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Les lois du 6-22 août 1791 et 4 germinal an 2 attribuaient aux juges de paix toutes les contraventions commises en matière de douanes; ces contraventions ne donnaient lieu qu'à une action civile, et la régie seule pouvait les poursuivre (1). Ce n'est que lorsque certaines contraventions de douanes commencèrent d'être attribuées aux tribunaux correctionnels que le ministère public, investi d'une action générale pour la poursuite des délits, prit des réquisitions pour assurer leur répression. La première trace de cette intervention se rencontre dans un arrêt du 16 messidor an XIII. L'administration s'était pourvue par tierce opposition contre un jugement correctionnel qui avait annulé une saisie sans qu'elle eût été représentée à l'audience par l'un de ses agents. La cour de justice criminelle du Haut-Rhin repoussa cette prétention, et le pourvoi formé contre cet arrêt fut également rejeté : « attendu qu'en matière de douanes, le procureur impérial a qualité pour représenter la régie (2). » Cette décision ne s'appuie

sur aucun texte.

Ce point de compétence ne fut réglé que par les lois des 17 décembre 1814, 28 avril 1816 et 21 avril 1818. Ces lois, en effet, transportèrent aux tribunaux correctionnels la plupart des faits de contrebande, et chargèrent expressément les pro

(1) Arr. cass. 8 déc. 1837 (Journal du droit criminel, tom. IX, p. 351).

(2) Arr. cass. 16 mess. an 13 (Dev, et Car., tom, II, p. 135).

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cureurs du roi de les poursuivre, même d'office (1). Dès lors, les difficultés ont cessé sur le droit luimême; elles ne peuvent exister que sur son étendue. Mais la Cour de cassation, généralisant toutes ces dispositions dans une seule règle, déclara : « que le ministère public est toujours partie principale et a qualité pour procéder, par voie d'ac tion, dans toutes les affaires de douanes de la com'pétence des tribunaux correctionnels (2).

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Voilà donc la même action, l'action publique, à la fois exercée, d'une part, par la régie, de l'autre, par le ministère public, pour poursuivre les mêmes délits, les mêmes contraventions. Comment ces deux fonctions, dirigées vers le même but, peuvent-elles se concilier ? Dans quelles limites l'une et l'autre doivent-elles être exercées? La jurisprudence a essayé de résoudre cette difficulté par une distinction: l'action de l'administration est directe et principale dans toutes les affaires qui ne donnent lieu qu'à des amendes et confiscations (3) ; elle redevient purement civile, et dès lors accessoire, lorsque la contravention est passible de la peine d'emprisonnement : « Attendu, suivant la

(1) L. 17 déč. 1814, art. 19; l. 28 avril 1816, art. 66, ainsi conçu: Les poursuites seront dirigées par le procureur du roi, et les délinquants seront condamnés à la confiscation des marchandises avec amende de 1500 fr. — L. 21 avril 1818, art. 37, ainsi conçu: « Les procureurs du roi sont substitués aux prévôts pour exercer d'office les poursuites...

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(2) Arr. cass. 21 nov. 1828 (Dev. et Car., tom. IX, p. 188).
(3) Arr. cass. 8 déc. 1838 (J. du droit cr., tom. II, p. 292).

Cour de cassation, que la peine d'emprisonnement est une peine corporelle dont l'application ne peut être poursuivie que par les fonctionnaires chargés de l'exercice de l'action publique, et que l'administration des douanes n'a d'action que relativement aux condamnations qu'il peut y avoir lieu de prononcer dans son intérêt particulier (1). »

Mais cette distinction se borne à indiquer la limite qui pourrait séparer les deux pouvoirs; elle ne les sépare qu'imparfaitement. En effet, la régie peut, d'après une pratique que nous examinerons ailleurs, transiger même sur des faits passibles de l'emprisonnement ("); elle arrête donc par sa transaction l'action publique, elle la subordonne à sa décision. D'un autre côté, le ministère public, en vertu de son droit général, peut requérir instruction et jugement sur des contraventions qui n'emportent que des peines pécuniaires, tant qu'il n'est pas justifié d'une transaction définitive de la régie (3). Ainsi, les deux autorités ne sont pas indépendantes l'une de l'autre, elles ne se meuvent pas dans un cercle distinct; leurs attributions se trouvent, à certains égards, confondues; mais cette confusion est la conséquence directe des deux exceptions au droit commun créées en faveur de l'administration: le droit de transaction et le droit

(1) Arr. cass. 23 fév. 1811 (J. P., tom. IX, p. 130).

(2) Arrêté du 14 fructidor an 10, non inséré au Bulletin des lois ; ord. 30 janv. 1822. Mangin, tom. I, no 47, p. 89.

(3) Arr. cass. 21 nov. 1828 (Dev. et Car., tom. IX, p. 189).

d'exercer l'action publique. Le seul moyen de tempérer ces inconvénients est de bien apprécier, en cette matière, le véritable caractère des deux parties.

L'administration des douanes n'est, comme celle des contributions indirectes, qu'une partie civile à qui la loi a attribué, dans l'intérêt du trésor, le droit de poursuivre la répression de certains faits de fraude. Elle exerce donc partiellement l'action publique en ce qu'elle peut requérir, à l'égard de ces faits, l'application des peines légales. Mais, le ministère public, qui exerce cette action tout entière, comprend nécessairement dans ses attributions l'attribution partielle qui a été déléguée à la régie, puisque la loi ne l'en a pas formellement exclu. Les condamnations que la régie requiert, il pourrait donc les requérir, et ce n'est que pour suppléer à son intervention, et non pour la remplacer, que l'administration a été investie de ce pouvoir exceptionnel. De là cette double conséquence que le ministère public peut et doit surveiller toutes les poursuites qui sont exercées par la régie, mais qu'il ne doit agir directement que lorsque l'intérêt fiscal se complique d'un intérêt général ou lorsque la loi lui paraît froissée dans son application.

la

L'administration des eaux et forêts exerce, pour poursuite des délits qui la concernent, des fonctions qui sont plus nettement définies que celles des contributions indirectes et des douanes.

Ces fonctions s'appliquent à la poursuite soit des délits forestiers, soit des délits de pêche.

En matière de délits forestiers, l'attribution faite à l'administration est établie par plusieurs textes.

L'art. 1 du tit. 9 de la loi du 15-29 septembre 1791 est ainsi conçu: « La poursuite des délits et malversations commis dans les bois nationaux et des contraventions aux lois forestières sera faite au nom et par les agents de la conservation générale. »

Le Code d'instruction criminelle a reproduit cette disposition dans ses art. 19 et 182. « Art. 19: Le conservateur, inspecteur ou sous-inspecteur fera citer les prévenus ou les personnes civilement responsables devant le tribunal correctionnel. » «Art. 182 Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle,... des délits forestiers par le conservateur, inspecteur ou sous-inspecteur forestiers ou par les gardes généraux.

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Enfin les art. 159 et 183 du Code forestier portent « Art. 159: L'administration forestière est chargée, tant dans l'intérêt de l'État que dans celui des autres propriétaires de bois et forêts soumis au régime forestier, des poursuites en réparation de tous délits et contraventions commis dans les bois et forêts, sauf l'exception mentionnée en l'art. 87. Elle est également chargée de la poursuite en réparation des délits et contraventions spécifiés aux art. 134, 143 et 219. Les actions et

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