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NOTE

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES ARTS ET DES LETTRES EN 1837.

SALON DE 1837.

Dans le système des expositions annuelles, il est inévitable que le Salon ne soit pas souvent veuf de ses plus beaux ornements, que les artistes du premier ordre ne s'y fassent souvent remarquer que par leur absence. Si habiles qu'ils soient, il est tel tableau d'histoire, tel groupe de sculpture qu'ils ne sauraient terminer dans l'intervalle d'une année. Aussi, aimentils mieux attendre et laisser passer un salon ou deux sans exposer, que d'offrir au public des productions mal conçues ou simplement ébauchées. Il peut arriver que tous ou presque tous les artistes de cette classe fassent défaut à la fois, et alors Dieu sait à quelle masse de médiocrités le Louvre sera livré! Qu'on nous dise donc quel avantage il il y a pour l'art dans ces expositions à qui leur fréquence fait perdre toute solennité, et leur composition tout intérêt. Irriter la faculté productive des artistes, mettre en faveur les genres secondaires qui s'accommodent de la promptitude, intrôniser enfin la peinture facile, comme le journalisme a produit la littérature facile, voilà tout ce que vous retinerez de l'annualité des expositions. Si c'est là ce que vous voulez obtenir, au détriment de l'art élevé et sérieux, à la bonne heure; mais prenez garde que le public, en voyant les expositions se renouveler si fréquemment, ne finisse par y apporter de la froideur, puis de l'indifférence, puis de la négligence, et ne regrette

enfin hautement d'être privé, cinq ou six mois, de la vue des chefs-d'œuvre des écoles anciennes, de toutes ces gloires et ces richesses du Musée du Louvre devant lesquelles viennent quelquefois s'étaler effrontément les plus misérables toiles qu'une main complétement étrangère au sentiment de la peinture puisse barioler de couleurs. De bonne foi, ne serait-il pas de beaucoup préférable que de pareilles expositions n'eussent pas lieu? Ne serait-ce pas rendre service à la plupart de ceux qui s'y montrent, que de les laisser continuer leurs études devant les chefs-d'œuvre dont nous parlions tout-à-l'heure, et qu'ils devraient ne pas se pardonner d'éclipser matériellement pendant près de la moitié de l'année? D'un autre côté, demandez à beaucoup de peintres recommandables d'un ordre secondaire, si, ne trouvant pas que leur réputation soit assez solidement assise pour n'avoir rien à craindre de l'oubli momentané du public, ils ne gémissent pas de la nécessité où ils se croient d'exposer à chaque salon, et, dans ce but, d'achever à la hâte des tableaux qu'ils auraient voulu méditer et exécuter plus à loisir? Si du moins les artistes éminents, après une absence plus ou moins longue, reparaissaient tous à la fois, le public en serait quitte pour ne s'attendre qu'à une exposition vraiment remarquable sur trois ou quatre, et sans doute il en prendrait son parti; mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent, et, dans le salon le mieux partagé, comme celui que nous

allons passer en revue, il y a encore un bon nombre de talents distingués dont on cherche en vain les productions et qui auraient ajouté à son éclat.

