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eux, jusqu'à ce qu'Egbert, roi de Wessex et descendant de Cerdic, soumit toute l'Heptarchie à ses lois, en 827..

Ce prince fut couronné à Winchester, sous le nom de roi d'Angleterre, selon quelques historiens: d'autres au contraire, prétendent qu'Egbert et ses cinq successeurs immédiats conservèrent le titre de rois de Wessex, et qu'Edouard l'ancien fut le premier qui prit dans les monnaies celui de Rex Anglorum. Quoiqu'il en soit, l'autorité d'Egbert s'étendait réellement sur toute l'Angleterre proprement dite; seulement il permit aux rois de Mercie, d'Est-anglie et de Northumberland de conserver leur titre.

Nous avons dit quelle était, suivant l'opinion la plus probable, la forme du gouvernement établi en Bretagne par les Romains; l'invasion des Saxons apporta de nouveaux usages. L'autorité se trouvait partagée entre le roi où chef (1) et les grands: quelques écrivains ont cru que le peuple n'était pas exclu du gouvernement; mais il serait ridicule de prétendre que déjà dans ces temps grossiers chaque pouvoir était établi de manière à tempérer les autres, sans avoir les moyens de les envahir; comme nous le voyons aujourd'hui.

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Dans les royaumes de l'Heptarchie l'ordre de succession au trône paraît n'avoir pas eu de règles fixes; la couronne était à la vérité conservée dans la famille du roi ; mais elle n'était pas toujours transmise à son parent le plus proche; quelquefois même le roi désignait son successeur par son testament (2) et son choix était suivi. On reconnaît à ces usages l'origine germanique des vainqueurs de la Bretagne; au surplus, les Saxons ne se bornèrent pas à imposer le joug aux vaincus, et à leur donner leurs lois; ils substituèrent leurs mœurs et leur langage à ceux des anciens habitans, et bientôt la population primitive et ses oppresseurs ne formèrent plus qu'une seule nation.

(1) Chieftain.

(2) Hume, ch. a.

L'Angleterre réunie sous un seul chef devait espérer plus de tranquillité qu'elle n'en avait eu durant l'Heptarchie ; mais ses guerres intestines étaient à peine terminées, qu'un ennemi extérieur vint troubler son repos et la menacer de la servitude. Les Danois, peuple habitant des bords de la Baltique, parurent en armes sur les côtes de l'Angleterre. Dans leurs premières expéditions on ne vit que des pirates; mais bientôt on craignit des conquérans, et les Anglo-Saxons furent menacés du joug qu'ils avaient imposé aux Bretons.

La guerre éclata, et se poursuivit avec des succès divers sous les règnes d'Egbert, d'Ethelwolth, d'Ethelbald et d'Ethered.

A la mort de ce dernier roi, les Danois avaient déjà formé des établissemens considérables: en 871, ils étaient maîtres des royaumes de Mercie, de Northumberland, et d'EstAnglie. Les Anglo-Saxons découragés, n'opposaient qu'une faible résistance à ces formidables ennemis; mais Alfred, leur roi, trouva dans son courage et dans son génie des ressources inespérées : il arrêta les progrès des Danois et fut vainqueur dans plusieurs batailles; enfin après avoir éprouvé de grands revers, il parvint à préserver son peuple du joug ennemi. Toutefois, ses victoires ne purent expulser entièrement les Danois; mais sa politique les soumit à son autorité. Les Danois conservèrent leurs lois; mais ils furent les sujets d'Alfred.

Ce prince fut aussi sage législateur que grand capitaine, et il a mérité le titre de Legum anglicanarum conditor. Avant de parler des lois qu'il publia et des institutions dont il fut le fondateur, il importe de jeter un coup-d'œil sur le gouvernement d'Angleterre, durant et après l'Heptarchie jusqu'à

Alfred.

Le royaume était divisé en comtés qui avaient chacun leur Alderman ou comte particulier. Les habitans formaient plusieurs classes distinctes: la première division était en hommes libres et esclaves; mais tous les hommes libres n'étaient pas

d'une égale condition, et ne jouissaient pas des mêmes droits. Les thanes ou nobles étaient au-dessus des ceorls, appelés aussi husbandmen, qui composaient la classe moyenne. Parmi les thanes, il y avait différens degrés; ceux du premier ordre étaient nommés thanes du roi, les autres étaient sous leur dépendance probablement ils en avaient reçu des terres dont le prix consistait en rentes. Ils étaient en outre obligés d'obéir à leur seigneur en temps de paix et de guerre (1). Le Weregild ou la composition pour meurtre, établit ces distinctions d'une manière certaine : la vie d'un thane royal était évaluée à 1200 shillings, celle d'un thane du second ordre à la moitié, et la composition pour meurtre d'un ceor? était fixée à 200 shillings. (2)

Les thanes étaient les propriétaires des terres ou les francstenanciers, les ceorls étaient les cultivateurs.

