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époque. C'est donc seulement à cette date que notre Code reçut son application (1).

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Le Code d'instruction criminelle n'a pas pas conservé longtemps ses textes intacts et ses règles immobiles. Nous venons de retracer l'histoire de sa formation; nous devons maintenant faire connaître les transformations successives qu'il a subies. Telle est, en France, la mobilité des lois, que pendant les trente années à peu près qui se sont écoulées depuis sa promulgation, plusieurs de ses principes et un grand nombre de ses dispositions ont été déjà modifiés.

L'empereur lui-même, soit qu'il n'eût pas foi dans son œuvre, soit que le droit commun lui parût dans certains cas impuissant, ne tarda pas à élever des institutions exceptionnelles. Les cours spéciales, établies par les art. 553 et suivants du Code, ne lui suffirent pas. Par le décret du 18 octobre 1810, il institua les cours prévotales des douanes, qui jugèrent les crimes de contrebande et les crimes commis par les préposés dans l'exercice de leurs fonctions. Par le décret du 3 mars 1810, il organisa les prisons d'État et attribua au conseil privé le pouvoir d'ordonner l'arrestation et la détention sans jugement des hommes dangereux qui ne pouvaient étre

(1) Voy. l'art. 70 du décret du 6 juillet 1810 et l'art. 1er du décret du 23 juillet 1810.

mis en jugement ou mis en liberté sans compromettre les intérêts de l'État.

La Charte de 1814 maintint, en principe, la publi cité des débats en matière criminelle et l'institution des jurés; elle conserva les codes; elle supprima seulement les tribunaux extraordinaires, sauf les juridictions prévôtales (1). Ainsi le titre VI du livre II du Code d'instruction criminelle, relatif à la compétence, à la composition et à la procédure des cours spéciales, se trouva supprimé. Les décrets des 3 mars et 18 octobre 1810 subirent la même abrogation. Les juridictions communes subsistèrent seules à côté de la haute juridiction de la Chambre des pairs que les art. 33 et 34 de la Charte avaient instituée. L'acte additionnel du 22 avril 1815 maintint, pendant sa brève durée, tous les principes que la Charte avait posés (2).

La loi du 20 décembre 1815 vint bientôt revendiquer, sous le nom de juridictions prévotales, les cours spéciales dont l'art. 63 de la Charte permettait le rétablissement. La compétence de ces cours était immense tous les crimes antérieurement attribués aux cours spéciales, les crimes politiques, les délits résultant d'écrits, de cris ou de signes séditieux, les vols ou les meurtres commis sur les grands chemins, leur étaient déférés ; elles étaient composées d'un prévôt et de quatre juges; elles juraient sans jurés, sans accusation décrétée par une autre juridiction, (1) Art. 63, 64, 65 et 68.

(2) Voy. les art. 52, 53, 54, 55, 56, 60 et 61.

sans recours en cassation. Elles cessèrent d'exister à la fin de la session de 1817 (1).

Une autre modification moins grave, mais plus durable, vint à la même époque affecter quelques dispositions du Code. La loi du 25 décembre 1815 supprima les places de substituts des procureurs géné– raux faisant fonctions de procureurs criminels dans les départements. Les fonctions du ministère public qui étaient attribuées à ces procureurs criminels furent exercées par les procureurs du roi près les tribunaux civils des chefs-lieux de département. Cette mesure fit disparaître un dernier vestige de la séparation des deux justices, et l'expérience a prouvé que les deux fonctions pouvaient être réunies sans que le service judiciaire en éprouvât aucun préjudice.

La loi du 26 mai 1819, de même que les lois des 25 mars 1822, 8 octobre 1830 et 8 avril 1831, n'apportèrent sans doute aucune modification explicite au Code d'instruction criminelle; mais elles eurent pour effet de soustraire à son application deux classes de délits, les délits de la presse et les délits politiques, et elles établirent, pour le jugement de ces infractions, une procédure qui fut elle-même changée, mais qui demeura distincte.

La loi du 24 mai 1824 vint substituer un nouvel article à l'art. 351 du Code; elle expliqua un texte obscur en déclarant que, lorsque les juges seraient appelés à délibérer sur une déclaration du jury for(1) Voy. l'art. 55 de la loi.

mée à la simple majorité, l'avis favorable à l'accusé prévaudrait toutes les fois qu'il aurait été adopté par la majorité des juges. Cette loi devait être elle-même bientôt abrogée.

La modification la plus grave que le Code ait subie est celle qui résulte de la loi du 2 mai 1827; cette loi changea complètement l'organisation du jury, fournit à sa composition de nouveaux éléments et traça de nouvelles règles à son action. Tous les articles du Code qui avaient rapport à la constitution du jury furent frappés d'abrogation; ainsi, les articles 382, 386, 387, 388, 391, 392 et 393 n'eurent plus qu'une existence nominale; ils cessèrent même bientôt de figurer dans le Code; l'art. 104 de la loi du 28 avril 1832 les supprima et inscrivit dans le Code, à leur place, les articles de la loi du 2 mai 1827.

La Charte de 1830 n'apporta dans la procédure criminelle aucune modification immédiate, si ce n'est la déclaration énergique qu'il ne pourrait à l'avenir être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires à quelque titre et sous quelque dénomination que ce pût être (art. 54). Mais elle jeta dans la législation un principe, un esprit nouveau, dont les conséquences ne tardèrent pas à se manifester. La loi du 8 octobre 1830 restitua au jury la connaissance des délits de la presse et y ajouta celle des délits politiques. La loi du 4 mars 1831 abrogea celle du 24 mai 1824 et fixa à huit voix la majorité du jury nécessaire pour prononcer une condamnation; elle réduisit en même temps le nombre des juges de la

cour d'assises, fixé à cinq par les art. 252 et 253 du Code d'instruction criminelle; elle le fixa à trois juges, comme l'avaient dejà fait les art. 65 et 68 de la loi du 27 ventôse an 8, afin de rendre au jury, avec son indépendance, son autorité et son éclat. Enfin la loi du 28 avril 1832 vint à son tour effacer un grand nombre d'articles; les dispositions nouvelles qu'elle introduisit dans le Code eurent pour objet d'abréger les délais de la détention préalable, d'attribuer à l'accusé le droit de faire statuer le jury sur ses excuses, d'investir le jury du droit de reconnaître et de déclarer les circonstances atténuantes du fait, de donner au droit de défense, dans quelques cas, une sanction qu'il n'avait pas, enfin d'étendre l'institution de la réhabilitation. Toutes ces dispositions nouvelles prirent place dans le Code au lieu des articles qu'elles modifiaient; ce fut une sorte de révision incomplète de ce Code, révision qui s'arrêta à quelques points et ne fit qu'indiquer dans le législateur un esprit plus favorable à la défense, plus soigneux des intérêts de la justice. La loi du 4 mars 1831 avait abrogé les art. 252, 253, 254, 255, 347 et 351; celle du 28 avril 1832 effaça ou modifia les art. 206, 339, 340, 341, 345, 347, 368, 372, 399 et 419.

Cette espèce de lutte du législateur contre le Code impérial ne s'arrêta pas encore, mais elle prit une autre direction. La loi du 10 avril 1834 commença d'élargir la haute juridiction de la Chambre des pairs en lui déférant les attentats à la sûreté de l'État commis par des associations. Les lois du 9 septembre 1835

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