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CHAPITRE VIII.

PORTUGAL. Réunion des Cortès. — Attentat contre la personne du prince Ferdinand. Ouverture de la session. - Discours de la couronne. Adresse des Cortès en réponse à ce discours. — Finances. — Insurrection migueliste dans les Algarves. - Projet de budget. · Projet de nouvelle constitution. Finances.Etat général du pays. — Crise ministérielle. Mouvement miguéliste aux environs de Lisbonne. - Formation d'un nouveau ministère. — Insurrection des partisans de la Charte. — Mesures prises par le Gouvernement et les Cortès contre cette insurrection.— Manifeste du ministére. Proclamation de la reine. — Proposition d'enquete faite au sein des Cortés, sur les causes de l'insurrection. - Réponse de la reine à une adresse des Cortés. Proclamation du maréchal Saldanha, comme chef de l'insurrection. Dispositions des populations. - Le maréchal Saldanha marche sur Lisbonne. Le duc de Terceira prend parti pour l'insurrection. — Les insurgés établissent une régence. - Manifeste des Cortés. Les insurgés s'éloignent de Lisbonne. - Affaire de Rio-Maior. Négociations entre les deux partis. l'insurrection dans les provinces du nord. Rentrée en Portugal de la brigade au service d'Espagne.—Combat de Ruivaės. — Capitulation des insurgés. - Naissance d'un héritier du trône. - La reine refuse de sanctionner une résolution des Cortés contre les chefs de la dernière insurrection. Rétablissement des libertés constitutionnelles que cette insurrection avait fait suspendre. — Ajournement du paiement des intérêts de la dette extérieure. Insurrection miguéliste.

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Progrés de

Recomposition du miDiscussion de la nouvelle constitution. — Objets divers. —

On n'était pas sans crainte à Lisbonne de voir troubler la tranquillité publique le 18 janvier, jour où les Cortès devaient se réunir: certaines mesures, prises par le Gouvernement et par le commandant de l'escadre anglaise, confirmaient les rumeurs répandues sur une nouvelle tentative de contre-révolution secrètement préparée; mais l'événement démentit complétement ces craintes et ces rumeurs, et les Cortès se mirent

aussitôt en devoir de procéder aux opérations préliminaires de la session. Ces opérations, qui consistaient dans la vérification des pouvoirs et dans la constitution du premier bureau mensuel de l'assemblée, montrèrent tout d'abord que le mi nistère avait son assentiment. Une question assez délicate, c'était celle de l'élection des ministres, qui s'étaient présentés aux suffrages des électeurs et avaient été nommés, au mépris d'un article formel de la constitution de 1822, d'après lequel ils ne pouvaient pas être députés. Cette élection donna lieu à de vives attaques contre le ministère; toutefois elle fut confirmée par les Cortès.

Tout s'était jusqu'alors passé sans incident remarquable, lorsque, le 25 janvier, le mari de la reine, le prince Ferdinand, fut assailli brutalement dans une rue de Lisbonne par un aventurier qui lui jeta une pierre; mais, quoique les dispositions de la population ne fussent pas très bienveillantes envers le prince, cet acte fut aussitôt regardé comme le résultat d'un dérangement de cerveau chez son auteur; aussi ne produisit-il qu'une émotion passagère, et le lendemain la reine alla tranquillement ouvrir la session des Cortès.

Dona Maria, dans le discours qu'elle prononça à cette occasion (voyez l'Appendice), commençait par rappeler comment la constitution de 1822 et la Charte de 1826 avaient été promulguées. Maintenant le peuple portugais avait pensé qu'il était nécessaire de revenir à l'origine de tout pouvoir légal, et pour trouver le remède à ses maux, il s'en était rapporté uniquement à la sagesse du Congrès constituant. La reine espérait que les représentans de la nation introduiraient dans les institutions constitutionnelles du pays les changemens et les modifications que les besoins nouveaux et les lumières de l'époque actuelle exigeaient. Enfin, après avoir soumis au jugement des Cortès les mesures prises et les réformes opérées par le Gouvernement pendant l'absence du corps législatif, la reine appelait l'attention sérieuse de l'assemblée sur l'état des finances. Le Gouverne

ment lui donnerait son concours pour établir un système d'économie sévère; mais lorsque les réductions nécessaires auraient été faites, Sa Majesté comptait sur le patriotisme des Cortès, pour le vote des subsides destinés à faire face aux dépenses courantes et à payer les dettes intérieures et extérieures du pays.

Calquée en grande partie sur ce discours, l'adresse des Cortès, qui lui servait de réponse, relevait encore la gloire et l'importance des journées de septembre, dans lesquelles le principe vital de tous les Gouvernemens représentatifs avait été proclamé, et déclarait que la grande majorité de la nation portugaise voulait l'ordre, la stabilité et la sécurité, avec ces avantages de la liberté constitutionnelle, qui lui avaient été promis depuis 1820, mais qu'elle n'avait pas obtenus.