Il est douteux si ces derniers étaient attachés à la glèbe; quoiqu'il en soit, ils devaient le service militaire, ils obtenaient protection pour leur personne et pour leurs biens; pouvaient devenir propriétaires, et même parvenir à la dignité de thanes, s'ils acquéraient cinq hydes (3) de terres avec une chapelle, une cuisine, une salle et une cloche, c'est-àdire, un manoir seigneurial (4).

La dignité de thane, était également accordée au commerçant qui avait fait trois grands voyages par mer.

L'institution politique la plus remarquable à cette époque, est sans doute l'assemblée connue sous le nom de Wittenagemot; elle était composée des évêques, des abbés (5) et des Aldermen, ou gouverneurs de provinces; sur ce point

(1) Wilkins. Leges anglo-saxon, pages 40, 43, 64, 72, 101.

(2) Spelman, Feuds and tenures, page 40. (3) L'hyde équivaut à 120 acres environ. (4) Selden titles of honour, page 515.

(5) Quelquefois les abbesses y étaient admises.-Spelm. gloss. au mos Parliamentum, cité par Hume.

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toutes les opinions sont d'accord; mais les Prélats et les Aldermen ne composaient pas seuls l'assemblée les Wites ou Sages en faisaient aussi partie; et il y a incertitude sur la question de savoir dans quelle classe ils étaient pris. Les uns ont soutenu que cette branche du Wittenagemot était formée des juges et des hommes instruits dans les lois ; d'autres, au contraire, y ont vu les représentans des bourgs, et l'ont regardée comme l'origine de la chambre des communes. Cette dernière opinion ne paraît pas fondée : les bourgs, à cette époque, étaient si petits et si pauvres; les habitans étaient dans une telle dépendance des grands, qu'il est invraisemblable qu'ils fussent admis au conseil du Prince (1); d'ailleurs, comment concilier les dénominations de Principes, Satrapes, Magnates, etc., que tous les historiens s'accordent à donner aux membres du Wittenagemot, avec l'opinion que les représentans des bourgs faisaient partie de cette assemblée. Il faut donc croire que par cette expression de Wites, on désignait les grands propriétaires.

Les attributions du Wittenagemot ne peuvent être déterminées avec une parfaite exactitude; on sait seulement que son concours était nécessaire pour faire les lois; qu'il avait droit de surveiller l'administration publique, et de provoquer la révocation des actes faits sans sa participation.

Chaque comté avait son assemblée particulière, appelée Shire-Gemot; elle était formée des thanes du comté: on y jugeait les affaires civiles et criminelles; et cette institution a dû puissamment contribuer, ainsi que le remarque M. Hallam, à fixer les libertés de l'Angleterre sur une base large et populaire, en restreignant les droits de l'aristocratie féodale (2).

Telles étaient alors les institutions politiques de l'Angleterre; les lois d'Alfred vinrent les perfectionner et les affermir.

(1) Brady, Traité des Bourgs, pages 3, 4, 5.

(1) L'Europe au moyen åge, tome 2, page 18, traduction de MM. De douit et Borghers.

C'est à ce grand Roi, qu'il faut attribuer, suivant l'opinion la plus commune, la division régulière de l'Angleterre, en comtés chaque comté fut subdivisé en Hundreds, centaines ou cantons, et chaque canton en Thitings ou dixaines. Le canton ou centaine dont le chef se nommait Hundreder com¬ prenait dix Thitings ou dixaines; la dixaine se composait de dix francs tenanciers avec leurs familles : ainsi réunies, dix familles formaient une communauté soumise à un chef nommé Thitingman, Headbourg ou Borsholder. Ces familles étaient en quelque sorte solidaires pour la punition des crimes commis par un de leurs membres elles étaient obligées de représenter le coupable ou de payer une amende proportionnée à la gravité du délit : d'ailleurs chaque homme était obligé de se faire inscrire dans une dixaine, et personne ne pouvait en changer, sans l'autorisation de son Thitingman.

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L'administration de la justice était organisée d'après la division territoriale; les contestations entre les membres d'une même dixaine étaient jugées par la dixaine assemblée, sur la convocation et sous la présidence du Thitingman. Les affaires d'une grande importance, les appels des sentences rendues par les dixaines, et les différens entre les dixaines étaient portés devant l'assemblée du canton (Hundred) présidée par son chef: « les formalités que ces cantons observaient méritent » d'être rapportées, dit Hume, comme étant l'origine des jurés, institution admirable en elle-même, et ce que l'esprit » de l'homme a jamais imaginé de mieux, pour maintenir les libertés nationales et l'administration de la justice; douze » Free-Holders, c'est-à-dire francs tenanciers, étaient choisis, et prêtaient serment avec le Hundreder, d'administrer une justice impartiale, et procédaient ensuite à l'examen de » l'affaire soumise à leur jugement ».

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Cette opinion de Hume a été combattue par d'autres écrivains; le cadre de notre travail ne nous permet pas de traiter la question avec les développemens dont elle est susceptible;

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