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ment où les esprits étaient le plus aigris, il se trouva obligé de convoquer les barons pour leur demander de nouveaux subsides: la circonstance était favorable, ils en profitèrent; et sur leur demande, vingt-quatre commissaires furent nommés, moitié par eux, et moitié par la couronne, pour opérer une réforme dans l'Etat. Provisoirement ces vingt-quatre commissaires eurent la garde de toutes les forteresses, et la disposition de tous les gouvernemens; d'abord ils s'occupèrent de la mission qui leur avait été confiée, et par de sages réglemens ils corrigèrent les abus dont se plaignait la na tion; ces réglemens sont connus sous le nom de provisions D'Oxford.

Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que le conseil des vingt-quatre cherchait à étendre son autorité, en empiétant sur le pouvoir royal; et bientôt on le vit substituer ouvertement, à la tyrannie du monarque, la tyrannie plus odieuse de l'aristocratie. Dès que les desseins des barons furent con. nus, leurs partisans diminuèrent, et la haine contre le roi s'affaiblit d'ailleurs plusieurs barons voyaient avec inquié tude la puissance de Simon de Montfort, comte de Leicester, qui, après avoir dirigé le mouvement contre le roi, s'était placé à la tête des vingt-quatre. Les talens et le courage de cet homme extraordinaire, les avaient fait triompher; ils craignaient qu'ils ne servissent à les opprimer. Le roi crut le moment favorable pour ressaisir l'autorité; il convoqua un nouveau parlement, et dans la séance d'ouverture il annonça ses intentions par ces paroles. « Puisque je suis né roi, je veux l'être: Reprenons chacun notre rôle; moi celui de maître, vous celui de sujets.

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Le Comte de Leicester répondit avec arrogance, au nom des barons; dès ce moment la guerre fut inévitable, elle éclata bientôt après. Le courage du prince Edouard, fils du roi, ne put résister à l'expérience du comte; les royalistes. furent vaincus, le roi fut fait prisonnier.

Cette victoire rendit Leicester tout puissant, et probable

ment il ne songea plus qu'à affermir ou à étendre son autorité; mais les mesures qu'il prit dans cette intention devaient produire un autre résultat qu'il ne prévoyait pas lui-même; c'était l'admission des communes au parlement.

CHAPITRE IV.

Etablissement de la Chambre des Communes.

Le Comte de Leicester ne trouva pas de meilleur moyen pour conserver le pouvoir, que de paraître l'exercer au nom du roi et du consentement de la nation; à cet effet il convoqua, en 1265, un parlement, auquel il appela nonseulement les barons, mais encore deux chevaliers pour représenter leur comté, et deux citoyens ou bourgeois pour représenter chaque ville ou bourg; ces députés furent nommés en vertu de Writs adressés aux Sheriffs au nom du roi. Telle est, suivant l'opinion la plus générale, l'origine de la chambre des communes; mais on doit remarquer avec Hume, que « la politique de Leicester ne fit qu'accélérer de quelques » années une institution à laquelle l'état des choses avait

déjà préparé la nation; autrement, ajoute cet historien, il >> serait inconcevable qu'un tel arbre, planté par une main » si fatale, eût pu croître si vigoureusement et fleurir au sein » de semblables orages. >>>

L'histoire nous apprend que Leicester parvenu à l'autorité suprême en abusa; obligé de soutenir une nouvelle guerre contre le roi, ou plutôt contre le prince Edouard, il fut vaincu et tué à la bataille d'Evesham. Henri III remonta sur son trône et montra plus de modération qu'on ne devait en attendre; il respecta la grande charte et les droits acquis, et ne punit que par l'exil ses ennemis les plus acharnés.

Le prince Edouard fut son successeur; dans les premières années de son règne plusieurs parlemens furent convoqués ; et il est remarquable que les députés des bourgs n'y furent pointa ppelés, comme ils l'avaient été par le comte Leicester;

mais en 1295, le roi adressa aux Sheriffs des Writs par lesquels il leur enjoignait d'envoyer au parlement, outre deux chevaliers de la province, deux députés de chaque bourg (1; parceque c'est la règle la plus équitable, est-il dit dans le préambule des Writs, que ce qui intéresse tous soit approuvé, de tous et que le danger commun soit repoussé par des » efforts réunis. » (2).

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On a écrit des volumes sur les premières élections des députés des bourgs; on a examiné à qui appartenait le droit d'élire, dans quelle forme il était exercé; sur-tout on a recherché quels étaient dans l'origine les pouvoirs des députés, et comment ils concouraient avec les barons aux actes du parlement; enfin par quels degrés, la chambre des communes est devenue, comme elle l'est aujourd'hui, partie essentielle. du pouvoir législatif. Toutes ces questions, à l'exception de la dernière, nous paraissent avoir été traitées avec une étendue et un soin qu'elles ne méritent pas; ainsi nous nous attacherons seulement à noter les époques et les actes qui ont produit des changemens notables dans l'institution alors nais

sante.

