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traité belge; il n'ajoute aucun cas nouveau d'extradition.

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Le traité conclu le 7 novembre 1844 avec les Pays-Bas et publié le 29 janvier 1845 (1) ne fait que répéter le traité du grand-duché de Luxembourg. On y trouve toutefois la disposition suivante, évidemment surabondante: « L'extradition n'aura pas lieu lorsque la demande en sera motivée sur le même crime ou délit pour lequel l'individu réclamé aura été ou sera encore poursuivi dans le pays où il s'est réfugié.

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Le traité passé avec le royaume des Deux-Siciles le 14 juin 1845 et publié le 11 août suivant (2) renferme la même nomenclature que le traité belge, avec une seule addition relative au crime de subornation de témoins.

Le traité passé avec la Prusse le 21 juin 1845 et publié le 30 juin suivant (3) ajoute également, aux cas énumérés par la même convention, l'attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violences et la subornation de témoins.

Enfin, le traité conclu le 23 mars 1846 avec la Bavière et publié le 28 mai suivant (4) reproduit les mêmes énonciations que la convention prussienne et ajoute : « la contrefaçon des poinçons de l'État, servant à marquer les matières d'or et d'argent.

(1) Bull., no 11795. (2) Bull., no 12185. (3) Bull., no 12221. (4) Bull., no 12757.

Tels sont les crimes à raison desquels la France accorde, en général, l'extradition des étrangers réfugiés sur son territoire. Essayons maintenant, à côté de cette nomenclature, de placer quelques règles qui dominent tous les traités et s'appliquent à toutes les extraditions.

Une première règle est que cette mesure n'est jamais accordée par la France à raison de crimes politiques. Le traité avec la Suisse, du 31 décembre 1828,mentionne les crimes contre la sûreté de l'État. Cette mention n'a jamais été invoquée et les autres conventions ne l'ont pas reproduite. Mais cela n'a pas paru suffisant, et l'exception a été formulée dans tous les traités ultérieurs par une disposition formelle qu'ils ont uniformément répétée: « Les crimes et délits politiques sont exceptés de la présente convention. H est expressément stipulé que l'individu dont l'extradition aura été accordée ne pourra être, dans aucun cas, poursuivi ou puni pour aucun délit politique antérieur à l'extradition ou pour aucun fait connexe à un semblable délit (1). » Cette disposition, absolue dans ses termes comme dans son esprit, forme aujourd'hui la règle de la matière. L'instruction ministérielle du 5 avril 1841 porte : « Les crimes politiques s'accomplissent dans des circonstances si difficiles à apprécier, ils naissent de passions si ardentes, qui

(1) Art. 5 du traité avec la Belgique, 6 du traité avec la Sardai6 du traité avec Bade, 6 du traité avec la Toscane, 3 du traité avec les Pays-Bas, etc.

gne,

souvent sont leur excuse, que la France maintient le principe que l'extradition ne doit pas avoir lieu pour fait politique. C'est une règle qu'elle met son honneur à soutenir. Elle a toujours refusé depuis 1830 de pareilles extraditions; elle n'en demandera jamais. » Il a paru, en effet, qu'à l'égard des faits de cette nature, qui n'ont qu'une criminalité relative née de circonstances passagères, qui ne blessent, en général, qu'une seule nation, un seul gouvernement, et qui excitent trop les passions pour trouver une justice impartiale, il serait odieux de livrer à la vengeance des partis des hommes que les partis ont déjà contraints de s'exiler. Ce sentiment d'humanité, développé par les exemples des dissensions civiles qui ont agité dans ces derniers temps la plupart des peuples, s'est élevé à la hauteur d'un principe. L'asile des temps antiques, l'asile du territoire, s'est perpétué en matière politique ; les réfugiés de tous les pays, dès qu'ils ont touché notre sol, sont à l'abri de toutes poursuites; les juridictions étrangères n'y trouvent d'appui que pour les crimes communs.

Quelles doivent être l'étendue et les limites de cette exception? Que faut-il entendre, dans l'application de ces traités, par les mots crimes et délits politiques? Cette question est extrêmement délicate, et sa solution, livrée à l'avance aux interprétations diplomatiques, ne saurait être l'objet d'une solution précise. En droit, on distingue les délits purement politiques, comme les complots, les actes

séditieux et les faits de presse, et les délits politiques qui se compliquent d'un délit commun, comme les pillages, les violences ou les meurtres qui, commis au milieu des dissensions civiles, peuvent invoquer une cause politique, l'intérêt d'une opinion ou d'un parti. Il nous paraît que cette distinction, quelle que soit sa valeur, ne doit point s'appliquer en matière d'extradition, et que l'exception doit également protéger les uns et les autres. Il suffit, en effet, qu'un crime, même commun, ait été inspiré par un intérêt exclusivement politique pour que son caractère se modifie immédiatement, au moins au point de vue du droit international; ce crime n'est plus empreint de cette immuable perversité qui met son auteur au ban de toutes les nations; l'élément politique, sans l'excuser, en atténue la portée et les dangers; il n'y a plus le même intérêt pour le gouvernement étranger à prêter son concours au gouvernement offensé. Et puis, les mêmes motifs qui dénient l'extradition en matière de crimes purement politiques s'appliquent à ceux-ci; les mêmes incertitudes obscurcissent le caractère des faits, les mêmes animosités frappent la justice de suspicion, les mêmes passions les enveloppent et les protégent. Cette interprétation se trouve d'ailleurs dans les termes mêmes des traités, puisqu'ils ne se bornent pas à interdire l'extradition des crimes et délits politiques, mais qu'ils la prohibent en même temps à l'égard de tout fait connexe à ces délits

et à ces crimes. Il suffit donc qu'un crime commun se rattache à un fait politique, qu'il en soit la suite et l'exécution, pour suivre son sort et profiter de son privilége. M. Henri Kluit, toutefois, demande si l'asile doit protéger l'homme qui, non pour une cause, mais sous un prétexte politique, a commis un crime odieux, ou qui, sous le voile des troubles civils, n'a fait que satisfaire ses passions personnelles et sa propre cupidité (1). Il est évident que la réponse est dans l'appréciation des faits et l'examen des éléments divers qui ont concouru à leur perpétration. On doit également prendre garde de couvrir d'un masque politique des crimes exclusivement communs et de ranger parmi les crimes communs des faits dont une pensée politique a seule dirigé l'exécution.

Une deuxième règle est celle qui limite l'extradition aux faits qualifiés crimes et punis d'une peine afflictive ou infamante par la loi pénale. Le germe de cette règle se trouve dans la doctrine de Grotius et de Vattel, dont nous avons cité les paroles, et qui, considérant l'extradition comme une mesure extraordinaire, la réservent pour les plus grands crimes. « Quand un homme, a dit un magistrat, a commis dans sa patrie un de ces crimes qui n'ébranlent point les fondements de la société, un usage universel des nations policées le reçoit à vivre tranquillement et sans être recherché dans une région nouvelle. On regarde la privation de (1) De deditione profugorum, p. 84.

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