toutes les opinions sont d'accord; mais les Prélats et les Aldermen ne composaient pas seuls l'assemblée : les Wites ou Sages en faisaient aussi partie; et il y a incertitude sur la question de savoir dans quelle classe ils étaient pris. Les uns ont soutenu que cette branche du Wittenagemot était formée des juges et des hommes instruits dans les lois; d'autres, au contraire, y ont vu les représentans des bourgs, et l'ont regardée comme l'origine de la chambre des communes. Cette dernière opinion ne paraît pas fondée : les bourgs, à cette époque, étaient si petits et si pauvres; les habitans étaient dans une telle dépendance des grands, qu'il est invraisemblable qu'ils fussent admis au conseil du Prince (1); d'ailleurs, comment concilier les dénominations de Principes, Satrapes, Magnates, etc., que tous les historiens s'accordent à donner aux membres du Wittenagemot, avec l'opinion que les représentans des bourgs faisaient partie de cette assemblée. Il faut donc croire que par cette expression de Wites, on désignait les grands propriétaires. Les attributions du Wittenagemot ne peuvent être déterminées avec une parfaite exactitude; on sait seulement que son concours était nécessaire pour faire les lois; qu'il avait droit de surveiller l'administration publique, et de provoquer la révocation des actes faits sans sa participation. Chaque comté avait son assemblée particulière, appelée Shire-Gemot; elle était formée des thanes du comté: on y jugeait les affaires civiles et criminelles; et cette institution a dû puissamment contribuer, ainsi que le remarque M. Hallam, à fixer les libertés de l'Angleterre sur une base large et populaire, en restreignant les droits de l'aristocratie féodale (2). Telles étaient alors les institutions politiques de l'Angleterre; les lois d'Alfred vinrent les perfectionner et les affermir. (1) Brady, Traité des Bourgs, pages 3, 4, 5. (1) L'Europe au moyen åge, tome 2, page 18, traduction de MM. De douit et Borghers. C'est à ce grand Roi, qu'il faut attribuer, suivant l'opinion la plus commune, la division régulière de l'Angleterre, en comtés chaque comté fut subdivisé en Hundreds, centaines ou cantons, et chaque canton en Thitings ou dixaines. Le canton ou centaine dont le chef se nommait Hundreder com¬ prenait dix Thitings ou dixaines; la dixaine se composait de dix francs tenanciers avec leurs familles : ainsi réunies, dix familles formaient une communauté soumise à un chef nommé Thitingman, Headbourg ou Borsholder. Ces familles étaient en quelque sorte solidaires pour la punition des crimes commis par un de leurs membres elles étaient obligées de représenter le coupable ou de payer une amende proportionnée à la gravité du délit : d'ailleurs chaque homme était obligé de se faire inscrire dans une dixaine, et personne ne pouvait en changer, sans l'autorisation de son Thitingman. : par L'administration de la justice était organisée d'après la division territoriale; les contestations entre les membres d'une même dixaine étaient jugées par la dixaine assemblée, sur la convocation et sous la présidence du Thitingman. Les affaires d'une grande importance, les appels des sentences rendues les dixaines, et les différens entre les dixaines étaient portés devant l'assemblée du canton (Hundred) présidée par son chef: « les formalités que ces cantons observaient méritent » d'être rapportées, dit Hume, comme étant l'origine des jurés, institution admirable en elle-même, et ce que l'esprit » de l'homme a jamais imaginé de mieux, pour maintenir les libertés nationales et l'administration de la justice; douze Free-Holders, c'est-à-dire francs tenanciers, étaient choisis, et prêtaient serment avec le Hundreder, d'administrer une justice impartiale, et procédaient ensuite à l'examen de » l'affaire soumise à leur jugement ע Cette opinion de Hume a été combattue par d'autres écrivains; le cadre de notre travail ne nous permet pas de traiter la question avec les développemens dont elle est susceptible; nous nous bornerons à faire observer que l'on peut adopter le sentiment de Hume, bien que l'institution actuelle du jury anglais; diffère en beaucoup de points des tribunaux dont nous venons d'exposer l'organisation, comme l'ont fait remarquer ceux qui ont soutenu un système contraire au sien. Dans tous les cas, nous avons dû signaler la difficulté, car en faisant connaître les anciennes institutions, nous devons sur-tout nous attacher à montrer leur influence sur les institutions modernes. Au-dessus des assemblées de canton, était la cour du comté; elle se composait de tous les francs-tenanciers de la Province; et connaissait, sous la présidence du comte ou Alderman et de l'évêque, des appels des sentences rendues par les cantons, et des contestations entre les membres des différens cantons. Enfin le conseil du Roi était la cour suprême, à laquelle on portait l'appel de toutes les cours du royaume. Après avoir ainsi réglé l'hiérarchie des différens tribunaux, Alfred pensa qu'il était dangereux de laisser entre les