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à la police des pêches maritimes constatent les contraventions, en dressent procès-verbal et conduisent ou font conduire le contrevenant et le bateau dans le port français le plus rapproché.

Ils remettent leurs rapports, procès-verbaux et toutes pièces constatant les contraventions, à l'officier du commissariat chargé de l'inscription maritime.

ART. 5. Les procès-verbaux doivent être signés et, sous peine de nullité, affirmés dans les trois jours de leur clôture, par devant le juge de paix du canton ou l'un de ses suppléants, ou par devant le maire ou l'adjoint, soit de la commune de la résidence de l'agent qui a dressé le procès-verbal, soit de celle où le bateau a été conduit. Toutefois, les procès-verbaux dressés par les officiers du commissariat de la marine, chargés de l'inscription maritime, par les officiers et officiers-mariniers commandant les bâtiments de l'État où les embarcations garde-pêche et par les inspecteurs des pêches maritimes, ne sont pas soumis à l'affirmation.

Dans tous les cas, les procès-verbaux doivent, sous peine de nullité, être enregistrés dans les quatre jours qui suivront celui de l'affirmation ou celui de la clôture du procès-verbal, s'il n'est pas soumis à l'affirmation. L'enregistrement est fait en débet.

ART. 6. L'officier ou agent qui a conduit ou fait conduire le bateau dans un port français, le consigne entre les mains du service de l'inscription maritime, qui saisit les engins de pêche et les produits de la pêche trouvés à bord, quel qu'en soit le propriétaire. Les produits de la pêche sont vendus, sans délai, dans le port où le bateau a été conduit et dans les formes prescrites par l'article 42 de la loi du 15 avril 1829. Le prix en est consigné à la Caisse des gens de mer, jusqu'à l'issue du jugement.

Indépendamment de l'amende prévue dans les articles 2 et 3, le tribunal ordonne la destruction des engins prohibés et, s'il y a lieu, la confiscation des engins non prohibés et des produits de la pêche saisis sur le bateau ou de leur prix. Les engins non prohibés sont vendus.

Le produit de cette vente, ainsi que de celle des produits de la pêche et le montant des amendes, sont intégralement versés dans la Caisse des invalides de la marine.

ART. 7. Les poursuites ont lieu à la diligence du procureur de la République ou des officiers du commissariat chargés de l'inscription maritime. Ces officiers ont, dans ce cas, le droit d'exposer l'affaire devant le tribunal et d'être entendus à l'appui de leurs conclusions.

Si les poursuites n'ont pas été intentées dans les trois mois qui suivent le jour où la contravention a été commise, l'action publique est prescrite. ART. 8. Les poursuites sont portées devant le tribunal de police correctionnelle dans le ressort duquel est situé le port où les contrevenants ont été conduits. Le tribunal statue dans le plus bref délai possible.

ART. 9. Les procès-verbaux des officiers ou agents chargés de constater les contraventions, comme il est dit à l'article 6, font foi jusqu'à inscription de faux.

A défaut de procès-verbaux, la contravention peut être prouvée par témoins.

ART. 10. Si le condamné n'acquitte pas l'amende et les frais, le bateau est retenu jusqu'à entier payement ou pendant un laps de temps qui ne peut

TRAITÉS, T. XVIII

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dépasser trois mois pour la première contravention et six mois en cas de récidive.

Si le condamné interjette appel ou fait opposition, il peut se pourvoir devant le tribunal pour obtenir la libre sortie du bateau, en consignant le montant de la condamnation et de tous les frais.

ART. 11. La présente loi ne porte pas atteinte à la libre circulation reconnue aux bateaux de pêche étrangers naviguant ou mouillant dans la partie réservée des eaux territoriales françaises.

Un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique déterminera les règles spéciales de police auxquelles, dans ce cas, les bateaux de pèche devront se conformer (1). Les infractions à ce règlement sont constatées et poursuivies dans les formes prévues par la présente loi ; elles sont punies d'une amende de 16 francs au moins et de 100 francs au plus, sans préjudice de la retenue du bateau.

