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pour éviter toute ambiguïté dans les termes de la propositition de Son Excellence l'Ambassadeur d'Angleterre, il serait utile de spécifier nommément :

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Son Excellence le Baron de Courcel partage, d'ailleurs, l'opinion de M. Busch relativement à l'utilité de viser d'une part l'interdiction déjà existante, frappant la traite par mer, et, d'autre part, l'interdiction qu'il s'agirait d'instituer, conformément aux vues du Représentant de l'Angleterre.

Dans cet ordre d'idées, je viens soumettre à l'attention de la Commission quelques observations pratiques au sujet de la suppression de la traite par mer sur la côte occidentale d'Afrique.

Quand l'Europe, réunie en Congrès à Vienne, à Aix-la-Chapelle et à Vérone, a flétri la traite avec raison et justice, la situation était bien différente de celle d'aujourd'hui.

D'un côté, on trouvait des nations chez lesquelles existait l'esclavage ou qui le toléraient dans leurs colonies; d'un autre, la côte occidentale d'Afrique, dominée dans presque toute son étendue par des peuplades nègres sauvages dont les chefs vendaient les prisonniers de guerre au plus offrant, était le siège principal du commerce immoral et réprouvé, appelé la traite.

Les mesures que les Puissances se sont vues dans la nécessité d'adopter, d'un commun accord, pour remédier à cet état de choses, ont dû être empreintes d'une grande sévérité, parce que les marchands d'esclaves de tous les pays, entraînés par l'intérêt, ne mettaient plus de limites à leur audace.

Je ne veux citer qu'un seul exemple de cette sévérité alors nécessaire.

En vertu du traité conclu entre l'Espagne et la Grande-Bretagne, le 28 juin 1835, les croiseurs Espagnols dont les commandants sont dûment autorisés à cet effet, ont le droit de visiter les navires marchands Anglais soupçonnés de faire la traite ou d'être équipés pour la faire. Ce droit peut s'exercer dans toutes les mers au Sud du 37° latitude Nord, à l'exception de la Méditerranée, etc., c'est-à-dire dans la mer qui baigne toute la côte occidentale d'Afrique, depuis l'entrée du détroit de Gibraltar jusqu'au cap de Bonne-Espérance, et même aux embouchures des rivières, si l'on veut interpréter largement le paragraphe 4 de l'article 4 dudit traité de 1835.

Les croiseurs Espagnols ont non seulement le droit de visiter les navires Anglais soupçonnés de faire la traite ou d'être équipés pour la faire, mais aussi celui de les arrêter et de les emmener pour être jugés, s'ils ont à bord, d'après l'opinion du commandant du croiseur, plus d'eau qu'il est nécessaire pour pourvoir au besoin de l'équipage, ou une chaudière de dimensions trop grandes ou une trop grande provision de riz, ou une trop grande quantité de farine de maïs, ou d'autres approvisionnements ou aménagements du même genre que l'article 10 du traité de 1835 considère comme étant un indice indiquant, prima facie, que le navire visité est employé à la traite.

Par ledit traité de 1835, les croiseurs Anglais ont, par une juste réciprocité, les mêmes droits sur les navires marchands Espagnols.

Ces droits sont tombés en désuétude parce que l'esclavage a été aboli, pour le bien de la civilisation et la gloire des Puissances chrétiennes qui l'ont supprimé dans leur territoire ou dans celui de leurs colonies, et aussi parce que la côte occidentale de l'Afrique, qui était le marché d'esclaves pour la traite au long cours, est aujourd'hui occupée presque dans toute son étendue par les Puissances d'Europe, de sorte que la traite y est seulement possible dans la forme de cabotage, de chef de tribu à chef de tribu, et cela seulement dans les quelques

portions de la côte qui ne sont pas dans la possession ou sous le protectorat d'une Puissance chrétienne.

Les droits énormes dérivant du traité de 1835 et d'autres similaires, quoiqu'ils ne soient plus en usage, sont néanmoins en vigueur et forment la seule législation internationale existante. Ils sont une menace constante pour la liberté du commerce et de la navigation que la Conférence a établie dans les immenses territoires du Congo et dans les embouchures du Congo et du Niger.

