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ractère spécial aucun obstacle à son action (1).

Il suit de là que la double poursuite du ministère public et de l'administration est la règle de cette matière comme elle l'est en matière de douanes, de délits forestiers et de pêche fluviale. Ainsi, il n'y a point lieu de distinguer, comme le fait la jurisprudence, entre les contraventions à la garantie des matières d'or et d'argent, à l'égard desquelles la loi autorise expressément l'intervention du ministère public (2), et les contraventions relatives aux autres branches du même service. Ainsi, les arrêts qui ont déclaré le ministère public non recevable, tantôt à poursuivre un délit de fraude (3), tantôt à se pourvoir contre un jugement ou un arrêt (4), ont méconnu ses droits et ses prérogatives. Son action est générale, elle s'étend à tous les faits que la loi a qualifiés délits, à tous les délits qui sont attribués à la juridiction correctionnelle; elle ne s'arrête que là où, comme en matière de simple police, elle trouve des limites posées par la loi.

Toutefois, M. Mangin, après avoir établi, en suivånt la jurisprudence, l'exclusion du ministère public, ne la fait porter que sur les faits passibles

(1) Voyez, sur ce point et dans le même sens, les observations de M. Sulpicy, dans le Journal du palais, tom. XV, p. 802.

(2) L. 19 brum. an 6, art. 102.

(3) Arr. cass. 24 fév. 1820 (J. P., tom. XV, p. 802).

(4) Arr. cass. 25 août 1827 (J. P., tom. XXI, p. 772); 1er avril 1837 et 6 mars 1840 (J. du dr. cr., tom. IX, p. 356, et tom. XII, p. 279).

d'amendes et de confiscations; mais si la contravention donne lieu à l'emprisonnement, chose très rare en cette matière, il reprend sa compétence pour poursuivre (1). Cette distinction s'appuie sur un arrêt rendu en matière de douanes et portant que l'emprisonnement est une peine personnelle dont l'application ne peut être poursuivie que par les fonctionnaires chargés de l'exercice de l'action publique (2). » On doit remarquer, d'abord, que cette règle restrictive, destinée à circonscrire les conséquences de l'action administrative, n'est rien moins qu'absolue, puisqu'en matière forestière, les préposés de l'administration ont le pouvoir de requérir la peine d'emprisonnement aussi bien que les peines pécuniaires. Ensuite, il résulte de ce système que le ministère public est non recevable à se pourvoir contre un jugement, lorsque la contravention n'est passible que de peines pécuniaires, et que, d'un autre côté, la régie est, à son tour, non recevable lorsque la contravention est passible d'emprisonnement; or il est douteux que cette double incompétence conduise à des résultats favorables à la justice. Cette difficulté n'existe plus dès que les deux fonctions concourent au même but.

Ce n'est point que le procureur du roi doive incessamment intervenir sur tous les procès-verbaux de contraventions; c'est là la tâche des préposés,

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et ils doivent la remplir. Mais nous croyons qu'une haute surveillance sur les poursuites, avec la faculté d'intervenir, s'il le juge convenable, doit lui être réservée. L'administration n'est, après tout, qu'une partie civile à qui la loi a permis, dans un intérêt fiscal, de requérir l'application de certaines peines pécuniaires. Elle remplit quelques-unes des fonctions de la partie publique, mais elle ne la remplace pas. Il est utile, dans l'intérêt de la justice et dans l'intérêt même de l'administration, que le ministère public, partie principale toutes les fois qu'il s'agit d'un délit et d'une peine, surveille l'application des lois dans cette matière aussi bien que dans toutes les autres.

L'administration des douanes est régie par les mêmes règles que celle des contributions indirectes; elle a les mêmes priviléges et la même action.

Le droit de l'administration de poursuivre la réparation des contraventions aux lois de douanes est établi par plusieurs textes de cette législation spéciale, et notamment par les art. 1o, tit. 12, de la loi du 6-22 août 1791, 3 et 4 de la loi du 15 août 1793, 14 et 18, tit. 6, de la loi du 4 floréal an 2,5 et 6 de la loi du 14 fructidor an II, enfin, par l'art. 6, tit. 4, de la loi du 9 floréal an vii. Les lois postérieures (1) et la jurisprudence n'ont fait que maintenir et confirmer ce droit. Mais comme,

(1) Voy. les lois des 17 déc. 1814, 28 avril 1816, 27 mars 1817 et 21. avril 1818.

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dans l'origine surtout, la plus grande part des contraventions était poursuivie par la voie civile, et que l'art. 20 du tit. 4 de la loi du 4 floréal an II portait : « S'il y a lieu à procédure criminelle, on suivra les règles prescrites par les lois sur la justice criminelle; » la question s'était élevée de savoir si la régie pouvait exercer son droit de poursuite devant les tribunaux criminels. La Cour de cassation a résolu cette difficulté par plusieurs arrêts portant: « que la régie des douanes est un établissement public, chargé non-seulement de constater les contraventions aux lois par lesquelles l'introduction ou la sortie de certaines denrées et marchandises est ou prohibée ou assujétie au paiement des droits; que ces fonctions sont attribuées sans distinction à la régie pour les poursuites qui se font, tant devant les tribunaux civils que devant ceux de police correctionnelle, ce qui résulte de la nécessité évidente de confier à l'intérêt des agents publics l'exercice habituel de ces poursuites, ainsi que de la disposition expresse des lois (1). »

Le principe posé, la Cour de cassation en a tiré les conséquences, en décidant: 1° que la régie a le droit de poursuivre, même en appel, les délits dont la connaissance est attribuée aux tribunaux correctionnels (2); 2° qu'elle peut, nonobstant l'ac

(1) Arr. cass. 26 vend. et 1er germ. an 9 (Dev. et Car., tom. I, p. 376. J. P., tom. II, p. 14).

(2) Mêmes arrêts.

que

quiescement du ministère public au premier jugement, interjeter appel, et que son appel saisit le tribunal supérieur de toute l'affaire, lors même le ministère public ne se serait pourvu que contre un des chefs du jugement. Les motifs de cette dernière décision sont : « que la régie des douanes est autorisée à requérir contre les contrevenants la confiscation et l'amende, tant devant les tribunaux criminels que devant les tribunaux civils, à la différence des autres parties civiles, qui ne peuvent conclure que sur les dommages-intétêts les concernant; que les tribunaux peuvent prononcer la confiscation et l'amende sur la seule réquisition de l'administration des douanes, même lorsque l'officier du ministère public donnerait des conclusions contraires; d'où il suit que la régie des douanes peut, nonobstant le silence du ministère public, appeler du jugement qui a refusé de faire droit à ses réquisitions, et renouveler devant la cour de justice criminelle les demandes qu'elle avait formées devant le tribunal de première instance (1). »

Mais, à côté du droit de poursuite attribué à l'administration, se trouve le droit du ministère public. Ce pouvoir n'est plus ici contesté comme en matière de contributions indirectes; la jurisprudence, d'abord, et la loi ensuite, l'ont pleinement consacré.

(1) Arr. cass. 25 juillet et 19 déc. 1806 (J. P., tom. V, 594).

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