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APRÈS le 3 septembre 1791, jour où l'assemblée déclara que la constitution était terminée, elle tint encore plusieurs séances, et rendit quelques lois.

Celle sur l'organisation de la garde nationale, en date du 29 septembre, est la plus importante de toutes.

Le 30 septembre, l'assemblée constituante déclara que sa mission était finie, et elle se retira sur-le-champ.

Cependant les assemblées primaires et électorales, réunies dans toute la France, avaient nommé les membres de l'assemblée législative, qui tint sa première séance, le 1er octobre 1791.

Le 4, le roi se rendit à l'assemblée, et prêta le serment exigé par la constitution (1).

La mésintelligence ne tarda pas à éclater entre la cour et les représentans. Deux décrets rendus, l'un contre les émigrés, l'autre contre les prêtres réfractaires, furent présentés à la sanction du roi, qui refusa son consentement. En cela, il usa du droit que lui donnait la constitution (2).

Mais cet essai de son pouvoir ne servit qu'à montrer combien ce pouvoir était faible.

Trois partis s'étaient formés dans l'assemblée: on distinguait les Constitutionnels, les Girondins et les Jacobins. Les premiers étaient les seuls qui voulussent sincèrement conserver la constitution royale; les autres s'accordaient pour la renverser, mais avec des vues ultérieures bien différentes, ainsi que l'expérience l'a démontré. Chaque jour, les républicains attaquaient les hommes et les ins-" titutions qui faisaient obstacle à leurs desseins. Le 30 mai 1792, ils firent prononcer la dissolution de la garde constitutionnelle du

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Enfin le 20 juin, éclata une insurrection, qui, soit qu'elle fût commandée par les républicains, soit qu'elle fût seulement provoquée par leur conduite et leurs discours, renversa, on peut le dire, et la royauté et la constitution; la représentation nationale. elle-même reçut une atteinte funeste: on vit défiler, au milieu de l'assemblée, une procession d'hommes armés, qui, plus tard, y (1) Chap. 2, sect. 1, art. 4. (2) Chap. 5 sect 3.

reparurent pour demander la tête de ces députés alors environnés de la faveur populaire.

Le 10 août acheva ce que le 20 juin avait commencé; et la constitution cessa d'exister, par l'effet des deux décrets rendus par l'assemblée, dont l'un suspendait le roi de ses fonctions, et l'autre ordonnait la convocation d'une convention nationale.

Le lendemain, un autre décret invita tous les citoyens à se réunir en assemblées primaires, pour nommer les membres de la convention, et à revêtir leurs représentans d'une confiance illimitée. Tout Français âgé de vingt-un ans, pourvu qu'il ne fût pas en état de domesticité, fut appelé à voter; tout Français âgé de vingt-cinq ans fut déclaré éligible. D'ailleurs, le pouvoir exécutif fut confié aux ministres.

Nous ne parlerons des massacres des 2 et 3 septembre que pour faire remarquer que, dès ce moment, la puissance des Jacobins fut souveraine; le talent et le courage des Girondins ne purent résister à leur audace et à leur popularité.

Le 21 septembre 1791, la convention tint sa première séance, et décréta, à l'unanimité, l'abolition de la royauté.

Un nouveau décret, en date du 25, proclama la république française.

Au mois de janvier 1793, commença le procès de Louis XVI: le courage de quelques députés ne put le défendre contre la rage des Jacobins et la pusillanimité du reste de la convention.

Après la mort du roi, la Montagne continua à opprimer la convention et à ravager la France. Le 6 avril, fut formé ce fameux comité de salut public, directeur de l'anarchie et des excès révolutionnaires. Le 31 mai, on vit la convention sacrifier plusieurs de ses membres à la fureur des Jacobins : un grand nombre de députés connus sous le nom de Girondins et de Fédéralistes furent proscrits, et la plupart traînés sur l'échafaud. La France se couvrit de comités révolutionnaires; chaque département eut son proconsul, qu'on nommait alors représentant du peuple. C'est au milieu de ces mouvemens que se préparait la nouvelle constitution de la république française. Elle fut présentée le 24 juin à l'acceptation du peuple.

ACTE CONSTITUTIONNEL

PRÉSENTÉE AU PEUPLE FRANÇAIS

PAR LA CONVENTION NATIONALE.

24 juin 1793.

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer et avilir par la tyrannie; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur; le magistrat, la règle de ses devoirs ; le législateur, l'objet de sa mission.

En conséquence, il proclame, en présence de l'Etre-Suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen :

Art. 1". Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

2. Ces droits sont : l'égalité, la liberté, la sûreté, la priété.

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3. Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi. 4. La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale; elle est la même pour tous, soit qu'elle protége, soit qu'elle punisse; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

5. Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres mo

tifs de préférence dans leurs élections, que les vertus et les talens.

6. La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe, la nature; pour règle, la justice; pour sauve-garde la loi; sa limite morale est dans cette maxime: Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.

7. Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de tout autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits.

La nécessité d'énoncer ses droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

8. La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

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9. La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent..

10. Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen appelé ou saisi par l'autorité de la loi doit obéir à l'instant; il se rend coupable par la résistance, 111. 11. Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.

12. Ceux qui solliciteraient expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, sont coupables et doivent être punis.

13. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

14. Nul ne doit être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait des délits commis avant qu'elle existât, serait une tyrannie; l'effet rétroactif donné à la loi serait un crime.

15. La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.

16. Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen, de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

17. Nul genre de travail, de culture, de commerce ne peut être interdit à l'industrie des citoyens.

18. Tout homme peut engager ses services, son temps;. mais il ne peut se vendre ni être vendu sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne connaît point de domesticité; il ne peut exister qu'un engagement de soin et de reconnaissance entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.

19. Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété, sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

20. Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi et de s'en faire rendre compte.

21. Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler. A

22. L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

23. La garantie sociale consiste dans l'action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits : cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

24. Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnnaires n'est pas assurée... 25. La souveraineté réside dans le peuple: elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

26. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier; mais chaque section du souverain, assemblée, doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.

27. Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

28. Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Une génération ne peut assujétir à ses générations futures.

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