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Le Baron LAMBERMONT ne verrait pas d'inconvénients à ce que la décision sur ce point fût réservée à la Commission.

Le Baron DE COURCEL, LE PRÉSIDENT et le Baron LAMBERMONT échangent à ce sujet quelques considérations, et il reste entendu que la question sera renvoyée entière à la Commission. Les Membres de la Conférence s'engagent, d'ailleurs, à tenir secret ce qui se rapportera à cette partie de leurs travaux.

L'impression du projet rédigé par le Baron Lambermont et la réimpression des diverses Déclarations déjà adoptées séparément par la Conférence sont décidées pour faciliter le travail des Membres de la Commission.

M. KASSON désire, au préalable, appeler l'attention de la Haute Assemblée sur ce que le choix de la forme donnée à l'Acte définitif peut avoir une importance particulière pour le Gouvernement des États-Unis d'Amérique. La forme d'un Traité proprement dit serait peut-être de nature à soulever à Washington des objections dues à des scrupules constitutionnels et au respect de certaines traditions admises par la jurisprudence internationale américaine. En thèse générale, le Gouvernement des États-Unis n'envisage pas volontiers l'éventualité d'engagements réciproques qui le lient envers un ensemble de Puissances, cemme dans le cas où est signé un traité collectif. Eu égard à ces considérations, le Plénipotentiaire des États-Unis, pour rendre plus facile la ratification des Actes définifs par son Gouvernement, s'est attaché à lui présenter l'œuvre de la Conférence comme devant comprendre une série de Déclarations, auxquelles les puissances feraient adhésion. M. Kasson désirerait, en conséquence, que la forme de l'Acte final fût telle que l'accord des Puissances pût se manifester, en effet, sous cette forme spéciale d'adhésions individuellement données à des Déclarations, et non sous la forme d'un Traité général, liant tous les Gouvernements à un ensemble d'obligations réciproques et communes. Quant au fond, le résultat serait le même, puisque la série des adhésions données par les Puissances les obligerait à l'observation des arrangements conclus, au même degré que leur participation à un Traité.

La question ainsi soulevée donne lieu à des observations de la part d'un certain nombre de Membres de la Haute Assemblée, et notamment de la part du PRÉSIDENT, du Baron DE COURCEL, du Comte DE LAUNAY, du Baron LAMBERMONT, du Comte DE BENOMAR et de M. SANFORD. Diversprécédents sont cités et examinés.

Le PlénipotentiairE D'ESPAGNE rappelle notamment que son Gouvernement, après avoir pris part aux travaux du Congrès de 1815, n'avait, pour des motifs particuliers, pas cru pouvoir signer le Traité issu de ses délibérations. Le Cabinet de Madrid avait seulement adhéré plus tard au même Traité. Plusieurs

Membres de la Conférence et le PRÉSIDENT de la Haute Assemblée expriment l'avis que ce précédent pourrait être suivi dans le cas où le Gouvernement des États-Unis aurait des objections contre la forme adoptée par les Gouvernements Européens pour sanctionner les décisions prises par la Conférence. La question est d'ailleurs renvoyée à la Commission avec toutes celles concernant la préparation de l'Acte final.

LE PRÉSIDENT fait connaître que le Plénipotentiaire des Pays-Bas s'est excusé, pour cause de maladie, de ne pouvoir assister à la Conférence.

Le Comte DE BENOMAR désire que les observations présentées par lui à la Commission relativement au droit de visite sur la côte occidentale d'Afrique, et qui ont été reproduites sous le n° 40 des documents imprimés, soient annexées au Protocole de la présente séance.

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ANNEXE AU PROTOCOLE N° 8.

RAPPORT

de la Commission chargée d'examiner le projet de Déclaration
relative aux occupations nouvelles sur les côtes d'Afrique.

Messieurs, dans votre réunion du 7 janvier, vous avez abordé le troisième et dernier objet de la tâche qui vous était assignée: la définition des formalités requises pour faire considérer à l'avenir comme effectives des occupations de territoires sur les côtes d'Afrique.

Après un échange général de vues à ce sujet, vous avez décidé de renvoyer à une Commission le projet qui vous avait été soumis.

Cette Commission, aux travaux de laquelle ont participé la plupart des Plénipotentiaires assistés de leurs Délégués, s'est réunie les 15 et 16 janvier; elle a successivement discuté les divers points qu'elle avait à traiter et elle a chargé un Comité de rédaction de fixer le texte des résolutions auxquelles elle s'est arrêtée.

Le projet sur lequel s'est établie la discussion est sous vos yeux; il a été présenté par les Plénipotentiaires de l'Allemagne, de concert avec le Plénipotentiaire de France.