grande peinture historique, et qui, au
contraire, appellent naturellement cel-
les d'un tableau de genre? Quoi
qu'il en soit, la scène est rendue avec
une vérité, contrastée avec un art qu'il
serait difficile de surpasser. On y admire
la vigueur et la variété d'expression
dans les têtes; la manière savante dont
elles sont dessinées et modelées, la fi-
nesse du ton et le prestige de la cou-
leur. Rarement on a vu en peinture un
geste où il y eût autant de convenance
et d'unité que dans celui du roi, qui
laisse percer avec dignité et résignation
un mépris mêlé de pitié pour les gros-
siers outrages dont il est assailli, Peut-
être, cependant, l'auteur a-t-il trop
donné ici aux accessoires, s'est-il trop
complaisamment abandonné à la magic
avec laquelle son pinceau sait repro-
duire de brillantes étoffes. On pourrait
aussi trouver qu'il n'y a pas assez d'es-
pace, assez d'air dans certaines parties
de son tableau. Mais ces imperfections
de détail disparaissent devant les beau-
tés de pensée, de sentiment et d'exé-
cution qui distinguent si éminemment
le Charles I et le Strafford. Après
avoir conçu, composé et exécuté ces
deux ouvrages dans le même mode que
les Enfants d'Edouard, Cromwell,
Jeane Gray, à côté desquels il viennent
prendre une place glorieuse, sans les
surpasser toutefois, M. Delaroche a
payé, en représentant sainte Cécile, un
tribut au goût du jour, qui pousse un
certain nombre d'artistes à s'inspirer
des peintures du xv et même du xive
siècle. Dans ce tableau empreint de
grâce, de finesse, de poésie, et où rè-
gne partout une lumière éthérée dont
la dégradation, fort bien observée,
n'est cependant sensible que pour un
œil très-habile, l'auteur n'a usé des
couleurs primitives qu'avec une extrê-
me réserve, n'a pour ainsi dire hasardé
que des demi-teintes. Craignant de
donner aux chairs une solidité humaine,
il n'en a presque pas fait sentir les on-
dulations; il n'y a point introduit de
sang; il leur a prêté l'apparence d'une
substance fine et délicate, comme celle
d'une cire diaphane qu'on aurait légé-
rement coloriée. On le voit, c'est le
style semi-gothique du Giotto ou du
Perugi, mais avec des formes plus sim-
ples, des contours moins secs, et quel-
ques indices d'une science plus avancée

Heureusement que cette fois M. Paul' Delaroche n'est pas de ces derniers. N'ayant compté à l'exposition de 1835 que pour un seul tableau de chevalet, n'ayant rien mis à la suivante, il nous dédommage en 1837 par trois grands ouvrages qui attirent fortement l'attention des connaisseurs. Le premier représente Strafford que l'archevêque Laud bénit en étendant les mains à travers les barreaux de son cachot, au moment où l'ancien ministre de Charles 1 descend l'escalier de la tour de Londres pour aller au supplice. Rien de plus vrai, de plus touchant que cette composition, que sa simplicité n'empêche pas d'être pittoresque. La figure de Strafford, qui reçoit, à genoux et la tête baissée, la bénédiction de l'archevêque, est parfaite d'attitude et d'expression. Deux amis ou deux parents du condamné se sont arrêtés derriére lui et témoignent diversement leur affliction. Un soldat qui tient un rouleau, sans doute l'ordre de l'exécu tion, se retourne sur les degrés infé. rieurs de l'escalier pour regarder cette scène, dont l'effet est dramatique et saisissant. Quant à la pratique du pinceau, elle ne laisse rien à désirer, si ce n'est peut-être dans les chairs, qui ne semblent pas avoir toute la vérité nécessaire; mais les vêtements sont peints avec cette supériorité à laquelle M. Delaroche est accoutumé, et ses têtes sont modelées avec plus de fermeté que dans quelques autres de ses ouvrages. Moins satisfaisant sous le rapport de la lumière, ce bel ouvrage a d'ailleurs laissé, douter s'il n'eut pas été plus convenablement traité dans des dimensions moins grandes. Ce doute est devenu une certitude pour le tableau dans le quel l'auteur a peint Charles Ier prisonnier au milieu d'une troupe de soldats qui l'abreuvent d'outrages. Un de ces soldats boit et rit insolemment, un autre se chauffe en observant le roi avec une curiosité dédaigneuse, un autre s'est endormi appuyé sur une table, un autre enfin envoie la fumée de sa pipe au visage du roi. Ne sont-ce pas là toutes circonstances qui ne s'accommodent guère des proportions de la

Ann, hist. pour 1837. Appendice.

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qui n'empêchent pas ce tableau de manquer de mouvement et de vie, Nous devons ajouter que la pose de la sainte est maniérée, que son expression est équivoque, et enfin qu'on ne sait, à la façon dont la scène est représentée, si cette scène se passe dans le ciel ou sur la terre. Bref, quoique nous leur ayons quelquefois souhaité un style plus élevé, nous ne pouvons nous empêcher de préférer à cette peinture de convention, les ouvrages que l'auteur a exécutés dans sa manière habituelle, à laquelle il fera bien de revenir, sauf à lui donner toute la perfection que l'on est en droit d'attendre d'un aussi rare talent que le sien.