Le Gouvernement que j'ai l'honneur de représenter est disposé à abandonner ces droits qui aujourd'hui n'ont plus de raison d'être, une fois disparues les causes qui ont fait adopter des mesures aussi sévères. Il l'a fait savoir, dans les termes les plus amicaux, au Gouvernement de Sa Majesté Britannique et il espère pouvoir arriver à un accord en ce qui touche la côte occidentale de l'Afrique et les mers situées depuis l'entrée du détroit de Gibraltar jusqu'au cap de Bonne-Espérance.

Le besoin se fait sentir dans ces mers de donner à la navigation et au commerce toutes les garanties et toutes les assurances contre un abus éventuel; garanties et assurances dont le commerce ne jouira, tant qu'il y aura des traités comme celui de 1835.

Je ne viens pas présenter une proposition, je ne fais qu'expliquer la situation telle qu'elle est aujourd'hui et exprimer un vœu dans l'espoir qu'un jour il se réalise.

Ce vœu a deux objets:

1o Annuler, d'un commun accord, en ce qui touche la côte occidentale d'Afrique, les traités relatifs au droit de visite, puisque les circonstances qui ont motivé l'ensemble de leurs dispositions ont complètement disparu. Seulement ainsi on pourra assurer la parfaite et absolue liberté de navigation depuis le détroit de Gibraltar jusqu'au cap de Bonne-Espérance, liberté de navigation qui doit être le complément de l'œuvre de la Conférence.

2° Remplacer les stipulations des traités sur le droit de visite par des mesures adaptées à l'état actuel des choses, qui soient efficaces et puissent faire disparaître complètement la traite par mer sur la côte occidentale de l'Afrique.

Ces mesures pourraient être les suivantes :

(a) Surveillance par un ou deux navires des Puissances signataires, faisant ce service à tour de rôle et pendant une durée d'un an ou de six mois, ladite surveillance s'exerçant le long des parties de la côte qui ne seraient pas occupées ou placées sous le protectorat d'une Puissance civilisée, et où pourrait exister le danger que l'on fasse la traite par mer, d'après l'avis des Puissances ou de la Commission internationale du Congo.

Ces croiseurs pourraient saisir seulement les navires ayant à leur bord un grand nombre de nègres, si les capitaines ne peuvent pas prouver qu'ils sont à bord de leur propre gré et ne sont ou ne vont pas être conduits en esclavage.

(b) Création d'un tribunal composé des consuls établis au Congo pour juger, d'après des règlements arrêtés d'un commun accord par les Puissances, les capitaines des navires saisis.

PROTOCOLE N° 9.

SÉANCE DU 23 FÉVRIER 1885.

Étaient présents:

Pour l'Allemagne :

M. BUSCH; M. de KUSSEROW.

Pour l'Autriche-Hongrie :

M. le Comte SZÉCHÉNYI.

Pour la Belgique :

M. le Comte VAN DER STRATEN PONTHOZ; M. le Baron LAMBERMONT.

Pour le Danemark :

M. de VIND.

Pour l'Espagne :

M. le Comte de BENOMAR.

Pour les États-Unis d'Amérique :

M. JOHN A. KASSON; M. HENRY S. SANFORD.

Pour la France :

M. le Baron de COURCEL.

Pour la Grande-Bretagne :

Sir EDWARD MALET.

Pour l'Italie :

M. le Comte de LAUNAY.

Pour le Portugal:

M. le Marquis de PENAFIEL.; M. de SERPA PIMENTEL.

Pour la Russie :

M. le Comte KAPNIST.

Pour la Suède et la Norvège :

M. le Général Baron BILDT.

Pour la Turquie :

M. SAID PACHA.

La séance est ouverte à trois heures et demie, sous la Présidence de M. BUSCH.

le

Le PRÉSIDENT, avant d'aborder l'ordre du jour, fait part à la Haute Assemblée d'une lettre qui a été adressée à S. A. S. le Prince de Bismarck par Président de l'Association internationale du Congo et qui est ainsi conçue:

« Prince, l'Association internationale du Congo a successivement conclu avec les Puissances représentées à la Conférence de Berlin (moins une) des traités qui, parmi leurs clauses, contiennent une disposition reconnaissant son pavillon comme celui d'un État ou d'un Gouvernement ami. Les négociations engagées avec la dernière Puissance aboutiront, tout permet de l'espérer, à une prochaine et favorable issue.