Les lettres d'invitation adressées aux Gouvernements, les discours que vous avez entendus à l'ouverture de vos travaux, avaient à l'avance indiqué la pensée générale de ce projet, qui est de prévenir les contestations ou les malentendus auxquels pourraient donner lieu les occupations nouvelles. La Commission a été unanime à l'accepter comme base de ses délibérations.

Elle s'est trouvée également d'accord pour admettre que la Déclaration ne s'appliquerait qu'aux occupations futures.

Les débats ont porté sur des sujets multiples qui vont être successivement passés en

revue.

Vous remarquerez d'abord de légères retouches dans le titre et le préambule de l'Acte. Le terme de formalités n'était pas strictement applicable aux article 2 et 3 de la Déclaration. De plus, M. le Ministre des États-Unis avait désiré que le titre même précisât que les obligations imposées ne sont qu'un minimum. C'est dans cet esprit que le Comité de rédaction a substitué aux mots: formalités à observer ceux de conditions essentielles à remplir. Le préambule prévoyait l'introduction d'une doctrine uniforme en matière d'occupation. Il a paru qu'il convenait mieux de formuler des règles uniformes dans un document qui édicte des prescriptions formelles.

Le projet de Déclaration ne vise que les côtes d'Afrique. La convenance de cette restriction a été contestée. M. l'Ambassadeur d'Angleterre aurait préféré que les règles qui vont être établies pour les prises de possessions nouvelles en Afrique fussent rendues applicables à tout le continent africain. A l'appui de sa proposition, il a invoqué ce fait que les côtes d'Afrique sont bien près d'être occupées dans toute leur étendue et que, réduites à cette zone, les formalités prévues auront assez peu de valeur pratique. M. l'Ambassadeur de France n'a pas partagé ce sentiment. S'il est vrai qu'il reste peu de territoires disponibles à

la côte, ces territoires ont en revanche une importance qui justifie les dispositions nouvelles dont ils seraient l'objet. Sur le littoral, d'ailleurs, le terrain est bien défini, tandis qu'en fait de délimitations territoriales la part du vague et de l'inconnu est encore très grande dans l'intérieur de l'Afrique. De son côté, M. le Sous-Secrétaire d'État Busch ne s'est pas déclaré, en principe, hostile à la proposition de sir Edward Malet; mais il a fait observer qu'elle implique forcément la détermination précise et prochaine de l'état de possession de chaque Puissance en Afrique.

M. le Ministre des États-Unis ayant émis l'idée qu'une telle délimitation offrirait de sé rieux avantages et contribuerait à prévenir des conflits futurs, on a objecté que le résultat inverse serait plutôt à craindre. Une définition exacte des possessions actuelles aboutirait en fait à un partage de l'Afrique. Au surplus, a-t-on ajouté, la Conférence a reçu la mission exclusive de statuer pour l'avenir; les situations acquises échappent à ses décisions.

Ces observations ont clos la discussion sur ce point.

Quelques remarques ont été échangées au sujet de la notification prescrite par l'article 1.

L'utilité de cette formalité n'a été mise en question par aucune des Puissances représentées dans la Commission. M. l'Ambassadeur d'Angleterre aurait même jugé désirable que la notification contînt toujours une détermination approximative des limites du territoire occupé ou protégé. D'autres Membres de la Commission, sans se montrer opposés en principe à cette modification, ne la croient point nécessaire. C'est, d'après eux, plutôt une question de forme que de fond. Notifier l'occupation ou la prise de possession d'un territoire implique nécessairement une définition plus ou moins précise de la situation de ce territoire, particulièrement à la côte qui seule tombe sous l'application des règles à établir. Inutile en général, la condition nouvelle qu'il s'agit d'imposer pourrait, en certaines circonstances, entrainer des difficultés ou des inconvénients.

M. l'Ambassadeur d'Angleterre, à la suite de ces explications, n'insiste pas; il reste entendu toutefois que la notification est inséparable d'une certaine détermination de limites, et que les Puissances intéressées pourront toujours réclamer tels éclaircissements supplémentaires qui leur paraîtraient indispensables pour sauvegarder leurs droits ou leurs

intérêts.

L'article 1 a donné lieu à quelques autres observations qu'il convient de rappeler sommairement afin d'en préciser le sens et la portée.

M. l'Ambassadeur d'Angleterre avait demandé la suppression des mots: situés en dehors de ses possessions actuelles. Cette expression, en effet, pouvait faire supposer que les règles à établir obligeraient seulement les Puissances qui ont des possessions en Afrique, tandis que ces règles doivent être obligatoires pour toutes les Puissances signataires. Mais, d'un autre côté, M. le comte de Benomar a fait justement observer qu'il n'était pas indifférent de bien marquer que les dispositions arrêtées par la Conférence ne s'appliqueraient pas aux possessions actuelles. Le Comité de rédaction a proposé une formule qui répond à ces diverses préoccupations.