C'est aussi à l'Italie que M. Scheffer (Ary) semble vouloir désormais demander des modèles; mais, remontant moins haut dans le passé que M. Delaroche, il prend pour point de départ l'école de Raphaël, dont il cherche à substituer le style grave et élevé au genre facile et gracieux qu'il a cultivé long-temps et avec un si beau succés. Cette tendance nouvelle du talent de M. Scheffer se révèle clairement, cette année, dans une représentation du Christ consolant les infortunés et délivrant les captifs. Ce tableau est aussi simple que touchant dans son effet. Les carnations y laissent sans doute à désirer une plus exacte imitation de la nature, et sans doute aussi l'exécution n'est pas exempte d'une certaine contrainte, comme cela doit arriver lorsque l'artiste entre dans une voie qui ne lui est pas encore familière. En revanche, M. Scheffer a réduit cette fois ses masses d'ombres, éclairci son ton de couleur, et marqué les formes de ses personnages par des lignes moins équivoques. Un autre mérite de cet ouvrage, c'est d'offrir des têtes d'un style élevé, dont les caractères et les expressions sont heureusement variés, et qui portent toutes l'empreinte d'un douleur plus ou moins profonde, mais d'une douleur noble et calme, sans aucune contraction de traits, sans aucun geste forcé.

Fidèle aussi à sa prédilection pour l'école romaine, prédilection qu'il a puisée dans l'atelier de M. Ingres, l'auteur du Départ du Jeune Tobie et de la Fille de Jephté, que nous avons vus en 1835 et en 1836, M. Lehmann, se présente cette année avec trois ta

bleaux le Mariage de Tobie, le P cheur de Gathe, et un portrait. Il est à regretter que ce portrait, remarquable par la finesse de son exécution, se détache si séchement du fond et ne laisse pas deviner le plus léger indice de la circulation du sang sous la pean. La ballade de Goethe qui a fourni à l'artiste le sujet du pêcheur, n'est autre chose que la fable d'Hylas. C'est ainsi que les Allemands, malgré leur horreur pour la mythologie, ont souvent innové. Cette ballade, au surplus, aurait pu inspirer à M. Lehmann une composition plus riche, plus libre, plus animée. Le pêcheur et la nymphe qui va l'entraîner au fond des eaux, quoique d'un dessin correct et d'une conleur assez satisfaisante, manquent toutà-fait d'expression. Dans le Mariage de Tobie, il y a progrès sur la Fille de Jephte: les fonds sont plus clairs, plus aériens; les têtes, surtout celle de Raguel, expriment avec vérité et grandeur les sentiments que chaque personnage doit éprouver; le jeune Tobie, bien que ses formes manquent de style, est plein de naïveté; la tête du vieillard a un beau caractère patriarcal. Telles sont les bonnes qualités de ce tableau, dans lequel la critique peut blâmer la symétrie de la composition, l'affectation de l'attitude de la fiancée, l'excessive précision des contours et la dureté du coloris.

Doux artistes qui partagent également ce goût de peinture renouvelé de la renaissance, dont l'empire s'étend chaque jour davantage dans l'école française, MM. Flandrin et Signol, peuvent à peu près recevoir les mêmes éloges et les mêmes reproches, le premier pour son saint Clair guérissant les aveugles; le second, pour son tableau de la Religion chrétienne qui vient au secours des affligés et leur donne la résignation. Si l'on reconnaît chez l'un et chez l'autre un style simple et grave, une grande pureté de formes, un sentiment calme et évangélique, un pinceau coulant et léger, et surtout une douce harmonie, il faut aussi avouer que ces ouvrages sont faibles et froids de ton. La composition de M. Signol, dont les lignes ne sont pas pittoresques et qui unit avec assez peu de bonheur l'allégorie à la réalité, a en outre le défaut de ne pas se faire comprendre très-fa

cilement. Plus sage et mieux entendu sous ce rapport, le tableau de M. Flandrin porte trop servilement le cachet de l'imitation des anciens maîtres, et a çà et là quelque chose de maigre et d'étroit qui le rapproche du style gothique.

