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dénonciation soit portée devant toutes les chambres assemblées, que le procureur général soit mandé et entendu; ce n'est qu'après ces formes remplies que la poursuite peut être ordonnée. Comment admettre donc que le même droit puisse être exercé encore, non plus par les chambres réunies, mais par une seule chambre de la cour; non plus sur la dénonciation d'un membre qui en prend la responsabilité vis-à-vis de tous ses collègues, mais sur les bruits les plus vagues et les plus obscurs; non plus après avoir entendu le procureur général, mais d'office et sans renseignements? N'y aurait-il pas une évidente contradiction dans cette double attribution du même droit avec des conditions si diverses? Si la chambre d'accusation est compétente pour l'exercer, pourquoi rassembler les chambres pour ne faire que ce qu'elle fait? Il faut chercher la solution dans la raison de la loi et non dans un texte embarrassé et confus; or, puisque la loi a accordé le droit d'ordonner des poursuites nouvelles aux chambres réunies, il est évident qu'elle n'a pu accorder la même prérogative à une seule de ces chambres. La chambre d'accusation enveloppe dans les poursuites dont elle est saisie tous les faits qui s'y rattachent ou qu'elle y découvre; elle évoque, comme chambre d'instruction, les procédures dont sont saisis les juges inférieurs; mais les chambres assemblées peuvent seules ordonner des poursuites sur des faits qui ne se rapportent à aucune procédure et que le minis

tère public a refusé ou négligé de poursuivre. C'est dans ces termes que ce conflit d'attributions doit se vider.

La compétence de la chambre d'accusation cesse, aux termes de l'art. 235, lorsqu'elle a statué sur la mise en accusation. En effet, sa juridiction est épuisée (1) elle ne se trouve saisie du droit de diriger ses investigations sur les faits qui dépendent de l'accusation ou surgissent à son occasion que parce qu'elle est saisie de l'accusation ellemême. Sa compétence extraordinaire est la conséquence et l'accessoire de sa compétence ordinaire. Elle n'existe plus quand l'autre a cessé.

La chambre correctionnelle de la cour royale ne pourrait exercer le droit que la loi a délégué à la chambre d'accusation. Les attributions de compétence ne se transportent point, en effet, d'une juridiction à une autre; elles sont de droit étroit et doivent être renfermées dans les formes déterminées par la loi. C'est par ce principe que la Cour de cassation a jugé qu'une chambre correctionnelle, saisie de la connaissauce d'un délit, n'avait pu ordonner au ministère public de mettre en cause un coprévenu qui n'avait pas été poursuivi. Les motifs de cet arrêt sont : « qu'il n'y a dans la législation que deux cas où les tribunaux peuvent ordonner au ministère pubic de faire des poursuites : l'un est celui prévu par l'art. 235, qui donne aux cours royales, chambre des mises en accusation, le droit, (1) Arr. cass. 8 oct. 1829 (Journ. du droit crim., tom. I, p. 325).

dans toutes les affaires et d'office, d'ordonner des poursuites, des instructions, tant que lesdites chambres n'auront pas décidé s'il y a lieu de prononcer sur la mise en accusation; l'autre cas est celui prévu par l'art. 11 de la loi du 20 avril 1810, qui donne aux cours royales, toutes les chambres assemblées, le droit de mander le procureur général, pour lui enjoindre de poursuivre, à raison des faits qui lui auraient été dénoncés par un de ses membres; mais qu'aucune disposition législative n'ayant autorisé les chambres des appels de police correctionnelle des cours royales à ordonner au ministère de faire des poursuites, ces chambres restent soumises au principe général, qui laisse au ministère public le droit de faire des poursuites criminelles ou correctionnelles, quand il le juge nécessaire et convenable au bien de la justice (1). »

Enfin, cette mesure ne peut être appliquée qu'aux faits que la loi a déclarés punissables. L'art. 11 de la loi du 20 avril 1810 l'a même limitée aux crimes et aux délits. Le législateur a pensé que les simples contraventions ne peuvent jamais avoir une assez haute importance pour en autoriser l'emploi (2). La même restriction n'a pas été faite par l'art. 235, et par conséquent rien ne s'oppose à ce que la chambre d'accusation ordonne de poursuivre les contraventions dont l'existence et l'impunité lui sont révélées dans ses fonctions. La Cour

(1) Arr. cass. 27 nov. 1828 (J. crim., tom. I, p. (2) Carnot, Inst. crim., tom. II, p. 257.

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de cassation a jugé, d'après ces textes: 1° qu'une chambre d'accusation n'avait pu prescrire au ministère public de prendre des renseignements sur les motifs de la mise au cachot d'un prévenu :« attendu que, par sa nature, l'attribution conférée aux cours royales, chambre d'accusation, par l'art. 235, ne saurait devenir applicable à des objets qui ne constitueraient ni crimes, ni délits, ni contraventions, et ne seraient passibles d'aucune peine (1); 2° qu'une chambre d'accusation n'avait pu enjoindre au ministère public de poursuivre un fait disciplinaire : « attendu qu'aucun des articles du Code n'attribue aux chambres d'accusation le droit de connaître des faits qui ne donnent lieu qu'à l'application des mesures disciplinaires, non plus que d'ordonner au ministère public de faire des poursuites à ce sujet, parce que ces objets sont hors des limites de leur compétence (2).

§ 113.

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Outre la surveillance des cours royales, les officiers du ministère public sont soumis encore à une double surveillance celle du procureur général près la Cour de cassation et celle du ministre de la justice.

Le procureur général près la Cour de cassation, à qui les fonctions du ministère public près la Cour

(1) Arr. cass. 26 février 1825 (Bull., no 37).

(2) Arr, cass., 8 oct. 1829 (Journ. du droit crim., tom. I; p. 325).

de cassation sont personnellement confiées (1), participe, dans le cercle de ses attributions, à l'exercice de l'action publique. Il prend, soit par lui-même, soit par l'organe de ses avocats généraux, des conclusions dans toutes les affaires criminelles qui sont portées dévant la cour (2). Il procède même, dans certains cas, à des actes directs de poursuite et d'instruction (3). Mais ce n'est pas de ces attributions qu'il s'agit ici.

Le procureur général près la Cour de cassation, aux termes de l'art. 84 du sénatusconsulte organique du 16 thermidor an x, surveille les commissaires près les tribunauux d'appel et les tribunaux criminels. Quelle est la nature de cette surveillance? quelles en sont les limites?

M. Tarbé l'a expliquée en ces termes : « Toutes les irrégularités, toutes les fautes ne donnent pas ouverture à cassation. Qu'une cour royale passe dix-neuf mois avant de statuer sur une plaidoirie (nous l'avons vu dans un arrêt de Riom, cassé le 13 juin 1838), que, pour laisser reposer ses magistrats, elle appelle un avocat à siéger (nous avons vu ce fait); qu'une instruction criminelle et par suite une détention se prolongent, sans autre raison que la négligence des juges ou du ministère public, la Cour en gémira sans doute, mais sa force est im

(1) Ord. 15 janv. 1826; 1. 20 avril 1810, art. 45; décr. 6 juillet 1810, art. 42.

(2) Ord. 15 janv. 1826, art. 44.

(3) C. inst. erim., art. 441, 443, 486, 487, 491, 532, 542, etc,

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