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membres du parquet, et qu'au surplus le ministère public est un et indivisible (1); »

» 4° Enfin, que l'acte d'un substitut, aux yeux de la loi, a toute l'autorité et tout l'effet d'un acte émané du procureur du roi: «Attendu qu'aux termes de l'art. 43 de la loi du 20 avril 1810, les fonctions du ministère public sont exercées par les substituts du procureur comme par le procureur du roi lui-même; que le ministère public est indivisible, et qu'il existe entre tous les officiers qui le composent dans un tribunal une communauté de fonctions, de droits et d'obligations (2). »

$121.

Les officiers du ministère public ne sauraient être dépositaires d'un pouvoir aussi considérable, sans que la responsabilité de leurs actes, dans certains cas au moins, vienne peser sur eux. Quels sont les effets, quelles sont les limites de cette responsabilité ?

Une question préliminaire doit, en premier lieu, ètre examinée. Les officiers du ministère public peuvent-ils être récusés? Les causes de récusation relatives aux juges leur sont-elles applicables?

Cette question était très controversée dans notre

(1) Arr. cass. 18 avril 1836 (Dev. et Car., 36, 1, 481).

(2) Arr. cass. 3 sept. 1829 (J. P., tom. XXII, p. 1439); 14 mai 1825 (J. P., tom. XIX, p. 494); 19 fév. 1829 (J. P., tom. XXII, p. 709).

ancien droit: les auteurs et la jurisprudence étaient partagés sur sa solution. Les uns tenaient que le procureur du roi pouvait être récusé par les mêmes causes que les juges; les autres, qu'il ne pouvait être récusé dans aucun cas; les autres, enfin, qu'il pouvait l'être lorqu'il était partie jointe, non lorsqu'il était partie principale.

Bruneau a soutenu avec beaucoup de force la première opinion: « Je me fonde, dit cet auteur, sur deux raisons: la première, que le procès ne demeure pas sans être poursuivi à cause de la récusation du procureur du roi, parce qu'il y a toujours l'avocat du roi qui agit en son lieu ou un substitut, et, à défaut de tous les deux, l'ancien avocat, procureur, ou praticien du siége, fait la fonction. La seconde raison est qu'il n'est pas juste que le procureur du roi ait plus de privilége et d'avantage que les juges qu'on peut récuser. Il n'importe de dire qu'il ne juge pas; car, comme il est le premier mobile de la procédure et qu'il la fait aller diligemment ou lentement comme il lui plaît, il peut par-là faire plus de bien ou de mal aux parties que le juge qui est obligé d'attendre qu'on mette l'affaire en état. En effet, il peut, par une négligence affectée, ou par une trop rigoureuse poursuite, chagriner l'accusé plus que le juge. Il est à son pouvoir d'administrer et faire confronter à l'accusé tels témoins qu'il veut; il a le secret du procès qu'il peut découvrir; il donne ses conclusions plus ou moins favorables à l'accusé; il peut appeler à mini

má, ou n'appeler pas; il pourra, pendant le cours de l'instruction, faire tenir en prison un malheureux accusé, sur le prétexte d'un défaut de preuves, par l'absence des témoins, et autres moyens, ce qui me fait croire qu'il peut être récusé lorsque les moyens sont bons et recevables (1). » Cette opinion était partagée par Mornac (2), Basnage (3) et Rousseaud de Lacombe (4).

Le second système, qui rejetait toute récusation contre les gens du roi, était soutenu par plusieurs arrêts, notamment par un arrêt du parlement de Paris du 29 mars 1561 (5), et par un autre arrêt de la même Cour du 5 septembre 1703 (6), qui déclarent l'un et l'autre que le procureur du roi ne peut être récusé comme les autres officiers du siége. Le chancelier d'Aguesseau, dans une lettre du 5 mai 1731, a donné la raison de cette décision: « Le ministère public, étant toujours partie poursuivante, ne peut être récusé, car on ne récuse pas les parties (7).

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Enfin, le troisième système, sorte de transaction entre les deux premiers, était appuyé par Le

(1) Observ. et max. sur les mat. crim., tit. III, max. 11.

(2) Sur la loi 1 au Dig., De officio procurat.

(3) Sur la cout. de Normandie, p. 10.

(4) Mat. crim., 2e p., chap. 4, p. 109.

(5) Rapporté par Fileau sur Chenu, part. 2, tit. 6, chap. 40, p. 27.

(6) Rapporté dans le recueil d'édits de Jousse, tom. II, p. 326, et par Serpillon, tom. II, p. 999.

(7) OEuv. comp., tom. VIII, p. 10.

prêtre (1), Louet et Brodeau (2), Brillon (3), Serpillon (4), Jousse (5), Muyart de Vouglans (6), et soutenu par plusieurs arrêts (7). C'était celui qui était le plus habituellement suivi dans la pratique. Il accordait le droit de récusation lorsqu'il y avait partie civile, parce que le procureur du roi n'agissait pas seul, qu'il n'était pas nécessaire et pouvait être remplacé; il ne l'accordait pas quand il n'y avait pas de partie civile, parce qu'il était alors partie nécessaire et requérante.

Notre législation moderne a adopté cette dernière opinion. L'art. 381 du Cod. de proc. civ. porte: «Les causes de récusation relatives aux juges sont applicables au ministère public lorsqu'il est partie jointe, mais il n'est pas récusable quand il est partie principale. » Or, comme le ministère public est toujours partie principale dans les matières criminelles, correctionnelles et de police, il s'ensuit que la récusation n'est point admissible contre les officiers du ministère public en toutes ces matières (8).

La Cour de cassation a consacré cette interprétation dans une espèce où un prévenu de contra(1) Centur. 1, chap. 33, p. 91.

(2) Lettre P, sommaire 39.
(3) V. Procureur, n. 85.
(4) Code criminel, tom. II,

(5) Tom. Ier, p. 560.

(6) Lois crim., p. 585.

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(7) Arr. parl. Paris 27 juillet 1561; Dijon, 13 sept. 1749.

(8) Voy. conf. Carnot, Inst. crim., tom. I, p. 670; Legraverend, Législ. crim., tom. II, p. 47; Mangin, Act. publ., tom. 1, p. 233.

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vention, traduit devant le tribunal de police, avait récusé l'adjoint du maire, remplissant les fonctions du ministère public. Le tribunal de police avait renvoyé les parties devant les juges compétents pour être statué sur la récusation. Ce jugement a été cassé comme entaché d'excès de pouvoir: Attendu que nulle loi n'autorise la récusation contre le ministère public agissant d'office, et qu'ainsi une semblable récusation doit être réputée comme ne pouvant exister (1).»

Cette prohibition absolue de la récusation du ministère public en matière criminelle a excité la critique de M. Garat, qui a reproduit en les développant les observations de Bruneau sur ce sujet: « Il est étrange, dit-il, que les praticiens aient ainsi mis au-dessus de la récusation le magistrat contre lequel elle doit être le plus facile. Plus l'influence d'un juge sera considérable sur le jugement, plus il importe d'être assuré de son impartialité. Or, en est-il un, en peut-il être un dont le suffrage ait un plus grand effet? D'abord, il donne son avis et le donne motivé. Cet avis ne compte pas à la vérité, mais il est fondé sur l'examen réfléchi du procès, il a par-là une très grande autorité. En second lieu, l'instruction se fait par sa direction, et on sait que le ministère public n'éprouve pas, dans une instruction, surtout en matière criminelle, une contradiction aussi entière que celle d'une partie privée ; il a des priviléges, des préro

(1) Cass. 14 fév. 1811 (J. P., tom. IX, p. 105).

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