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cée, le plaignant joindra la sienne et ne se désistera pas; c'est donc principalement dans le cas où elle ne l'est pas, où il s'agit d'un délit purement privé, que le désistement aura lieu, et comment dénier alors l'intérêt qu'a le prévenu d'éviter la flétrissure d'une poursuite criminelle? Dans le cas même où le ministère public agirait d'office, il lui importerait encore que ses deux adversaires fussent séparés et que l'action publique ne fût pas animée et fortifiée par l'accession de l'action civile. Ainsi, la raison qui a fondé la règle n'existe plus dans cette hypothèse, la règle elle-même doit donc cesser d'exister.

Toutefois, la partie lésée, qui a saisi la juridiction criminelle, ne peut plus reporter son action à la juridiction civile: 1° si le débat de l'affaire est entamé à l'audience; car la retraite tardive de cette partie aurait pour cause évidente le tour peu favorable du débat et le jugement qu'elle prévoit ; or, il ne peut être permis de décliner une juridiction qu'on a volontairement saisie, par cela seul que les prétentions qu'on a élevées n'y seraient pas admises (1); 2° si la plainte de la partie a été suivie d'une ordonnance de non-lieu ou d'un jugement qui la déboute de sa demande; car il y a dans ce cas chose jugée sur son action, sauf le cas où elle lui a été réservée, soit par la loi (2), soit par le

(1) M. Duvergier, notes sur Legraverend, tom. I, p. 69.

(2) C. instr. crim., art. 191 et 212; Cass., 27 juin 1812 (J. P., tom. X, p. 518).

juge (1). La Cour de cassation a jugé, conformé→ ment à cette règle : « qu'un tribunal ne contrevient à aucune loi en décidant qu'un plaignant est non recevable à proposer, par la voie civile, les mêmes moyens de fraude, de dol et de surprise qu'il avait fait juger par la voie criminelle (2).

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Tels sont les termes où se résume l'application de la maxime qui déclare l'option de la juridiction définitive: cette maxime qui, répétons-le, n'a d'autre autorité que celle que lui donne la raison, doit être restreinte dans son application au seul cas où la partie lésée, renonçant en connaissance de cause à la voie criminelle, a saisi la juridiction civile; en prenant cette voie, il faut dire, avec M. Barris, qu'elle s'est fermé l'autre sans retour. Mais le même motif n'enchaîne plus son action lorsqu'elle l'a portée devant la juridiction criminelle; l'intérêt de la défense ne s'oppose point à ce que la procé→ dure, au lieu d'être continuée criminellement, soit civilisée; la maxime ne doit donc plus être appliquée, parce que son application n'est plus sollicitée par l'équité; et le plaignant, tant que l'instance n'est pas liée par le débat devant la juridiction criminelle, tant que sa plainte n'a pas été repous sée par une décision quelconque, est libre de la retirer pour en saisir la juridiction civile.

Une troisième règle, également relative à l'exer

(1) Ord. 1667, tit. 18, art. 2; Jousse, tom. III, p. 11; 1. 17 mai 1819, art. 23.

(2) Cass., 1er brum. an 13 (J. P., tom. IV, p. 217).

cice de l'action civile, est que la partie lésée, quand elle n'a pas formellement renoncé à son action ou quand elle ne s'est pas constituée avant toute poursuite, peut intervenir dans les poursuites engagées à la requête du ministère public et se porter partie civile dans le cours de l'instruction.

Cette faculté d'intervention était une règle commune de notre ancien droit (4). L'art. 154 du C. du 3 brumaire an IV l'avait formellement exprimée en disposant que : « les personnes lésées par le délit interviennent comme parties civiles sur la citation donnée à la requête du commissaire du pouvoir exécutif. » Le Code d'instr. crim. n'a point reproduit cette disposition, et son art. 182 n'indique même que deux manières de saisir le tribunal correctionnel, le renvoi par la chambre du conseil et la citation directe; mais la faculté d'intervenir n'en est pas moins un droit certain de la partie lésée. Ce droit résulte de l'art. 3 qui dispose que l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique ; il résulte de l'art. 67 qui déclare que les plaignants pourront se porter partie civile en tout état de cause; il résulte enfin de cela seul que la loi ne l'a pas interdit, car il serait impossible d'admettre que le ministère public, en prenant l'initiative de la poursuite, pût priver la partie lésée par un délit

(1) Julius Clarus, quæst. 3, n. 4; Bornier sur l'art. 5, tit. 3, ord. 1670; Jousse, tom. III, p. 76.

du droit de porter son action devant la juridiction criminelle (1).

L'art. 67, en déclarant que le plaignant peut se porter partie civile en tout état de cause, ajoute: jusqu'à la clôture des débats. Il suit de ces termes qu'il peut intervenir, avant l'ouverture des débats, soit devant le juge d'instruction, soit devant la chambre d'accusation, et, après l'ouverture des débats, pendant toute la durée de l'audience, jusqu'à leur clôture. De graves difficultés se sont élevées sur la limite où le droit expire, soit devant la juridiction correctionnelle, soit devant la cour d'assises; nous examinerons ces questions en exposant les formes de procédure relatives à ces juridictions. Nous nous -bornons ici à poser le principe.

Nous ajouterons seulement que les parties lésées peuvent seules intervenir dans les procès criminels, et que la seule forme de l'intervention est leur constitution en qualité de partie civile: ainsi, les tiers ne pourraient intervenir dans une procédure qui leur est étrangère, sous le prétexte qu'ils seraient injuriés ou diffamés par les actes de cette procédure ou dans le cours des débats; cette sorte d'intervention n'est pas recevable en matière criminelle. Chaque poursuite doit conserver son unité et marcher rapidement vers son but sans se compliquer d'incidents qui en arrêteraient inutilement le cours. Si quelque préjudice atteint des tiers, ils (1) M. Merlin, Rép., v° Intervention, § 2.

doivent se pourvoir en leur nom par une plainte particulière (1).

$124.

Si la partie plaignante exerce avec une entière indépendance l'action civile, elle est en même temps responsable des conséquences de cet exercice.

Cette responsabilité peut donner lieu contre elle, soit à l'application d'une peine corporelle, soit à des dommages-intérêts, soit enfin à la condamnation aux frais du procès.

Elle peut encourir une peine corporelle lorsque son accusation est calomnieuse. L'art. 373 du C. pén. punit, en effet, d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de 100 à 300 francs, quiconque a fait par écrit une dénonciation calomnieuse aux officiers de justice. Or, toute plainte en justice contient nécessairement une dénonciation (2), car la dénonciation n'est autre chose que l'acte qui porte un fait punissable à la connaissance de l'officier chargé d'assurer sa répression, et la plainte, qui n'est qu'une forme de la dénonciation, se propose précisément ce but. Il semble même

(1) Voy. Serpillon, Cod. crim., tom. II, p. 1500; Jousse, tom. III, p. 88; Merlin, Rép., vo Intervention, § 2, et la plaidoirie de M. de Lally-Tollendal contre M. Duval d'Éprémenil, rapp. au Rép., v. Intervention, § 2, no 4.

(2) Arr. cass. 12 nov. 1813 (Dev. et Car., tom. IV, p. 464); et Théorie du Code pénal, 2 édit., tom. IV, p. 557.

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