eut d'autre résultat que de faire reporter les avant-postes de l'ennemi à quelques lieues de Bilbao, et rien ne fut changé dans l'état de l'Espagne. Ici, l'armée constitutionnelle était sans chefs, ià, elle manquait de tout; ailleurs la discorde régnait entre les généraux, que le Gouvernement était impuissant à ramener à l'obéissance. Narvaez demanda vainement des juges pour prononcer entre Alaïx et lui; il donna sa démission. On ne voyait que généraux ct capitaines-généraux qui offraient également leur démission, pour le cas où on ne leur enverrait pas des renforts ou de l'argent. Les villes et les villages, épuisés, ne pouvaient plus subvenir à l'entretien des corps d'armée qui les occupaient. Dans les Cortès, les interpellations se renouvelaient à chaque instant sur l'état des finances, sur la situation désastreuse des provinces, sur l'insubordination des chefs militaires à l'égard du Gouvernement, sur l'impunité avec laquelle les bandes carlistes continuaient leurs déprédations, sur la querelle d'Alaïx et de Narvaez. Le ministère ne répondait que d'une manière vague et insignifiante, quand il répondait. La seule conclusion qu'il y eût à tirer de ces discussions, c'est que tout le monde, en Espagne, faisait à peu près ce qui lui convenait; que ce pays était peut-être celui de l'Europe où il y avait le plus d'effets sans causes et de causes sans effets; surtout que deux hommes lui manquaient essentiellement, l'un pour gouverner et l'autre pour combattre.

Après la délivrance de Bilbao, l'armée d'Espartero était rentrée dans une inaction complète. Il en était de même de

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