ART. 12. Il n'est pas dérogé aux dispositions des conventions internationales et des lois qui s'y réfèrent.

Exposé des motifs du projet de loi ayant pour objet d'interdire la pêche aux étrangers dans les eaux territoriales de France et d'Algérie, présenté le 11 juin 1885, par M. Henri Brisson, Président du Conseil, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, par M. de Freycinet, Ministre des Affaires étrangères, et par M. le ViceAmiral Galiber, Ministre de la Marine et des Colonies.

Messieurs,

Nous avons l'honneur de soumettre à vos délibérations un projet de loi ayant pour objet d'établir des pénalités applicables aux étrangers qui viendraient pêcher dans nos eaux territoriales.

Depuis plusieurs années déjà le Gouvernement avait été saisi des réclamations très vives que suscitait, notamment sur le littoral de la Méditerranée, la présence de pêcheurs étrangers sur nos côtes. Les diverses autorités appelées à émettre un avis estimaient que le moment était venu de mettre un terme à une tolérance qui n'avait plus aucune raison d'être, et de prendre des mesures pour réserver l'usage exclusif de ces mers aux pêcheurs francais.

L'attention de nos prédécesseurs a été ramenée récemment sur cette question par les abus du même genre qui se produisent assez fréquemment dans le golfe de Gascogne. Le 22 octobre dernier, le commandant du stationnaire français, chargé de la police de la pêche dans ces parages, a fait capturer l'embarcation espagnole le San Pedro, à deux milles environ dans le nord de Biarritz, et, à défaut d'une législation spéciale, qui lui permit de faire punir en France le patron de cette embarcation, il a dû s'en rapporter à la bonne volonté des autorités espagnoles.

Ce n'est point là un fait isolé.

A mainte reprise, la délégation française à la Commission des Pyrénées

(1) Voir ci-après à sa date le décret du 19 août 1888 sur la police de la navigation des bateaux de pêche étrangers circulant dans les eaux territoriales françaises.

a été frappée des inconvénients auxquels donne lieu une lacune aussi importante dans notre législation. On peut, il est vrai, faire disparaître une partie de ces inconvénients au moyen d'arrangements diplomatiques. Mais les conventions n'ont qu'une portée restreinte et laissent, dans beaucoup de cas, nos tribunaux désarmés. Un acte législatif, d'un caractère général, est nécessaire pour mettre sérieusement obstacle aux incursions dont il s'agit. Telles sont les circonstances particulières qui motivent notre initiative. Au point de vue des principes, il est facile de se rendre compte de la transformation qui s'est opérée dans le régime applicable à ces mers, depuis une trentaine d'années. Au moment où une Commission spéciale préparait le projet qui a abouti à la loi sur la pêche côtière du 9 février 1852, le libre accès des eaux territoriales était la règle. On ne limitait le droit des étrangers que par exception et en vertu d'une convention formelle. En outre, l'Espagne, et à cette époque le royaume des Deux-Siciles, réclamaient encore le bénéfice des concessions qui leur avaient été faites en vertu du Pacte de famille. On trouvait difficile de traiter les autres étrangers sur un pied différent. On craignait de troubler nos relations internationales (1). Une partie de ces raisons subsistait encore en 1863, et, de plus, on pensait alors que les étrangers apportaient un utile concours à notre pèche, au moins sur le littoral de la Méditerranée, en contribuant à abaisser le prix du poisson au profit des petits consommateurs (2).

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que nos lois ne prononcent aucune exclusion contre les pêcheurs étrangers, et que, selon le langage de la Commission de 1849, on ait laissé au droit conventionnel le soin de s'expliquer utilement sur la négation ou la reconnaissance des droits qui leur étaient concédés.

Aujourd'hui, la situation n'est plus la même. La plupart des États réservent expressément à leurs nationaux la pèche dans leurs eaux territoriales et font figurer ces restrictions, non seulement dans les traités, mais dans les Codes.