mains de l'Alderman, l'autorité civile et militaire; il institua des Sheriffs pour chaque province, auxquels fut confiée l'administration des affaires civiles. Blackstone pense au contraire, que les Sheriffs ne furent dans l'origine que des officiers du comte, chargés de le suppléer dans toutes ses fonctions; et que c'est peu à peu, que l'autorité civile se trouva entre leurs mains, entièrement séparée du commandement militaire (1). Outre ces réglemens particuliers, Alfred publia un corps de lois, qui ne s'est point conservé; mais que l'on regarde généralement comme la source de ce qu'on appelle en Angle terre le droit commun. Telles furent les institutions d'Alfred; il sut établir l'ordre et faire respecter ses lois, sans attenter aux droits et à la liberté de son peuple; on trouve dans son testament ces paroles remarquables: Il serait juste que les Anglais pussent toujours rester aussi libres que leurs pensées. (1) Blackstone, Comment. sur les lois, discours préliminaire, page 149. Les successeurs d'Alfred furent continuellement inquiétés par les courses des Danois, dont les expéditions devenaient chaque jour plus nombreuses et plus redoutables. Ceux-ci parvinrent à former des établissemens sur les côtes, puis dans les terres; enfin, en 1016, Edmond Côte-de-fer fut contraint de partager son royaume avec Canut, roi de Danemarck; bientôt après, il mourut assassiné, laissant deux fils mineurs, et Canut fut reconnu roi d'Angleterre. C'est ainsi que la race des rois Saxons fut exclue du trône, mais les rois Danois ne le conservèrent pas long-temps, et la famille Saxone fut rétablie, en 1041, dans la personne d'Edouard le Confesseur. Edouard fit une nouvelle promulgation des lois d'Alfred, et fut nommé, par cette raison, restitutor legum anglicanarum. Le règne de ce prince n'offre rien de remarquable, mais il prépara de grands évènemens. A sa mort, Edgard, son neveu, Harold, seigneur puissant, et Guillaume duc de Normandie se disputèrent le trône; Harold, soutenu par un parti nombreux, se saisit du sceptre. Guillaume invoquait et les liens du sang qui l'unissaient au dernier roi, et le testament de ce prince qui le désignait pour successeur. Ses droits pouvaient être contestés, mais son épée trancha la question: vainqueur de Harold, à la bataille d'Hastings, il est sacré et couronné dans l'abbaye de Westminster, le 26 décembre 1066; ainsi finit la dynastie Saxone. L'avènement de Guillaume amena de grands changemens dans le gouvernement, dans les mœurs et dans les institutions. Dès-lors, dit Spelman, un nouvel ordre de choses com » mence ». L'Angleterre était encore à cette époque régie par les lois d'Alfred; nous avons tâché d'en faire connaître l'ensemble. Il faut voir maintenant par quels changemens successifs le nouveau régime fut établi; mais il convient d'examiner d'abord une question importante, savoir: si les tenures féodales étaient connues en Angleterre avant la conquête. Ceux qui ont soutenu l'existence de la féodalité, ont fait remarquer que les terres en franche tenure étaient soumises au service militaire, dans les expéditions du roi; à la réparation des ponts, et à l'entretien des forteresses royales ; que les biens d'un thane qui s'était mal conduit à la guerre étaient confisqués; que la confiscation était même prononcée contre les thanes inférieurs, par cela seul qu'ils avaient négligé le service militaire; qu'enfin, il existait entre les propriétaires libres, par exemple entre les thanes royaux et les thanes inférieurs, des relations mutuelles et une subordination, telles que celles de seigneur à vassal. Pour soutenir l'opinion contraire, on s'est attaché à faire remarquer que dans ces obligations et ces relations, on ne trouvait pas ce qui constituait essentiellement, le vassellage féodal; on a cité l'autorité du Domesday-Book, (1) qui qualifie souvent les tenans, soit de la couronne, soit d'autres seigneurs, de Thanes, francs-tenanciers (liberi homines), et qui porte expressément, que certains tenans pouvaient vendre leurs terres, à qui ils voulaient; qu'enfin d'autres pouvaient aller avec leurs terres où il leur plaisait, c'est-à-dire changer de patron à leur gré. D'ailleurs, on a eu soin d'établir que si quelques tenanciers ne pouvaient quitter leur seigneur, cependant leur personne n'était pas attachée à la terre; que seulement, tant qu'ils en avaient la possession, ils étaient soumis au seigneur. Une autre observation importante, c'est qu'il n'y a point de preuve, que le service militaire ait été dû par ces tenans; et qu'enfin, avant la conquête, la cérémonie d'hommage et de fidélité, la levée des aides féodales, les droits de garde et de mariage étaient absolument inconnus. Quant à la juridiction territoriale, il est difficile de savoir de quelle manière elle était établie. (1) Registre dans lequel étaient inscrits tous les propriétaires de terres, et où étaient mentionnées la valeur, l'étendue, et la nature des terres, ainsi que le nombre des fermiers, des paysans et des esclaves qui les cultivaient. |