Voici comment s'exprime Delolme (5) à ce sujet. Il faut » l'avouer cependant, ces députés du peuple n'eurent pas d'a> bord des droits fort considérables, ils étaient bien éloignés de » jouir de ces belles prérogatives qui font aujourd huí de la ⚫ chambre des communes une partie collatérale du gouverne ⚫ment; ils ne furent d'abord appelés que pour consentir aux ré⚫ solutions que prendraient le roi et l'assemblée des seigneurs; > mais c'était avoir beaucoup acquis, que d'avoir acquis le droit » de faire entendre leurs plaintes sans péril eten commung c'était beaucoup, au lieu de la ressource dangereuse des » insurrections, d'avoir une influence légale sur les motions du

(1) Il y avait alors environ cent-vingt bourgs ea cités, quí nommaient des députés.

(2) Brady, Traité des Bourgs, page 25. (3) Page 27, chap. 1.

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gouvernement et d'en faire désormais partie. Quelque fûr le désavantage de la place qui leur était assignée, il devait » être bientôt compensé par la prépondérance nécessaire qu'a » le peuple, lorsqu'il peut se mouvoir avec règle. »

Delolme ajoute en note que le summon ou appel que les seigneurs recevaient du roi pour se rendre au parlement, portait: ad audiendum et faciendum, et celui des communes, ad audiendum et consentiendum. Telle était en effet la formule des Writs de convocation expédiés en 1295; dans la suite, elle varia souvent; mais il ne faut point regarder ces changemens dans les expressions comme des signes certains d'extension ou de diminution dans le pouvoir des communes : pendant long-temps elles n'eurent que celui de consentir aux actes qui leur étaient présentés, et même on ne les regarda comme partie essentielle de la législature que pour le vote des impôts.

Malgré les grandes qualités du roi Edouard I, les Anglais voyaient avec inquiétude ce prince chercher à étendre son autorité; on avait à lui reprocher plusieurs violations de la grande charte; la nation se plaignit, le monarque fut obligé de confirmer la grande charte et la charte des forêts; il ordonna par le même statut qu'elles seraient envoyées à tous les Sheriffs, et à tous les magistrats du royaume pour être solennellement publiées; qu'elles seraient conservées et lues deux fois par an dans chaque cathédrale, avec sentence d'excommunication contre quiconque les violerait; et enfin que tout jugement contraire à ces chartes serait réputé nul et considéré comme non-avenu. En outre, et quelques années après, Edouard publia le statut de tallagio non concedendo, portant qu'on ne pourrait lever aucun impôt sans le consentement des pairs et des communes. Cet acte important, dit Delolme, est conjointement avec la grande charte, la base de la constitution d'Angleterre. Si c'est de l'une que les Anglais doivent dater l'origine de leur liberté, c'est de » l'autre qu'ils doivent en dater l'établissement; et si la grande » charte était le rempart qui protégeait toutes les libertés

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» individuelles, le statut en question était la machine qui protégeait la charte elle-même, et à l'aide de laquelle la nation devait faire désormais des conquêtes légales sur » l'autorité du roi. »

Ici il importe de remarquer qu'antérieurement à ce statut, le parlement devait, à la vérité, voter les subsides; mais le roi n'en avait pas moins le droit de lever sur les terres de sa dépendance immédiate des taxes connues sous le nom de tailles ou prises certains impôts tels que le droit sur la sortie des laines étaient également levés en vertu de la prérogative royale. Ce nouvel acte embrassant dans la généralité de ses expressions tous les impôts, le roi fut désormais obligé d'obtenir toujours le consentement du parlement.

Tels sont les évènemens du règne d'Edouard Ier, qui ont influé sur la constitution de l'Angleterre. C'étaient les seuls qu'il entrait dans notre plan de retracer. Jusqu'à cette époque, nous avions à rechercher les germes faibles et épars des institutions, et à suivre leurs développemens successifs: maintenant ces institutions, quoiqu'encore irrégulières dans quelques parties, se montrent avec leurs caractères essentiels, il ne reste plus qu'à signaler les causes de leur perfectionnement, et enfin à les étudier dans leurs effets.

Nous avons vu les communes devenir partie essentielle du parlement; et dès-lors a été constitué le gouvernement par roi, lords et communes, tel qu'il existe de nos jours; mais les limites respectives de chacun des trois pouvoirs n'ont été bien déterminées que par la suite reprenons le fil des évènemens et des actes qui ont placé les choses dans l'état actuel.

La chambre des communes, comme on le sait, ne fut appelée dans l'origine qu'à voter l'impôt, mais ses prérogatives devaient nécessairement s'accroître; car, le droit de refuser des subsides au monarque emportait le droit de les accorder sous conditions; en d'autres termes, d'exiger en compensation ou en

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