Déjà, en vertu du traité franco-anglais de 1843, le régime appliqué au nord de la France ne comporte aucune des tolérances qui sont admises sur le littoral du Midi.

Le principe a été posé plus nettement encore dans la convention du 6 mai 1882, relative à la police de la pêche dans la mer du Nord. Ce traité attribue aux pêcheurs nationaux (art. 2) « le droit exclusif de pêche dans le rayon de 3 milles, à partir de la laisse de la basse mer ». Nous citerons encore, à titre d'exemple, la disposition du Code pénal allemand (art. 296), en vertu de laquelle les étrangers qui pêchent dans les eaux du littoral d'Allemagne sont punis d'une amende et d'un emprisonnement; des restrictions du même genre ont été édictées en Angleterre, en Belgique, en Danemark, en Suède, en Norwège, en Espagne et en Russie. En Italie, les étrangers doivent acquitter une taxe spéciale pour pêcher dans la mer territoriale.

Les autres motifs qui, en 1852 et 1863, avaient arrêté le législateur ne subsistent pas davantage aujourd'hui. Personne ne saurait plus se prévaloir

(1) Rapport de la Commission instituée par décision ministérielle du 25 juin 1849 pour l'examen d'un projet de loi sur la pêche maritime côtière.

(2) Rapport de la Commission d'enquête sur la pêche des étrangers dans la Méditerranée (26 janvier 1863).

du Pacte de famille ni des développements que le Gouvernement de la Restauration avait cru devoir y donner. En ce qui concerne la pêche, ce qui pouvait subsister encore de ces anciennes tolérances est virtuellement aboli par le paragraphe 2 de l'article 29 du traité franco-espagnol, déjà cité. Il y est dit, en effet :

<< Chacune des deux hautes parties contractantes réserve, pour ses nationaux, exclusivement, l'exercice de la pêche dans les eaux territoriales »>. Nous sommes liés, il est vrai, avec l'Italie, par des arrangements transitoires qui ont été stipulés, notamment pour la pêche du corail en Algérie, en attendant la conclusion d'un traité définitif de navigation. Mais ces arrangements particuliers ne sauraient faire obstacle à l'établissement d'un principe général par voie législative, et, d'ailleurs, le projet de loi qui vous est soumis réserve expressément, dans son article 12, les dispositions des conventions internationales.

Enfin, il parait admis que la pêche française dans la Méditerranée estmaintenant en état de se suffire, et que l'exclusion des pêcheurs étrangers n'apportera pas de trouble appréciable sur nos marchés.

Ainsi, en fait comme en droit, le principe de la réserve des eaux territoriales tend partout à prévaloir. Le moment semble donc favorable pour élaborer un projet de loi qui armera nos tribunaux contre les infractions que les étrangers commettraient à cette règle. On ne fera ainsi que généraliser les prescriptions déjà consacrées par la loi du 28 décembre 1883, en ce qui concerne les contraventions à la police de la mer du Nord.

Le projet qui vous est présenté a été l'objet d'un examen attentif de la part des trois départements intéressés et du Conseil d'État. Nous ne saurions mieux faire, pour le détail des articles, que de nous référer aux considérations développées avec ampleur dans le rapport ci-annexé de M. Chauffour, conseiller d'État.

Rapport de M. Victor Chauffour, Conseiller d'État, sur le projet de loi ayant pour objet d'interdire la pêche aux étrangers.

Le Ministère des Affaires étrangères, d'accord avec ceux de la Marine et de la Justice, a saisi le Conseil d'État d'un projet de loi ayant pour but d'interdire aux étrangers l'exercice de la pêche maritime dans les eaux territoriales de la France et de l'Algérie.

Ce projet soulève des questions d'ordre politique international et d'ordre économique qui méritent d'être examinées avec quelque soin.