L'Allemagne, qui a remis ce style en honneur, il y a une vingtaine d'années, a soumis cette fois, au jugement du goût français, la production de trois de ses artistes les plus renommés, MM. Bendemann, Lessing et Begas. L'Allemagne a fait en peinture ce qu'elle a fait en littérature; parce qu'elle a dédaigné les sujets païens et le style grec et romain, elle s'est cru les droits les mieux fondés à l'originalité, comme si c'était créer que changer l'objet de l'imitation, comme si copier Shakspeare et Calderon ou Sophocle et Euripide, Albert Durer et Hemmelinck ou la statuaire grecque, ce n'était pas toujours copier. Toutefois, après avoir commencé par suivre servilement le mode de composition et d'exécution des maîtres du xIve et du xv° siècle, l'école allemande, à en juger par le Jérémie de M. Bendemann, le Hussite de M. Lessing, le Henri IV et le Grégoire VII de M. Begas, teud à reprendre la liberté d'instinct et d'inspiration à laquelle aucune école ne doit jamais renoncer, sous peine de n'occuper qu'une place inférieure dans l'histoire des arts.

La composition qui représente Jérémie sur les ruines de Jérusalem est encore beaucoup trop symétrique; c'est tout au plus si un sculpteur qui aurait à traiter le même sujet pour un fronton, trouverait à changer quelque chose dans la disposition de cette scène. L'ouvrage tout entier, la seule figure de Jérémie exceptée, pèche d'ailleurs par la raideur des mouvements et la sécheresse du pinceau, la pâleur et la monotonie de la couleur. Mais, ce qui est ici vraiment beau, c'est cette figure du vieux prophète, dont l'attitude, le dessin, le caractère, la physionomie, sont pleins de vérité, de force et de grandeur. Ces débris fumants qui couvrent le sol, ce reste d'incendie qu'on aperçoit dans le lointain, cette consternation profonde, cet immobile accablement du prophète, en disent plus à l'âme du spectateur que tous ces personnages épisodiques, qui gémissent

d'une façon vulgaire autour de Jérémie. Aussi cette figure, traitée de verve, efface-t-elle le reste du tableau où se fait sentir le travail d'un peintre plus érudit qu'inspiré

Le tableau de M. Bégas, l'empereur Henri IV faisant pénitence d'église devant Grégoire VII, et celui de M. Lessing, le serment d'un Hussite, ont fait beaucoup moins de sensation que le Jérémie. Conçus tous deux, mais surtout le second, dans un style moins élevé que ce dernier ouvrage, ils laissent à regretter plus de force et d'éclat dans le coloris. Il y a d'ailleurs un mérite remarquable de composition et d'exécution dans le premier. L'attitude de l'empereur y est tout à la fois vraie, noble, pittoresque; et parmi les figures qui l'entourent, il y a des têtes d'enfants empreintes de grâce et de naïveté. Quant au serment du Hussite, on ne comprend pas très-bien quel en est l'objet : c'est sans doute de venger les disciples de Jean Huss, persécutés par le pouvoir, ainsi que semble l'indiquer une ville en flammes qu'on aperçoit dans le fond. Quoiqu'il en soit, l'action du personnage qui fait ce serment est pleine d'une énergie qui contraste complétement avec l'impassibilité de son auditoire. Placée sur un tertre élevé au centre de la composition, cette figure est d'un effet théâtral et presque mélodramatique; elle offre une tête peinte de verve et d'un beau caractère, qui fait malheureusement ressortir encore davantage l'insignifiance des autres personnages, dont le style tient beaucoup trop de ce qu'on appelle le gothique allemand.

En revenant aux peintres français, nous sommes heureux de rencontrer d'abord M. Eugène Roger, avec un tableau qui représente le corps de Charles-le-Téméraire retrouvé le lendemain de la bataille de Nancy. Cet ouvrage renferme des qualités si franches et si belles, sous le rapport de la sagesse et du bon goût de la composition, de la science et de la pureté du dessin et du modèlé, de la vérité des attitudes et des expressions, que l'on se sent moins disposé à lui reprocher le ton mat et plombé de la couleur générale. Il y a là trois figures mortes, dans lesquelles le nu est peint d'une manière fort remarquable. Exécutées avec autant de largeur que de finesse, elles ont un

relief extraordinaire. Les personnages vêtus ne sont pas traités avec moins de talent, surtout dans les têtes et dans les mains; mais leurs costumes sont trop beaux, trop soignés, trop brillants. Ces costumes, dont l'éclat est un contre-sens par le temps brumeux qu'indique le ton gris du ciel, attirent les regards au détriment du principal, et forment une espèce de bariolage peu agréable, peu digne de l'art, quelque fidèle qu'il soit à la mode de l'époque. Au reste, il sera facile à l'artiste d'éteindre légére ment la splendeur de ces étoffes et de rendre l'ensemble plus doux et plus harmonieux à la vue.

