Page images
PDF
EPUB

eurent des effets plus importants: elles continuèrent de déférer à la Chambre des pairs des faits qu'elles qualifièrent d'attentats; elles déclarèrent, en abrogeant la loi du 4 mars 1831, que les condamnations pourraient être prononcées à la simple majorité par le jury; elles établirent le scrutin secret dans les délibérations des jurés; elles donnèrent dans certains cas au ministère public la faculté de saisir directement la cour d'assises en supprimant l'intermédiaire de la chambre d'accusation; enfin, elles instituèrent un mode de procédure pour juger les accusés en leur absence, lorsque, par leur résistance aux ordres de la justice, ils rendraient les débats impossibles. Toutes ces dispositions contiennent ou des modifications implicites, ou des additions importantes au Code d'instruction criminelle.

Enfin la loi du 13 mai 1836 a clos, au moins provisoirement, cette longue série de modifications; cette loi règle le mode de délibération et de vote des jurés sur les faits principaux et les circonstances aggravantes; elle sanctionne et organise le scrutin secret.

Telles sont les additions ou plutôt les rectifications que notre Code a successivement recueillies depuis sa promulgation. Il était nécessaire de les résumer pour que nous pussions apprécier ce qu'il est aujourd'hui. Ce n'est plus tout-à-fait sans doute le code de 1808; mais ce n'est pas non plus une loi nouvelle. Tous les grands principes qui régissent la police judiciaire, l'instruction préliminaire, les débats et la constitution des juridictions, sont demeu

rés intacts; la trame générale du Code n'a pas été touchée. Le législateur moderne, s'attachant aux détails plutôt qu'à l'ensemble, aux dispositions particulières plutôt qu'aux principes, a modifié tantôt la composition des cours d'assises, tantôt les éléments des listes de jurés, ici les conditions et les formes du vote, là les garanties de la défense, plus loin les règles qui régissent le débat de l'audience. Mais ces modifications diverses sont venues, l'une après l'autre, se ranger sous l'empire des principes reconnus par le Code; elles ont pris place dans le cadre qu'il avait tracé; elles se sont en quelque sorte ployées sous la pensée systématique qui en a été la base. Le Code a conservé ses divisions, ses classifications, ses bases générales; il a conservé son système fondamental et les règles qui en découlent; il a reçu seulement quelques germes nouveaux qui sont venus timidement se greffer sur son tronc et qui n'ont poussé que de faibles rameaux.

Une observation se présente à ce sujet. La plupart des lois qui ont apporté des changements dans quelques parties du Code, la loi du 24 mai 1821, celle du 2 mai 1827, celle du 4 mars 1831, celle du 28 avril 1832, celle du 9 septembre 1835, ont été violemment incorporées dans le Code, et leurs articles dispersés çà et là ont pris la place des articles qu'ils modifiaient. Le même système a été appliqué au Code pénal et au Code de commerce. Les praticiens ont, en général, applaudi à cette codification des lois; il leur a paru que l'ordre des codes conser

vait par ce moyen toute son harmonie; ils y trouvaient, en effet, la même classification des matières, la même série des articles, le même ordre extérieur. Mais cet ordre apparent sert-il à autre chose qu'à masquer le désordre de la législation? La régularité des articles a-t-elle d'autre effet que de dissimuler les anomalies de leurs dispositions? Chaque loi a son esprit, son principe et, si l'on peut s'exprimer ainsi, sa personnalité; elle les puise dans les circonstances qui l'ont produite, dans les temps où elle s'est formée, dans les besoins auxquels elle correspond; elle exprime, elle résume les opinions, la vie d'une époque. Or, si vous la brisez en pièces pour l'amalgamer dans un code plus ancien, vous lui ôtez sa date et vous effacez en même temps son but particulier, ses tendances et ses règles. Et si, quelques années plus tard, quand d'autres besoins sont nés, quand d'autres principes ont prévalu, vous recommencez à jeter dans le même code une troisième et une quatrième loi, quel sera le résultat d'un pareil système, si ce n'est la plus inextricable confusion? Comment deviner ces lois superposées les unes aux autres dans la même loi? comment reprendre ces législations successives jetées pêle-mêle dans le même code? Non-seulement l'unité de la loi principale est rompue, son système contredit par les dispositions qui prennent place parmi les siennes, mais chacune des lois postérieures qui viennent s'y fondre tour à tour abdique sa propre unité et son propre système. Elles auront vainement essayé d'ar

borer humblement les principes de la première, elles se seront vainement bornées à corriger quelques textes, à développer quelques dispositions. Par cela seul qu'elles modifient, elles revèlent un esprit différent; quelque petites qu'elles se fassent, elles portent dans leurs flancs un principe opposé. Comment expliquer ensuite dans le même Code ces dispositions avec leurs tendances diverses? Comment faire sortir des règles uniformes de lois incessamment morcelées et substituées par fragments les unes aux autres ? Nous ne prétendons point critiquer la codification elle-même; un code peut être une œuvre utile, une œuvre scientifique; en matière de procédure surtout, sa nécessité est presque évidente. Mais lorsque ce code est mis en activité, il faut au moins le maintenir intact avec son caractère, ses défauts, son unité; il faut conserver l'harmonie de son système et de ses dispositions. Suit-il de là que la législation doive s'arrêter de peur de toucher à son ensemble? Nullement; car la législation, surtout en matière criminelle, est essentiellement progressive; elle suit la marche des mœurs et des institutions politiques, elle tend sans cesse à se modifier. Mais pourquoi les lois modificatives, au lieu de se confondre dans le Code, ne resteraient-elles pas à côté? pourquoi ne formeraient-elles pas un appendice accessoirement attaché à la loi principale et qui la suivrait nécessairement? Cette méthode aurait l'avantage immense de conserver à chaque monument de la législation son caractère distinct, de garder tous les

textes intacts au lieu de les garder mutilés, de discerner les règles diverses qui appartiennent à chaque époque, enfin de prêter un principe d'ordre à l'interprétation que la confusion des textes conduit à un inévitable chaos.

$ 99.

Nous connaissons maintenant le mode de la rédaction du Code d'instruction criminelle, les faits qui se rattachent à sa publication et les réformes partielles qu'il a subies. Pour compléter cette étude préliminaire de sa forme extérieure, il reste à examiner la méthode qui a été adoptée pour la classification de ses matières.

:

Cette méthode, il est facile de le constater, est à la fois claire et logique. En effet, le législateur, après avoir posé au seuil de son code quelques dispositions préliminaires qui indiquent l'étendue et la nature des actions pénales, le divise en deux parties principales la première règle la police judiciaire, définit tous les actes qui se rattachent à la constatation et à la poursuite des faits punissables; la deuxième règle la justice et comprend l'organisation et les formes de jugement des juridictions répressives. Cette deuxième partie se subdivise en plusieurs sections: la division des faits punissables en contraventions, délits et crimes ayant donné lieu à trois juridictions, les tribunaux de police, les tribunaux correctionnels et les cours d'assises, le Code règle successivement la constitution et les formes de juge

« PreviousContinue »