Au point de vue qui doit nous occuper, les mers qui baignent nos côtes peuvent être divisées en trois zones, savoir:

1o Les rivages, lais et relais, les ports, havres, rades, lesquels, d'après une tradition constante, sont considérés comme faisant partie du territoire national et sont rangés, par l'article 538 du Code civil, parmi les dépendances du domaine public;

2o Une zone intermédiaire, généralement désignée aujourd'hui sous le nom d'eaux territoriales, et où la puissance riveraine a toujours exercé, sinon un droit absolu de souveraineté, au moins un droit de police très étendu ;

3o La haute mer, la mer libre qui est le domaine commun de tous les peuples, où aucune puissance ne peut s'arroger un droit de souveraineté ou de

police sur d'autres que ses nationaux ; cette zone commence au point précis où finit celle des eaux territoriales.

C'est de la zone intermédiaire seulement, et uniquement pour ce qui concerne la pêche, que nous avons à nous occuper.

La limite de cette zone a été fixée différemment, suivant les pays et les époques; théoriquement, elle s'étend aussi loin qu'elle peut être protégée par les canons établis sur la côte même. C'est ce qu'on appelle la portée de canon. Mais une détermination aussi vague ne saurait suffire, à une époque où la portée du canon a varié et varie dans de si énormes proportions. Pour le service des douanes, on s'est arrêté depuis longtemps à une limite fixe, celle de deux myriamètres (1). Mais en ce qui concerne le droit de navigation et de pêche, l'on a toujours suivi des règles différentes. Aujourd'hui, d'après un usage consacré par plusieurs conventions internationales, et en France par plusieurs lois, l'on s'accorde à poser, en cette matière, la limite des eaux territoriales à trois milles marins (c'est-à-dire un peu plus de 5.500 mètres) à partir de la laisse de basse mer. C'est la limite adoptée par le projet de loi et, bien entendu, elle ne déroge aucunement aux limites différentes admises, pour d'autres matières, par des lois spéciales ou par le droit international. Les droits des États riverains sur les eaux territoriales n'ont jamais été et ne sont pas encore nettement définis.Si, d'une part, on a toujours reconnu que la navigation doit y être libre, comme dans la haute mer, personne n'a jamais contesté aux Etats riverains le droit de prendre, dans ces eaux qui touchent de si près à leurs côtes, toutes mesures de police propres à sauvegarder leur sécurité et leurs intérêts. C'est ainsi qu'en tous pays, les lois de douanes étendent jusqu'à un point assez éloigné des côtes le droit de visite, de saisie et de confiscation des bâtiments fraudeurs et de leurs cargaisons; c'est ainsi encore que, selon une pratique générale et non contestée, les États riverains exercent, dans les eaux territoriales, pleine et entière juridiction, et poursuivent et répriment les crimes et délits de droit commun qui y sont commis, comme ils le font pour ceux commis sur le territoire national luimême.

Mais pour l'exercice du droit de pêche, qui se lie si étroitement à celui de libre navigation, tout en admettant qu'en cette matière, comme en toute autre, l'Etat riverain exerce un droit de police très étendu, l'on se refusait, jusqu'à une époque tout à fait contemporaine, à lui reconnaître un droit d'interdiction absolu. Il pouvait bien, de l'aveu unanime, réglementer la police de la pêche dans ses eaux territoriales et instituer des agents et des tribunaux chargés de veiller à l'exécution de ses règlements et d'en réprimer les infractions. En France, ce droit de réglementation a été exercé à plusieurs reprises et notamment dans le décret-loi du 9 janvier 1852.

Mais ces règlements étaient applicables à tous les pêcheurs sans distinction de nationalité et, par cela même, ils consacraient le droit des pècheurs étrangers de venir faire concurrence à nos nationaux jusque tout près de nos rivages. Ce principe est admis implicitement dans le décret-loi de 1852, portant règlement général de la pêche côtière, comme dans les décrets particuliers relatifs aux différents arrondissements maritimes (2). Le droit de tous

(1) Loi du 4 germinal an II, titre 1er.

(2) Décret-loi du 9 janvier 1852. Décret du 4 juillet 1853 sur la pêche côtière dans les quatre premiers arrondissements maritimes. Décret du 19 novembre 1859 pour le

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