Un peintre chez lequel nous avons signalé l'année dernière des qualités fort belles assurément, mais aussi trèsdangereuses par leur tendance naturelle, M. Winterhalter, tout en produisant 'cette année un tableau, le Décameron de Boccace, qui le montre en progrès et qui a obtenu tous les suffrages de la foule, n'a point dissipé les craintes que nous avons conçues pour l'avenir de son talent. Les conteurs du Décameron, réunis sur la pelouse d'une riche villa qu'ombragent des arbres magnifiques, mais dont le feuillé est fort négligé et le faire extrêmement lâché, forment ici un groupe arrangé et diapré comme un bouquet de fleurs. La séduction de la couleur, le goût piquant des têtes, la coquetterie des physionomies, la flexibilité et la légèreté des tailles, la grâce nonchalante et voluptueuse des poses, la finesse et la délicatesse des mains, des jambes, des pieds, enfin, la variété élégante des costumes ont captivé, émerveillé les gens du monde, et valu à l'auteur le succès le plus populaire du salon. Toutefois, nous le répétons à M. Winterhalter: qu'il se dédie de l'affeterie et de la mignardise, qu'il songe à la destinée de Boucher, et qu'il se persuade bien que son talent, si remarquable, ne peut que gagner immensément à devenir plus ferme et plus sévère.

Deux genres se partagent encore aujourd'hui le domaine du paysage; mais tandis que l'un, qui est cultivé glorieusement par plusieurs de nos peintres, dignes de rivaliser avec les maîtres hollandais et flamands, consiste toujours à représenter fidèlement la nature champêtre, telle que nous la voyons commu

nément, l'autre système, que l'on pourrait regarder comme une réminiscence de la manière de Salvator Rosa, affectionne les pays stériles, les terrains tourmentés, les énormes quartiers de roche, les sables du désert, les arbres rabougris et dépouillés de verdure. Les tableaux exécutés dans ce système offrent ordinairement une scène en har. monie avec cette nature triste et sauvage. dans le but, plus ou moins complétement atteint par leurs auteurs, ou d'inspirer une terreur secrète, ou de faire naître une sombre mélancolie, ou de jeter l'âme dans une profonde contemplation. A ce système assez bizarre, plusieurs artistes ont adapté un mode d'exécution plus bizarre encore, et avec lequel ils sont arrivés en droite ligne à la laideur idéale, en fait de paysage. D'autres, mieux avisés, ont modifié quelque peu la nouvelle théorie, et, sans avoir encore produit un bon ouvrage, ils ont du moins fait preuve d'un talent que l'expérience et la raison peuvent ramener dans une voie plus heureuse. Tel est M. Corot, dont un Saint Jérome en prière dans un désert de Syrie, a été fort diversement jugé. M. Aligny et M.Edouard Bertin, qui appartiennent aussi d'assez près à ce système, doivent des succès plus solides au sage parti qu'ils ont pris d'en répudier les plus grands inconvénients. Le Prométhée enchaîné sur le Caucase, que le premier a exposé cette année, offre une composition grande, poétique et pittoresque, dont la pensée rappelle d'ailleurs le Polyphème de Poussin. Ce qu'on voudrait dans ce tableau, c'est un dessin plus correct pour ce qui regarde le Titan, une touche moins lourde, un coloris plus transparent et plus varié. M. Edouard Bertin nous a donné un Christ au mont des Oliviers, qui parle à l'imagination; mais ce tableau accuse une certaine négligence dans les arbres, et manque de vérité dans la couleur générale. La vue d'un ermitage près de l'iterbe, par le même artiste, est plus satisfaisante à beaucoup d'égards, bien qu'encore un peu mate de ton et tirant sur le gris. Quant aux paysagistes qui se contentent de bien observer la nature ordinaire, et de l'imiter avec une fidélité qui fait illusion, il faut placer M. Brascassat an premier rang. Entre autres tableaux de cet artiste

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