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est (1). Dans notre ancien droit, au contraire, les mineurs pouvaient intenter une poursuite criminelle sans aucune assistance : plusieurs coutumes avaient même à cet égard un texte formel (2). Cependant Julius Clarus ajoute que les praticiens, pour prévenir toute difficulté, doivent faire intervenir le consentement du père, et que cette précaution, quoique surabondante, ne peut pas nuire (3). Dans notre droit actuel, les mineurs sont représentés par le père ou par le tuteur dans toutes les actions civiles (4); ils ne pourraient donc se constituer parties civiles; mais l'émancipation, soit qu'elle dérive du mariage ou d'une déclaration spéciale, leur communique cette capacité (5).

Les individus frappés de mort civile ne peuvent procéder en justice, ni en défendant, ni en demandant, que sous le nom et par le ministère d'un curateur spécial (6); ils sont donc non recevables à former l'action civile. Les interdits sont assimilés aux mineurs (7), et dès lors la même incapacité les saisit. Les condamnés aux peines afflictives et infamantes temporaires sont placés, pendant la durée de leur peine, en état d'interdiction lé

(1) L. 2 Dig., De accus.-L. 2C., Qui leg. pers. in jud. (2) Coutumes de Berri, tit. I, art. 11; de Bourbonnais, art. 169; de la Marche, art. 344.

(3) Quæst. 14, num. 5.

(4) C. civ., art. 389, 450.

(5) C. civ., art. 476, 481, 482.

(6) C. civ., art. 25.

(7) C. civ., art. 509.

gale (1); ils sont donc également incapables. Les uns et les autres peuvent dénoncer à la justice le délit qui les a lésés; ils peuvent se plaindre (2); ils ne peuvent se constituer parties.

Les étrangers sont recevables à se porter parties civiles, mais leur action peut être subordonnée à la condition judicatum solvi. Dans notre ancienne jurisprudence, cette formalité était rigoureusement appliquée. Aucune loi ne l'avait prescrite; mais les juges la considéraient comme une règle générale et constante. Rousseaud de Lacombe enseigne que : « lorsqu'un étranger rend plainte et se rend partie civile, l'accusé est en droit de demander qu'il soit tenu de donner caution judicatum solvi dès l'instant de la plainte (3). » Et il cite deux arrêts de la tournelle criminelle du parlement de Paris des 10 février et 25 mai 1742 qui ont formellement sanctionné ce principe. Tous les anciens auteurs l'ont énoncé sans contestation (4). Serpillon en explique le motif : « On oblige les étrangers à donner caution, parce qu'avec eux il n'y a aucune sûreté ni dans leurs biens ni dans leur personne pour le recouvrement des adjudications que l'on pourrait obtenir contre eux (5). » Baquet ajoute

(1) C. pén., art. 29.

(2) Arr. cass. 6 nov. 1817. Bull., no 108.

(3) Matières crim., p. 164.

(4) Jousse, Traité de just. crim., tom. III, p. 91; Ferrières, Institutes, liv. IV, tit. 11, § 2.

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que si cette garantie n'est prise qu'à l'égard du demandeur, c'est que celui-là seul introduit volontairement son action: Actor voluntariè agit, reus autem ex necessitate se defendit (1).

Notre législation s'est bornée à recueillir cette règle avec la plus fidèle exactitude. L'art. 16 du Code civ. est ainsi conçu : « En toutes matières, autres que celles de commerce, l'étranger qui sera demandeur sera tenu de donner caution pour le paiement des frais et des dommages-intérêts résultant du procès, à moins qu'il ne possède en France des immeubles d'une valeur suffisante pour assurer ce paiement. » Les art. 166 et 167 du Code de proc. civ. ajoutent: «Art. 166. Tous étrangers, demandeurs principaux ou intervenants, seront tenus, si le défendeur le requiert, avant toute exception, de fournir caution, de payer les frais et dommages-intérêts auxquels ils pourraient être condamnés. Art. 167. Le jugement qui ordonnera la caution fixera la somme jusqu'à la concurrence de laquelle elle sera fournie : le demandeur qui consignera cette somme, ou qui justifiera que ses immeubles situés en France sont suffisants pour en répondre, sera dispensé de fournir caution. »

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Ces dispositions, placées dans la loi civile, s'appliquent-elles aux matières criminelles? Il n'est pas permis d'en douter, puisque c'est dans les matières criminelles qu'elles semblent être nées, puisque la raison de leur explication redouble d'é(1) Traité du droit d'aubaine, part. 2, ch. 16, n. 3.

nergie quand c'est un accusé qui les invoque, enfin, puisque la loi ne fait aucune restriction. La Cour de cassation a reconnu ce point dans les termes les plus formels en cassant un arrêt de la Cour de Paris qui avait établi à cet égard une distinction. Les motifs de cet arrêt sont: « qu'il est reconnu, en fait, par l'arrêt attaqué, 1° qu'Éphraïm Nanmann, qui a traduit Damour et sa femme devant le tribunal de police correctionnelle comme complices de la soustraction frauduleuse imputée à la veuve de Frédéric Nanmann, est étranger; 2° qu'il n'est propriétaire d'aucun immeuble en France; qu'ainsi, en le dispensant de donner la caution demandée par Damour et sa femme, l'arrêt attaqué évidemment contrevenu à l'art. 16 du Code civ. qui embrasse toutes les matières et qui, en exceptant de sa disposition celles de commerce, n'a fait que confirmer la règle générale établie à l'égard des autres; qu'en cela cet article n'a fait d'ailleurs qu'ériger en loi la jurisprudence des anciennes cours et tribunaux, attestée par tous les auteurs, et qui, pour la caution judicatum solvi, ne faisait aucune distinction entre les affaires civiles et les criminelles lorsqu'elles étaient poursuivies par les partie civiles (1). »

Le plaignant étranger est-il encore tenu à caution si le prévenu est lui-même étranger? Cette question n'était pas douteuse dans notre ancien

(1) Arr. cass. 3 février 1814 (Bull., no 12, p. 24); 12 janvier 1846 (Gaz. des trib. du13).

droit l'arrêt du parlement de Paris du 10 février 1742 avait décidé, dans cette espèce même, que le demandeur devait également fournir caution. Et Serpillon, après avoir formulé l'obligation qui pèse, en général, sur l'étranger demandeur, ajoute : « Ce qui a même lieu entre deux étrangers qui plaident en France. La raison est que ces étrangers n'auraient pas plus de moyens de se faire payer et d'exercer des contraintes l'un contre l'autre qu'un Français qui aurait obtenu des adjudications contre eux (1). » Dans notre droit nouveau, cette question a donné lieu à une controverse qui n'est pas encore fermée.

On a prétendu, d'une part, que les art. 16 du Code civ. et 166 du Code de proc. ne font aucune distinction entre le défendeur étranger ou français, que la même protection leur est donc assurée ; que l'étranger, traduit devant nos tribunaux, a droit, en effet, à toutes les garanties légales acquises à tous les justiciables; que si la garantie de la caution lui était déniée, il ne pourrait obtenir l'exécution du jugement, ni en France où son adversaire lui échapperait par le fait, ni en pays étranger où les jugements des tribunaux français sont sans effet; que la justice française serait donc intervenue dans un débat pour rendre un jugement sans puissance; qu'il est de sa dignité de n'exercer qu'une autorité efficace et de ne rendre que des jugements suivis d'effet; que la charge de (1) Code crim., tom. I, p. 393.

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