La Puissance qui notifie est-elle tenue d'attendre indéfiniment la réponse de toutes les autres? L'idée a été suggérée de fixer un délai de rigueur, mais cette motion a été écartée par des considérations de courtoisie internationale. On a été d'accord pour admettre un délai raisonnable.

La notification doit-elle amener la reconnaissance immédiate du caractère effectif de l'occupation, ainsi que cela semblait résulter du texte soumis à la Commission? M. l'Ambassadeur d'Angleterre inclinait à borner l'obligation au fait seul de la notification, sans

mettre la Puissance qui la reçoit dans l'alternative ou de reconnaître sans délai, ou de formuler sur-le-champ ses objections. Cette manière de voir a été partiellement accueillie. M. le Sous-Secrétaire d'État Busch a proposé, à ce point de vue, de supprimer les termes se rapportant à la reconnaissance du caractère effectif de l'occupation. En effet, suivant des observations concordantes de M. le baron Lambermont, l'occupation ne saurait être vraiment effective au moment même de la prise de possession; elle ne le deviendra que plus tard, par l'accomplissement de conditions qui impliquent une idée de continuité et de permanence. On ne peut donc rien reconnaître ni contester à cet égard au lendemain de la notification. Celle-ci atteint pleinement son but en permettant aux tiers, dùment avertis, de faire valoir leurs propres titres ou leurs réclamations. La notification n'est pas encore universellement consacrée par la pratique; envisagée comme il vient d'être dit, elle sera une innovation utile dans le droit public. Ces considérations ont déterminé la suppression des termes de le reconnaître comme effectif et le maintien des mots : de faire valoir, s'il y a lieu, leurs réclamations.

Enfin quelles sont les réclamations qui pourraient être opposées à la Puissance qui notifie une occupation ou un protectorat? Toute réclamation, quelle que soit sa nature, est-elle suspensive des droits acquis? Ces questions ont été formulées par M. l'Ambassadeur d'Italie.

Les réclamations se fonderont le plus habituellement sur des droits antérieurs, comme l'un des Plénipotentiaires de l'Allemagne en a fait la remarque, mais sans y attacher une portée exclusive. Selon M. le premier Plénipotentiaire des États-Unis et M. le Ministre des Pays-Bas, les objections pourraient, indépendamment des droits acquis, s'appuyer sur des relations déjà établies, des rapports de commerce, par exemple. L'un des Plénipotentiaires portugais ayant demandé si l'on pourrait substituer aux termes de réclamations ceux mêmes de droits antérieurs, la Commission a été d'avis que cette rédaction paraîtrait trop restrictive. Il peut, en effet, à côté des droits, se présenter des considérations ou des situations dont il serait équitable de tenir compte. En cas de désaccord persistant, qui tranchera le différend? On se trouve alors dans le cas des difficultés qui surgissent dans les relations internationales et pour l'aplanissement desquelles les voies indiquées par la procédure diplomatique restent ouvertes. M. l'Ambassadeur de Turquie a suggéré une clause d'arbitrage. La Commission, sans contester la valeur de ce moyen et en rendant hommage à la pensée qui l'inspirait, a cependant estimé qu'il serait probablement difficile d'amener tous les Gouvernements à aliéner, en pareil cas, leur liberté d'action.

De l'ensemble de ces discussions il est résulté qu'un acquiescement unanime n'est pas la condition préalable de la validité d'une prise de possession.

L'article 2 de la Déclaration a pour but de définir les conditions d'une occupation effective. Il détermine le minimum des obligations qui incombent à l'État occupant.

La formule primitivement soumise aux délibérations de la Commission imposait les mêmes devoirs à l'État qui occupait et à celui qui n'assumait qu'un protectoral.

Cette disposition a donné lieu à un examen étendu au sein de la Commission comme du Comité de rédaction. Diverses formules furent proposées, mais elles n'écartaient pas toutes les difficultés que la discussion avait révélées.

En dernier lieu, M. le Sous-Secrétaire d'État Busch a fait connaître qu'il acceptait la suppression, antérieurement proposée par M. l'Ambassadeur d'Angleterre, des termes qui soumettent les territoires protégés aux mêmes conditions que les territoires occupés. En conséquence, les mots ou placé sous leur protectorat ont été éliminés.

Les conditions de l'occupation effective, d'après la formule qui a servi de base à la discussion, se résumaient dans l'obligation d'établir et maintenir dans les territoires occupés une

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