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locales, et, s'ils éprouvaient quelque entrave dans l'exercice légal et régulier de leurs fonctions, c'est à la légation de leur souverain qu'ils devraient déférer leurs plaintes et demander protection.

Il suit de là qu'en général les consuls ne doivent point participer aux prérogatives qui n'appartiennent qu'aux agents diplomatiques. Wicquefort enseigne formellement « qu'ils ne jouissent pas de la protection du droit des gens et qu'ils sont sujets à la justice du lieu de leur résidence, tant pour le civil que pour le criminel (1). » Vattel n'établit point une règle aussi absolue: « Le consul n'est pas ministre public et il n'en peut prétendre les prérogatives. Cependant, comme il est chargé d'une commission de son souverain et reçu en cette qualité par celui chez qui il réside, il doit jouir jusqu'à un certain point de la protection du droit des gens... Ses fonctions paraissent même demander que le consul soit indépendant de la justice criminelle ordinaire du lieu où il réside; en sorte qu'il ne puisse être molesté ou mis en prison, à moins qu'il ne viole lui-même le droit des gens par quelque attentat énorme. Et, bien que l'importance des fonctions consulaires ne soit point assez relevée pour procurer à la personne du consul l'inviolabilité et l'absolue indépendance dont jouissent les ministres publics, comme il est sous la protection particulière du souverain qui l'emploie et chargé de veiller à ses intérêts, s'il tombe en faute, (1) Traité de l'ambassadeur, liv. I, sect. 5, p. 76.

les égards dus à son maître demandent qu'il lui soit renvoyé pour être puni (1). »

Les usages ont, en général, concilié ces opinions contradictoires. Les consuls, s'ils ne sont point des agents diplomatiques, doivent être considérés comme les officiers publics d'un souverain étranger; ils sont chargés par ce souverain de défendre les intérêts de leurs nationaux auprès des autorités étrangères et investis sur ces nationaux d'une magistrature réelle dont les lettres d'exequatur du souverain territorial leur garantissent le libre exercice. Dès lors, et à raison de leurs attributions, quelque différentes qu'elles soient de celles des ministres diplomatiques, ils doivent jouir d'une certaine immunité personnelle tant qu'ils restent dans les limites de leurs fonctions officielles. Cette immunité ne fait point obstacle à ce que la justice du pays leur demande compte, soit de dettes commerciales, soit d'un crime ou d'un délit flagrant; mais elle les protége, dans les affaires de peu d'importance, contre les poursuites et surtout contre les mesures préventives qui sont habituellement appliquées aux citoyens. Il ne s'agit plus ici d'une exemption de juridiction, mais d'une appréciation de convenances politiques. On doit éviter d'enlever, sans une nécessité absolue, un consul à l'exercice de sa charge en lui faisant subir une détention préalable. C'est moins la personne du consul qu'on doit considérer que la nation dont il (1) Liv. II, chap. 2, n. 34.

protége les droits commerciaux, et les intérêts de ses compatriotes qui sont attachés à sa présence et qui réclament son intervention. Ainsi, prévenus, accusés même, ils ont droit, non point à des priviléges, mais à des ménagements, non point à l'immunité de juridiction, mais à des égards qui puissent tempérer la sévérité des formes. Toutefois cette réserve que les magistrats doivent s'imposer, relativement aux consuls étrangers, doit nécessairement se restreindre vis-à-vis des consuls qui ont été choisis par un gouvernement étranger parmi nos nationaux. Car si la chancellerie consulaire placée entre leurs mains a droit à la même protection que si elle était placée entre des mains étrangères, ils ne cessent point d'être sujets du pays et par conséquent d'être soumis d'une manière absolue à l'action de ses lois (1).

(1) Voy. arr. Aix, 14 août 1829; Legraverend, Législ. crim., tom. I, p. 107; Bourguignon, Man. d'instr. cr., tom. I, p. 41; Merlin, Rép., v. Consul français, § 2; Mangin, tom. I, p. 162; Le Seyllier, tom. III, p. 18.

SECTION II.

DE L'EXERCICE DES DEUX ACTIONS HORS DU TERRITOIRE.

§ 128. La loi pénale, territoriale en ce sens qu'elle oblige tous les habitants du territoire, est personnelle en ce sens qu'elle suit les Français même au delà du territoire. Application restreinte de

ce dernier principe.

§ 129. De la poursuite des crimes commis hors du territoire par des Français ou des étrangers contre la chose publique.

§ 130. De la poursuite des crimes commis hors du territoire par un Français contre un Français.

§ 131. De la poursuite des crimes commis sur un territoire et accom plis sur l'autre ou dont les actes d'exécution se sont passés sur les deux.

§. 428.

Nous avons vu que la loi pénale est territoriale en ce sens qu'elle s'applique à toutes les personnes qui résident sur le territoire, et les exceptions qui ont été mentionnées dans le paragraphe précédent n'ont fait que rendre ce principe plus évident et plus certain. Mais est-elle exclusivement territoriale? Est-il vrai qu'en règle générale son autorité expire aux frontières ? N'est-ce que par exception que l'action publique s'étend à quelques infractions commises en dehors du territoire? Cette question, l'une des plus graves du droit pénal, est depuis longtemps controversée.

Il nous paraît que le principe qui déclare la loi

pénale essentiellement territoriale a reçu, en général, une fausse application; que si cette loi oblige toutes les personnes qui résident sur le territoire, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse en même temps, même en dehors du territoire, obliger encore les membres de la cité soumise à son empire; que si la souveraineté dont émane le droit de justice, que si l'autorité de la loi elle-même expirent à la frontière, ce n'est pas une raison pour que la justice et la loi ne saisissent, dans les limites du territoire, un crime qui a été commis sur le territoire étranger; enfin, que si la loi pénale est territoriale en ce sens qu'elle ne peut être appliquée que sur le territoire, elle peut néanmoins régir, dans une certaine mesure, les actions des citoyens pendant leur séjour momentané à l'étranger, et réprimer à leur retour les infractions qu'ils ont pu commettre. Nous allons développer ces propositions qui s'écartent sous quelque rapport des règles professées par plusieurs criminalistes. Nous constaterons d'abord l'état de la législation sur ce point.

Il ne faut chercher aucune autorité dans la loi romaine. Les commentateurs ont longuement disserté sur ses textes. Les uns y trouvaient la compétence exclusive du juge du lieu du délit; elle pose, en effet, cette règle en termes formels : Alterius provinciæ reus apud eos accusatur et damnatur apud quos crimen contractum ostenditur (1). Les autres

(1) L. 22 Dig., De accusat.; voy. aussi 1, 7, § 4, eod. tit.; 1. 3

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