« Je me conforme aux intentions de Sa Majesté le Roi des Belges, agissant en qualité de fondateur de cette Association, en portant ce fait à la connaissance de Votre Altesse Sérénissime.

La réunion et les délibérations de l'éminente Assemblée qui siège à Berlin sous votre haute Présidence ont essentiellement contribué à hàter cet heureux résultat. La Conférence, à laquelle j'ai le devoir d'en rendre hommage, voudra bien, j'ose l'espérer, considérer l'avènement d'un Pouvoir qui se donne la mission exclusive d'introduire la civilisation et le commerce au

centre de l'Afrique, comme un gage de plus des fruits que doivent produire ses importants travaux.

Je suis, avec le plus profond respect, de Votre Altesse Sérénissime le très humble et très obéissant serviteur.

STRAUCH.

AS. A. S. le Prince de BISMARCK, Président de la Conférence de Berlin. »

M. Busch fait suivre cette communication des paroles ci-après :

Messieurs, je crois être l'interprète du sentiment unanime de la Conférence en saluant comme un événement heureux la communication qui nous est faite et qui constate la reconnaissance à peu près unanime de l'Association internationale du Congo. Tous, nous rendons justice au but élevé de l'œuvre à laquelle Sa Majesté le Roi des Belges a attaché son nom; tous, nous connaissons les efforts et les sacrifices au moyen desquels il l'a conduite au

point où elle est aujourd'hui; tous, nous faisons des vœux pour que le succès le plus complet vienne couronner une entreprise qui peut seconder si utilement les vues qui ont dirigé la Conférence. »

Le Baron DE COURCEL prend ensuite la parole dans les termes suivants :

«En qualité de Représentant d'une Puissance dont les possessions sont limitrophes de celles de l'Association internationale du Congo, je prends acte avec satisfaction de la démarche par laquelle cette Association nous notifie son entrée dans la vie internationale. J'émets, au nom de mon Gouvernement, le vœu que l'État du Congo, territorialement constitué aujourd'hui dans des limites précises, arrive bientôt à pourvoir d'une organisation gouvernementale régulière le vaste domaine qu'il est appelé à faire fructifier. Ses voisins seront les premiers à applaudir à ses progrès, car ils seront les premiers à profiter du développement de sa prospérité et de toutes les garanties d'ordre, de sécurité et de bonne administration dont il entreprend de doter le centre de l'Afrique.

« Le nouvel État doit sa paissance aux aspirations généreuses et à l'initiative éclairée d'un Prince entouré du respect de l'Europe. Il a été voué, dès son berceau, à la pratique de toutes les libertés. Assuré du bon vouloir unanime des Puissances qui se trouvent ici représentées, souhaitons-lui de remplir les destinées qui lui sont promises sous la sage direction de son Auguste Fondateur, dont l'influence modératrice sera le plus précieux gage de son avenir.

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Le Comte KAPNIST dit s'associer, d'après ses instructions, à l'hommage que ses collègues ont rendu à l'initiative éclairée et féconde prise par S. M. le Roi des Belges.

Sir Edward MALET s'exprime, de son côté, comme suit :

«La part que le Gouvernement de la Reine a prise dans la reconnaissance du drapeau de l'Association comme de celui d'un Gouvernement ami m'autorise à exprimer la satisfaction avec laquelle nous envisageons la constitution de ce nouvel État, due à l'initiative de S. M. le Roi des Belges. Pendant de longues années, le Roi, dominé par une idée purement philanthropique, n'a rien épargné, ni efforts personnels, ni sacrifices pécuniaires, de ce qui pouvait contribuer à la réalisation de son but. Cependant le monde en général regardait ces efforts d'un œil presque indifférent. Par-ci par-là, Sa Majesté soulevait la sympathie, mais c'était, en quelque sorte, plutôt la sympathie de la condoléance que celle de l'encouragement. On croyait que l'entreprise était au-dessus de ses forces, qu'elle était trop grande pour réussir. On voit maintenant que le Roi avait raison et que l'idée qu'il poursuivait n'était pas une utopie. Il l'a menée à bonne fin, non sans difficultés; mais ces difficultés

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.

Congo.

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