Bientôt les ministres vinrent tour à tour présenter un état complet de la situation du pays. Les embarras de cette situation, sous le rapport des finances, ne furent pas dissimulés, et vers le milieu de février, M. Passos démontra aux Cortès qu'il y avait nécessité de pourvoir, sur-le-champ, aux besoins du trésor par des moyens extraordinaires. En conséquence, il soumit à l'assemblée un projet qu'elle convertit immédiate. ment en loi, et par lequel le Gouvernement était autorisé à réaliser en monnaie effective, la somme de 800 contos (4,800,000 fr.) de la manière qu'il jugerait la plus convenable aux intérêts de la nation. Ce ne fut que très lentement, avec beaucoup de difficultés et à des conditions onéreuses, que M. Passos parvint à se procurer cette somme.

Un autre embarras de la situation, c'était la présence du chef migueliste Remechido, qui parcourait les Algarves et l'Alemtejo, avec une bande de 3 à 400 hommes, mettait ces deux provinces à contribution, interceptait parfois les courriers, auxquels il enlevait l'argent du Gouvernement, et défiait d'autant mieux les forces militaires dirigées contre lui, qu'il était impossible de tirer des paysans la moindre information sur ses mouvemens. Une adresse envoyée, le 18 février, à la reine,

par la municipalité de Lagoa, petite ville des Algarves, n'était qu'un long cri de douleur sur les progrès des insurgés et sur le mal qu'ils faisaient au pays. « La vérité est, disait-on dans ce document, que Remechido va impunément où il veut, que ses bandes ont pénétré, il y a peu de temps, jusqu'à Algos, point central des Algarves; qu'elles se promènent partout, assommant le peu de défenseurs de la liberté qu'elles rencontrent. La vérité est que ce n'est qu'à Lagos et à Faro que le citoyen peut se croire à couvert du danger, et que partout ailleurs, il n'y a plus de sûreté individuelle. La vérité est que les habitans de la ville de Silves ont été obligés de réparer les vieilles murailles des Maures, dégradées par les siècles, pour se garantir contre les attaques de l'ennemi, et qu'aucune ville n'est à l'abri d'une invasion. Ce ne sont plus les petits villages voisins de la montagne, dont les habitans sont les hommes de Remechido, qui le redoutent; ce sont les grandes villes qui se trouvent dans l'effroi. » Le Gouvernement ne pouvait rester sourd à un si pressant appel; sur sa proposition, les Cortès adoptèrent, le 27 février, après une assez longue discussion, un projet de loi qui l'autorisait à exercer pendant trois mois un pouvoir discrétionnaire dans la Serra des Algarves et dans les districts de Faro, Beja et Evora, avec obligation de rendre compte à la Chambre, tous les mois, de l'usage qu'il aurait fait de ce pouvoir.

Le projet de budget pour l'année financière du 1er juillet 1837 au 30 juin 1858, communiqué aux Cortès dans la séance du 21 mars, présentait, quant aux dépenses, une forte diminu tion sur le précédent (voyez 1856, p. 323). Ce nouveau projet évaluait, en effet, les dépenses à 11,217,596,366 reis, et les recettes à 9,294,362,733, d'où un déficit de 1,923,233,615 reis. Il était question de rétablir la balance dans les comptes de l'Etat, par un certain nombre d'impôts nouveaux, dont la discussion devait souvent disputer le temps des Cortès à celle du projet de constitution que la commission chargée spécia

lement de le rédiger, leur avait soumis dès les premiers jours du mois.

Emprunté tout à la fois à la constitution de 1822 et à la Charte de 1826, entre lesquelles il formait une sorte de compromis, ce projet consacrait la liberté de la presse, et le système des deux Chambres, dont l'une serait à la nomination de la couronne; accordait à celle-ci un veto absolu ainsi que le droit de dissoudre les Cortès; défendait aux membres des deux Chambres d'accepter aucun emploi autre que celui de ministre; interdisait au roi le commandement en chef de l'armée; attribuait aux Cortès le droit de nommer la régence en cas de minorité du monarque, et consacrait l'indépendance et l'inamovibilité du pouvoir judiciaire.

La discussion générale de ce projet de constitution, qui commença le 6 avril, donna lieu à de vifs débats sur la souveraineté du peuple, l'institution du corps législatif en deux Chambres, le veto du roi et le droit qui lui était conféré de dissoudre la Chambre des députés. Plusieurs orateurs combattirent le système des deux Chambres et des prérogatives royales, déclarant qu'il n'était pas conforme aux principes proclamés dans les journées de septembre et de novembre. Appuyé par les ministres, ce système eut l'assentiment des Cortès, qui votèrent, le 6 mai, à la majorité de 65 voix contre 17, l'ensemble du projet de constitution.

Cependant l'attention des Cortès avait été de nouveau appelée sur la malheureuse situation des finances du pays, dans la séance du 24 avril, par un exposé de M. Passos, dont il résultait que les revenus de l'Etat, jusqu'au 30 juin de la présente année, offriraient un déficit de 6,717 contos, lesquels, réunis aux 1,855 contos dus à la banque, donnaient un total de 8,552 contos (environ 30 millions de francs). Or, quelques mesures que les Cortès adoptassent, quant au déficit de l'année suivante, évalué à 1,923 contos, elles n'auraient accompli leur mission laborieuse, ainsi que le disait M. Passos, dans la séance

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